La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/02/2012 | FRANCE | N°10LY01562

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 02 février 2012, 10LY01562


Vu, I, sous le n° 10LY01562, la requête enregistrée le 2 juillet 2010, présentée pour M. Jean-Max C, domicilié ...;

M. C demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0900598 du 15 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a déclaré, solidairement avec la commune de Clermont-Ferrand, responsable des conséquences dommageables de l'accident dont Mlle Camille D a été victime le 4 juillet 2006, l'a condamné avec la commune à payer à M. et Mme D la somme de 1 800 euros et l'a condamné à garantir intégralement la commune ;

2

) de le mettre totalement hors de cause ou à, titre subsidiaire, de condamner la commu...

Vu, I, sous le n° 10LY01562, la requête enregistrée le 2 juillet 2010, présentée pour M. Jean-Max C, domicilié ...;

M. C demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0900598 du 15 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a déclaré, solidairement avec la commune de Clermont-Ferrand, responsable des conséquences dommageables de l'accident dont Mlle Camille D a été victime le 4 juillet 2006, l'a condamné avec la commune à payer à M. et Mme D la somme de 1 800 euros et l'a condamné à garantir intégralement la commune ;

2°) de le mettre totalement hors de cause ou à, titre subsidiaire, de condamner la commune de Clermont-Ferrand et la société Bobion et Joanin à supporter la plus grande part de responsabilité de l'accident ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Clermont-Ferrand une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- les opérations d'expertise médicale réalisées par le Docteur Durand sont entachées de nullité dès lors qu'il n'a pas cru devoir convoquer les parties et qu'il a pris parti sur la nature des blessures pouvant être provoquées par le jet d'eau en examinant Mlle E, alors que le litige concerne Mlle D ;

- les plans d'exécution qu'il a établis précisent de manière explicite que le jet central de la fontaine doit correspondre à un jet de 38 millimètres ce qui ne peut que correspondre à un jet à veine pleine ;

- le Tribunal aurait dû retenir la responsabilité de la société Bobion et Joanin, spécialiste des fontaines majestueuses, dès lors qu'elle n'a pas, comme elle aurait dû le faire, attiré l'attention de la commune sur les insuffisances des installations projetées ; à cet égard, l'article 29-2 du cahier des clauses administratives générales indique que l'entrepreneur à l'obligation de vérifier, avant toute exécution, que les documents ne contiennent pas d'erreurs ou contradictions qui sont normalement décelables par un homme de l'art ;

- la société Bobion et Joanin aurait donc dû faire connaître ses observations aux services de la ville, qui était maître d'oeuvre d'opération, et que les documents qui lui étaient soumis la plaçaient en face de plusieurs options ;

- la commune doit supporter elle-même une part de responsabilité dès lors qu'elle n'a pas installé une signalisation relativement au danger que représentent les jets d'eaux ;

- la commune aurait dû par ailleurs faire preuve de vigilance dans le cadre de sa mission de maîtrise d'oeuvre confiée à ses services techniques, en particulier lors des opérations de réception qui n'ont d'ailleurs été accompagnées d'aucune réserve ;

- l'expertise de M. F est insuffisante en ce qu'elle ne fournit pas d'explication sur la manière dont la victime a été blessée par le jet d'eau ; on ne sait pas, par exemple, quelle hauteur avait atteint le jet d'eau alors que celui-ci devient dangereux à partir du moment où il atteint 5 m ;

- le fait que le jet d'eau présente un danger à partir de 5 m ne saurait être imputé à son concepteur, mais à la commune, qui a fait le choix de cet aménagement ;

- l'octroi d'une indemnité aux parents de la victime ne se justifie pas dès lors qu'ils ne sont pas en mesure de faire état d'un préjudice qui leur soit personnel ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré le 10 mars 2011, le mémoire présenté pour Mlle Camille D et M. et Mme D, agissant en leur nom personnel et au nom de leur fille mineure, Mlle Constance D ;

