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16/02/2012 | FRANCE | N°10LY02662

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 16 février 2012, 10LY02662


Vu la requête, enregistrée le 30 novembre 2010, présentée pour M. et Mme A et M. Benoît A, domiciliés ... ;

Les consorts A demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0901875 du 5 octobre 2010, modifié par l'ordonnance en rectification pour erreur matérielle du 13 octobre 2010, par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le centre hospitalier du Puy-en-Velay à verser à M. Benoît A une somme totale de 103 500 euros en réparation de ses préjudices personnels, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2009, sous

déduction de la provision de 50 000 euros déjà payée ;

2°) de porter l'indemnité...

Vu la requête, enregistrée le 30 novembre 2010, présentée pour M. et Mme A et M. Benoît A, domiciliés ... ;

Les consorts A demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0901875 du 5 octobre 2010, modifié par l'ordonnance en rectification pour erreur matérielle du 13 octobre 2010, par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le centre hospitalier du Puy-en-Velay à verser à M. Benoît A une somme totale de 103 500 euros en réparation de ses préjudices personnels, assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2009, sous déduction de la provision de 50 000 euros déjà payée ;

2°) de porter l'indemnité allouée à la somme de 575 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2011 ;

3°) de condamner le centre hospitalier du Puy-en-Velay aux entiers dépens de première instance et d'appel pour un montant de 2 510 euros ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier du Puy-en-Velay une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- l'autorité de la chose jugée fait obstacle à ce que le principe de la responsabilité du centre hospitalier soit remis en cause ;

- il a subi un préjudice au titre d'une incapacité temporaire totale et d'une incapacité temporaire partielle de près de 3 ans, n'ayant pu exercer les activités habituelles d'un enfant de son âge ;

- le préjudice résultant de son incapacité temporaire partielle, fixé à 40 %, a été sous-estimé ;

- sa perte de chance d'obtenir un revenu et de subvenir à ses besoins dans l'avenir est avérée, caractérisant son préjudice professionnel ;

- ses préjudices esthétique et d'agrément sont manifestes, justifiant une majoration des indemnités dues à ce titre ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 8 juin 2011 au centre hospitalier du Puy-en-Velay, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 juillet 2011, présenté pour le centre hospitalier du Puy-en-Velay, qui conclut à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 5 octobre 2010, à la prescription d'une contre-expertise ou à l'audition de l'expert judiciaire et principalement au rejet de la requête des consorts A ;

Il soutient que :

- il n'y a pas de lien de causalité entre la faute qu'il aurait commise et les séquelles dont se trouve atteint M. Benoît A ;

- faute d'avoir convoqué à l'audience l'expert sur le fondement de l'article R. 621-10 du code de justice administrative, le jugement attaqué doit être annulé ;

- aucune indemnisation au titre de l'incapacité temporaire totale ou de l'incapacité permanente partielle ne peut être accordée faute pour l'intéressé d'avoir été privé d'un salaire, l'impossibilité d'exercer des activités d'un enfant de son âge relevant du préjudice d'agrément ;

- le montant demandé au titre de l'incapacité permanente partielle est excessif ;

- le préjudice professionnel n'est pas établi, M. Benoît A n'étant pas inapte à toute activité ;

- les sommes demandées au titre des préjudices esthétique et d'agrément sont déraisonnables ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 novembre 2011, présenté pour les consorts A, qui persistent dans leurs précédents moyens et conclusions ;

Vu le courrier en date du 25 novembre 2011 demandant au conseil des consorts A d'indiquer à la Cour la situation scolaire et professionnelle et notamment le niveau de formation atteint par M. Benoît A et ses perspectives attendues sur les plans scolaire et professionnel ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 décembre 2011, présenté pour les consorts A, qui exposent que M. Benoît A est en formation au service des serres du Monteil, qu'il prépare un CAP en horticulture/productions florales et légumières, activité essentiellement répétitive et rendue possible par l'implication de ses parents ; que ses perspectives d'avenir sont minimes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 janvier 2012 :

- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Gioria, avocat des consorts A et de Me Demailly, avocat du centre hospitalier général Emile Roux ;

Considérant que M. et Mme A ont recherché la responsabilité du centre hospitalier général Emile Roux du Puy-en-Velay en réparation des préjudices dont leur fils Benoît a été victime à la suite de sa naissance le 19 avril 1992 ; que par un arrêt n° 01LY00843 du 15 novembre 2005, confirmé sur ce point par une décision du Conseil d'Etat n° 289054 du 25 juillet 2007, la Cour administrative d'appel de Lyon a retenu la responsabilité pour faute du centre hospitalier général Emile Roux et l'a condamné à verser à M. et Mme A, agissant pour le compte de leur fils mineur, une somme de 80 000 euros en réparation du préjudice personnel subi par ce dernier jusqu'à l'âge de 13 ans, invitant les intéressés à saisir le tribunal administratif pour qu'il soit statué, après nouvelle expertise, sur le montant du préjudice de l'enfant à partir de cet âge ; qu'à la demande des époux A, le président du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, le 14 décembre 2007, ordonné une nouvelle expertise et a alloué une provision de 50 000 euros au jeune Benoît ; que les experts ont déposé leur rapport au greffe du Tribunal le 8 septembre 2008 ; que, saisi par les époux A, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, par un jugement du 5 octobre 2010, condamné le centre hospitalier Emile Roux à verser à leur fils Benoît, qui avait atteint l'âge de sa majorité en cours d'instance, une somme de 103 500 euros en réparation de ses préjudices depuis l'âge de 13 ans ;

