Vu la requête, enregistrée le 23 décembre 2010, présentée pour M. Christian A, domicilié 30 rue des Rosières à Norges la Ville (21490) ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0802034 du 16 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 27 décembre 2007 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement, ensemble la décision du ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité en date du 25 juin 2008 rejetant son recours hiérarchique ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que l'enquête menée par l'inspection du travail n'a pas été contradictoire dans la mesure où il n'a pas été informé de la nature des documents produits par l'employeur ; que les griefs invoqués à son encontre se résument en une insuffisance professionnelle ; que le Tribunal devait vérifier si ces faits trouvaient leur origine dans son comportement personnel ; qu'il n'avait pas tout pouvoir pour embaucher du personnel et n'avait pas la possibilité de suppléer le manque de personnel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 février 2011, présenté pour la société SNCTP, dont le siège social est 10 rue du docteur Quignard, BP 36, à Dijon Cedex (21059), tendant au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. A d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que, sur le caractère contradictoire de l'enquête de l'inspecteur du travail, elle s'en remet aux observations du ministre ; qu'il est établi qu'à plusieurs reprises, M. A a réalisé des études ou conclu des marchés sans connaître la faisabilité des projets, induisant des coûts supplémentaires et un mécontentement de la clientèle ; que la répétition de ces erreurs de gestion et d'organisation sur des marchés importants n'est pas acceptable compte tenu du niveau de responsabilité de l'intéressé ; qu'il s'est révélé incapable de fournir des chiffres fiables sur les prévisions de travaux et de valider ces chiffres avec les chefs d'agence préalablement à leur communication ; que le transfert des charges d'un chantier sur l'autre est anormal ; qu'il a manifesté une attitude irresponsable lors de la réunion du 29 novembre 2007 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 janvier 2012 :
- le rapport de Mme Steck-Andrez, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
Considérant que M. A, salarié de la société SNCTP depuis le 2 novembre 1998 et titulaire du mandat de délégué du personnel, occupait le poste de directeur du département canalisations depuis le 1er novembre 2005 ; que le 12 décembre 2007, son employeur a demandé l'autorisation de le licencier pour faute grave ; que par une décision du 27 décembre 2007, l'inspecteur du travail a autorisé ce licenciement ; que, saisi par l'intéressé d'un recours hiérarchique, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité a, le 25 juin 2008, confirmé la décision de l'inspecteur du travail ;
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'à l'effet de concourir à la mise en oeuvre de la protection ainsi instituée, l'article R. 436-4 du code du travail, alors applicable, prévoit que l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat ;
Considérant, en premier lieu, que le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions précitées impose à l'autorité administrative d'informer le salarié concerné, de façon suffisamment circonstanciée, des agissements qui lui sont reprochés; que le caractère contradictoire de cette enquête implique en outre que le salarié protégé puisse être mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande ; qu'il ressort des termes mêmes de la décision de l'inspecteur du travail que M. A a été informé de façon détaillée de chacun des griefs formulés à son encontre ; qu'il a ainsi été mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants du dossier, dont il lui appartenait de demander communication à l'inspecteur du travail ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, faute notamment de planification des ressources nécessaires et de suivi des modalités concrètes d'exécution des engagements, n'a pu mener à bien la réalisation des prestations prévues dans un accord-cadre conclu par son employeur avec France Telecom qui, après une mise en demeure de réaliser les travaux, a résilié le contrat ; qu'il a aussi conclu des contrats avec HTA Bel et EDF, sans vérifier au préalable avec ses équipes opérationnelles la faisabilité des opérations engagées ni les moyens dont il devait disposer, générant des surcoûts et des difficultés d'exécution des travaux ; que dans le cadre du marché conclu avec la communauté urbaine, il n'a pas appliqué les solutions qui avaient été envisagées avec les chefs d'agence, consistant en un renfort du personnel afin de respecter les délais ; qu'il a négligé de recueillir auprès des chefs d'agence les informations nécessaires à l'établissement de prévisions comptables cohérentes ; qu'il a méconnu, dans un cas cependant isolé et sans intention malveillante, les règles de bonne gestion fixées par l'entreprise, préconisant l'établissement de comptes spécifiques pour chaque chantier ; que la plupart des faits reprochés, dont la matérialité est établie, ont eu des conséquences financières négatives sur l'activité de la société et ont porté atteinte à son image ; que ces faits, compte tenu du niveau de responsabilité de M. A, révèlent des négligences d'une gravité suffisante de nature à justifier son licenciement ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société SNCTP présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de cette société, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société SNCTP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Christian A, au ministre du travail, de l'emploi et de la santé et à la société SNCTP.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2012 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
Mme Steck-Andrez, président-assesseur,
M. Poitreau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 février 2012.
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N° 10LY02888