Les consorts D concluent :

- à la réformation du jugement attaqué en tant que le Tribunal a mis hors de cause la société Bobion et Joanin, a retenu une faute d'imprudence à l'égard de Mlle Camille D, a refusé de reconnaître le préjudice moral de Mlle Constance D, qui doit être évalué à 12 000 euros, et a évalué le préjudice moral de M. et Mme D à une somme inférieure à 15 000 euros ;

- à la mise à la charge solidairement de la commune de Clermont-Ferrand, de la société Bobion et Joanin et de M. C d'une somme totale de 6 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- les reproches adressés par M. C à l'expertise du docteur Durand ne sont pas fondés dès lors que son conseil a pu lui adresser un dire ;

- il ne peut davantage être reproché à l'expert M. F de ne pas avoir pris toutes les dispositions pour se faire communiquer l'ensemble des documents liés à l'affaire et notamment le dossier d'instruction ; il convient de relever à cet égard que le président du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a indiqué qu'il n'y avait pas lieu de donner suite à cette demande formulée par certaines parties ;

- s'agissant de la responsabilité, l'expert a constaté que le jet central présentait un danger ;

- la responsabilité en incombe à M. C pour l'ambiguïté que contenait le dossier de conception au sujet de l'ajutage ;

- la société Bobion et Joanin aurait dû relever les erreurs de conception ;

- M. C ne saurait sérieusement contester le lien de causalité entre le fonctionnement du jet d'eau et les blessures subies par Mlle Camille D ; l'instruction pénale a confirmé l'absence de faute de la victime ;

- contrairement à ce que soutient M. C, le sapiteur, M. Durand s'est prononcé sur la situation de Mlle Camille D comme le fait apparaître son rapport ;

- la commune maître de l'ouvrage aurait dû prendre des mesures pour interdire l'accès à cet ouvrage après que le 1er juillet 2006 deux autres accidents s'étaient produits ;

- aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de Mlle Camille D car elle a pu légitimement penser que l'espace de la fontaine, en l'absence de signalisation, devait être regardé comme ayant un caractère ludique ;

- le préjudice des parents de Camille est justifié par les risques de séquelles relativement importantes ; la somme retenue par les premiers juges est insuffisante ;

- en raison des liens unissant Camille à sa soeur cadette, la réparation du préjudice moral subi par celle-ci doit être indemnisée ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 mars 2011, présenté pour la commune de Clermont-Ferrand qui conclut à titre principal au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. C d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, dans le cas où sa responsabilité serait retenue, à ce que M. C et la société Bobion et Joanin la garantisse des sommes qu'elle serait condamnée à verser ;

Elle soutient que :

- elle avait tout à fait la possibilité d'assumer directement, par l'intermédiaire de ses services techniques, la direction des travaux ainsi que l'assistance aux opérations de réception ;

- les responsabilités ainsi assumées par la commune ne dispensaient pas M. C de ses obligations de résultat quant à la conception de l'ouvrage ;

- en raison du caractère lacunaire et ambigu des documents remis à la société Bobion et Joanin, les services de la commune étaient dans l'impossibilité de constater si l'ajutage réalisé était bien conforme aux caractéristiques de l'ouvrage que M. C prétend avoir retenues ;

- les caractéristiques de l'ouvrage telles qu'elles ressortaient des documents établis par M. C permettaient de penser qu'il s'agissait d'un jet creux ;

- la société Bobion et Joanin a également commis une faute en ne prenant pas le soin d'attirer l'attention de la commune sur l'ambiguïté des documents émanant de M. C ;

- aucune faute ne saurait être reprochée à la commune dès lors que l'origine du dommage réside dans une faute de conception ainsi que du fait que l'entreprise Bobion et Joanin n'a pas appelé l'attention du maître d'ouvrage ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 mars 2011, présenté pour la société Bobion et Joanin qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de toute partie perdante la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le rapport d'expertise a bien mis en évidence la faute de conception commise par M. C ;