Considérant que par l'arrêt précité en date du 15 novembre 2005, la Cour a jugé qu'un lien direct et certain de causalité était établi entre les conditions de la naissance du jeune Benoît A, en particulier l'hématome cérébral qui est en résulté pour lui, et les troubles dont il est resté atteint ; que cet arrêt est devenu définitif ; que ce caractère définitif fait obstacle à ce que le centre hospitalier, qui conteste sa responsabilité et en particulier le lien de causalité entre les fautes qui lui sont reprochées et les préjudices subis par M. Benoît A, remette en cause, ainsi qu'il le fait par le mémoire susvisé, enregistré le 7 juillet 2011, l'autorité de la chose jugée qui s'attache tant au dispositif de cet arrêt qu'aux motifs qui en sont le soutien nécessaire ; qu'il s'en suit que la demande de contre expertise formulée par le centre hospitalier dans le but de déterminer l'origine des troubles dont s'est trouvé atteint l'intéressé est dépourvue de l'utilité exigée par l'article R. 532-1 du code de justice administrative ; que, dans ces conditions, une convocation des experts judiciaires en application de l'article R. 621-10 du code de justice administrative n'est pas davantage justifiée devant la Cour qu'elle ne l'était devant le Tribunal ; qu'au demeurant, les informations contenues dans le rapport d'expertise permettent, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une nouvelle expertise ou d'auditionner les experts, de se prononcer sur les préjudices de M. Benoît A en relation avec les conditions de sa naissance ;

Sur les préjudices de M. Benoît A :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les séquelles de l'accident médical dont a été victime M. Benoît A ont entraîné pour lui un important retard scolaire et rendu très difficile la poursuite d'une formation et que, si son inaptitude à l'exercice de toute activité professionnelle, moyennant certains aménagements, n'est à ce jour pas avérée, son handicap est particulièrement de nature à perturber son insertion professionnelle ; qu'il sera, dans ces conditions, fait une juste appréciation de l'incidence scolaire et professionnelle dont la réparation incombe au centre hospitalier du Puy-en-Velay en l'évaluant à 70 000 euros ; qu'il appartiendra à l'intéressé, dans l'hypothèse où l'entrée dans la vie active lui serait effectivement impossible, de saisir le Tribunal compétent d'une nouvelle demande indemnitaire ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :

Considérant que pour la période antérieure à ses 13 ans, la Cour a, par l'arrêt du 15 novembre 2005, réparé l'ensemble des préjudices d'ordre personnel de M. Benoît A, y compris ceux résultant de l'incapacité temporaire totale d'une durée d'un mois et de l'incapacité temporaire partielle de près de 3 ans qui l'ont affecté entre avril 1992 et septembre 2001, en lui accordant à ce titre une indemnité de 80 000 euros ; que cet arrêt ayant acquis, ainsi qu'il a été dit plus haut, un caractère définitif, l'intéressé n'est pas fondé à demander de nouveau réparation des préjudices personnels correspondant à ces périodes d'incapacité ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. Benoît A présente, depuis sa naissance, des troubles moteurs sévères, comportant des troubles de l'équilibre et des tremblements, associés à des troubles de la parole ; qu'il souffre également d'un nystagmus affectant la lecture ; qu'il résulte par ailleurs du rapport d'expertise que M. Benoît A est privé de la possibilité d'exercer des activités d'agrément ; que l'expert a évalué son incapacité permanente partielle après consolidation à 40 % ; qu'il a fixé à 3 sur une échelle de 7 son préjudice esthétique compte tenu notamment d'une cicatrice partiellement visible et d'une altération de sa silhouette dans les déplacements, et à 4 sur une échelle de 7 les souffrances endurées, tant physiques que psychologiques ; qu'au regard de ces divers éléments, le Tribunal ne s'est pas livré à une appréciation erronée en lui allouant, au titre de ses préjudices d'ordre personnel, une indemnité de 103 500 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts A sont seulement fondés à demander que la condamnation prononcée à l'encontre du centre hospitalier du Puy-en-Velay soit portée de 103 500 euros à 173 500 euros ;

Considérant qu'au titre des pouvoirs relevant de l'office du juge, il y a lieu de préciser que les intérêts de la somme de 173 500 euros susmentionnée doivent être calculés en tenant compte de la date de versement de la provision de 50 000 euros accordée par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif du 14 décembre 2007 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier du Puy-en-Velay le paiement aux consorts A d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité de 103 500 euros que le centre hospitalier du Puy-en-Velay a été condamné à payer à M. Benoît A par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 5 octobre 2010 est portée à 173 500 euros.

Article 2 : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 5 octobre 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le centre hospitalier du Puy-en-Velay versera aux consorts A une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des consorts A et les conclusions du centre hospitalier du Puy-en-Velay sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A, à M. Benoît A, au centre hospitalier Emile Roux du Puy-en-Velay, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Loire et au régime social des indépendants d'Auvergne.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2012 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 février 2012.

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N° 10LY02662


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY02662
Date de la décision : 16/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : GIORIA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-02-16;10ly02662 ?
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