- la commune est responsable du dommage en sa qualité de maître d'ouvrage dès lors qu'elle n'a pas pris les mesures en vue de prévenir les accidents ;

- la victime a eu un comportement imprudent ;

- la survenance du dommage ne peut pas lui être imputée car, comme l'ont relevé les premiers juges, elle s'est conformée aux instructions données par le concepteur et le fait que le jet d'eau qu'elle a réalisé atteignait 23 m au lieu de 20 m n'est pas à l'origine du dommage ;

- s'agissant des préjudices, les parents de la victime ne démontrent pas le lien de causalité, ni la réalité du préjudice moral qu'ils invoquent ;

- la demande de provision formulée par la victime n'est pas justifiée dès lors qu'elle n'établit pas de séquelles particulières ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 mai 2011, présenté pour Mlle Camille D, M. et Mme D et Mlle Constance D, représentée par ses parents, qui concluent aux mêmes fins que précédemment et par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 juin 2011, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. C la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la responsabilité du concepteur et de la commune, maître de l'ouvrage public, dont la responsabilité est engagée au moins pour défaut d'entretien ;

- il ne résulte pas, par ailleurs, des pièces du dossier que la jeune Camille ait eu une attitude dangereuse ou imprudente ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 août 2011, présenté pour la commune de Clermont-Ferrand qui conclut aux mêmes fins que précédemment et par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre qu'elle n'a jamais été informée avant le 4 juillet 2006 de précédents accidents ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 janvier 2012, présenté pour M. C qui conclut aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 janvier 2012, présenté pour la commune de Clermont-Ferrand ;

Vu, II, sous le n° 11LY01819, la requête enregistrée le 20 juillet 2011, présentée pour Mlle Camille D, M. et Mme D agissant en leur nom personnel et au nom de leur fille mineure, Mlle Constance D ;

Les consorts D concluent :

1°) à la réformation du jugement n° 0900598 du 24 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné solidairement M. C et la commune de Clermont-Ferrand à payer à Mlle Camille D la somme de 6 925 euros ;

2°) à ce que M. C et la commune de Clermont-Ferrand soient condamnés à verser à Mlle Camille D une somme de 50 622,25 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices ;

3°) à la mise à la charge de M. C et de la commune de Clermont-Ferrand d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- en ce qui concerne les préjudices patrimoniaux avant consolidation, s'agissant des frais divers, Mlle D justifie avoir exposé des frais pour un montant de 300 euros pour se rendre aux opérations d'expertise ;

- s'agissant des préjudices personnels : le déficit fonctionnel temporaire doit être indemnisé sur la base de 25 euros par jour, soit la somme globale de 2 350 euros ;

- s'agissant du préjudice esthétique correspondant à la colostomie subie du 4 juillet au 28 septembre 2006, le port d'une poche chez une jeune fille de 15 ans doit être indemnisé à hauteur de 2 000 euros ;

- s'agissant des souffrances endurées à la date de la consolidation il y a lieu d'accorder la somme de 10 000 euros et non pas celle de 6 250 euros seulement ;

- s'agissant des postes de préjudices après consolidation, en ce qui concerne le déficit fonctionnel permanent, l'arrêt à intervenir doit reprendre les réserves émises par l'expert qui a pointé un risque de stérilité et la perte de la capacité d'accoucher par les voies naturelles, ce qui risque de limiter le nombre de grossesses, et un risque de troubles de la continence anale ; en ce qui concerne le préjudice esthétique, dès lors qu'elle présente une cicatrice para ombilicale de 9 cm, il y a lieu d'indemniser ce préjudice à hauteur de 4 000 euros, et non pas de seulement de 3 000 euros ; en ce qui concerne le préjudice sexuel, dès lors que l'expert retient un préjudice sexuel modéré, il y a lieu d'indemniser ce préjudice à hauteur de 12 000 euros ; en ce qui concerne le préjudice moral, identifié par l'expert comme correspondant aux conséquences psychologiques de l'accident et leurs éventuels prolongements, compte tenu du retentissement psychologique ayant nécessité un accompagnement psychiatrique il y a lieu d'évaluer ce poste à la somme de 20 000 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré 9 septembre 2011, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme ;

Elle soutient que :

- elle se trouve remplie de ses droits puisque sa créance définitive de 22 297,25 euros a été réglée, de même que l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

- elle est amenée à émettre des réserves pour le cas où, comme le fait apparaître le rapport de l'expert, de nouveaux troubles apparaîtraient et où elle serait amenée à verser des prestations ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 janvier 2012, présenté pour la commune de Clermont- Ferrand qui conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que le montant des préjudices invoqués par Mlle D soit réduit ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 janvier 2012, présenté pour M. C qui conclut au rejet de la requête ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 janvier 2012 :

- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Reboul-Salze, avocat de M. C, de Me Vian, avocat de Mlle D Camille et autres, et de Me Renouard, avocat de la ville de Clermont-Ferrand ;

Considérant que les requêtes susvisées sont relatives aux conséquences d'un même accident ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Considérant que par un premier jugement, du 15 avril 2010, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déclaré la commune de Clermont-Ferrand et M. C solidairement responsables des conséquences de l'accident dont Mlle Camille D, alors âgée de 15 ans, a été victime, le 4 juillet 2006, du fait du jet d'eau central de la fontaine majestueuse située place de Jaude à Clermont-Ferrand ; qu'il a condamné la commune et M. C à payer à M. et Mme D, parents de la victime, la somme de 1 800 euros et a condamné M. C à garantir la commune de l'intégralité des condamnations prononcées ; que par un second jugement, du 24 mai 2011, le Tribunal a condamné la commune et M. C à payer à Mlle D la somme de 6 925 euros ; que M. C et les consorts D font appel de ces jugements ;

Sur la régularité des jugements attaqués :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 621-7 du code de justice administrative : Les parties sont averties par le ou les experts des jours et heures auxquels il sera procédé à l'expertise ; cet avis leur est adressé quatre jours au moins à l'avance, par lettre recommandée. Les observations faites par les parties, dans le cours des opérations, sont consignées dans le rapport. (...) ;

Considérant que par une ordonnance du 28 août 2006, le juge des référés du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a désigné M. F en qualité d'expert en vue de déterminer notamment le lien éventuel entre les lésions présentées par Mlle D et le fonctionnement de la fontaine ; que, par une ordonnance du 19 février 2007, le juge des référés a désigné le Docteur Durand en qualité de sapiteur, afin de se prononcer sur le point de savoir si les lésions présentées par l'intéressée et par deux autres personnes avaient un lien avec le fonctionnement de la fontaine ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que le sapiteur a examiné les trois personnes déclarant avoir subi des dommages corporels du fait du fonctionnement de la fontaine, et notamment Mlle D, et qu'il a eu accès à leur dossier médical ; que si les parties n'ont pas été mises à même de présenter leurs observations sur les conclusions du sapiteur, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que ces conclusions, qui leur ont été communiquées dans le cadre de la procédure devant le tribunal administratif, soient utilisées par les premiers juges à titre d'élément d'information ; que, dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, en ce que le Tribunal se serait fondé sur des éléments ne concernant pas Mlle D et sur une expertise irrégulière, doit être écarté ;

Sur le principe de la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 4 juillet 2006, alors qu'elle évoluait près du jet central de la fontaine majestueuse située place de Jaude à Clermont-Ferrand Mlle D s'est plainte de douleurs au niveau du vagin et du rectum, ce qui a justifié son admission, le même jour, au service de chirurgie infantile de l'Hôtel-Dieu de Clermont-Ferrand ; que les examens médicaux pratiqués ont mis en évidence des déchirures vaginales et rectales ; qu'il résulte également de l'instruction que deux autres accidents se sont produits le 1er juillet 2006 dans des circonstances similaires et ont entraîné, dans un cas, une blessure à l'oeil et, dans l'autre, une blessure au vagin ; qu'ainsi, les blessures subies pas l'intéressée sont imputables à la fontaine dont s'agit, appartenant à la commune de Clermont-Ferrand, dont la conception avait été confiée par cette collectivité à M. C et l'installation assurée par la société Bobion et Joanin ; que M. F, expert, estime que la forme creuse du jet d'eau central représente un danger pour les usagers ; qu'ainsi, cet ouvrage public, dont Mlle D était usager, était affecté d'un vice de conception ; que, dès lors, la responsabilité solidaire de la commune de Clermont-Ferrand, de M. C et de la société Bobion et Joanin, se trouve engagée à l'égard de l'intéressée et de ses parents ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la fontaine était librement accessible, sans restriction, et qu'aucune indication n'attirait l'attention des usagers de la place de Jaude sur les dangers qu'elle pouvait présenter ; que, dès lors, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, aucune faute ne saurait être retenue à l'encontre de Mlle D, qui ne peut être regardée comme ayant fait un usage anormal de l'ouvrage public ;

Sur le préjudice :

S'agissant de Mlle D :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte du rapport de M. G, expert désigné par ordonnance du juge des référés du 15 avril 2010, que Mlle D a subi une incapacité temporaire totale de 18 jours pendant les périodes d'hospitalisation du 4 au 15 juillet 2006 et du 27 septembre 2006 au 3 octobre 2006 ; qu'elle a également subi une incapacité temporaire partielle d'un peu plus de cinq mois, évaluée à 70 %, du 16 juillet 2006 au 26 septembre 2006, 50 % du 4 au 15 octobre 2006 et 25 % du 16 octobre au 31 décembre 2006 ; que la date de consolidation de son état peut être fixée au 1er février 2007 ; qu'elle ne reste atteinte d'aucune incapacité permanente, ni ne souffre d'un préjudice d'agrément ; qu'elle présente toutefois quelques dyspareunies qualifiées de modérées par l'expert qui souligne également que l'intéressée a, du fait de l'accident, perdu définitivement la possibilité d'accoucher par les voies naturelles ; qu'ainsi les troubles de toute nature dans ses conditions d'existence éprouvés par Mlle D doivent être évalués à la somme de 9 000 euros ;

Considérant, en deuxième lieu, que Mlle D a subi un préjudice esthétique permanent évalué par l'expert à 2,5 sur une échelle de 7 en raison, en particulier, d'une cicatrice para-ombilicale gauche de 9 centimètres de long ; qu'il y a lieu de lui allouer à ce titre une indemnité de 3 000 euros ;

Considérant, en troisième lieu, que les souffrances endurées par la victime, incluant l'impact psychologique de l'accident, ont été évaluées à 4 sur une même échelle de 7 par l'expert ; qu'il y a lieu de fixer à 6 250 euros l'indemnité réparant ce préjudice ;

Considérant, enfin, que s'agissant des risques de stérilité et, à long terme, d'incontinence anale, évoqués par l'expert, le préjudice n'est, à ce jour, qu'éventuel ; qu'il n'appartient pas au juge de donner acte de réserves sur ce point ; qu'il reviendra à Mlle D de demander, le cas échéant, réparation de l'aggravation de son état ; que, de même, il appartiendra à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme de demander, s'il y a lieu, le remboursement des dépenses qu'elle pourrait être ultérieurement amenée à exposer au profit de l'intéressée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'indemnité due à Mlle D doit être portée à la somme de 18 250 euros ;

S'agissant de M. et Mme D :

Considérant qu'eu égard à la gravité de l'accident dont a été victime leur fille et au risque d'aggravation évoqué par l'expert, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral de M. et Mme D en accordant à chacun la somme de 1 000 euros ;

S'agissant de Mlle Constance D :

Considérant qu'eu égard à son jeune âge, il n'apparaît pas que Mlle Constance D, soeur cadette de Mlle Camille D, puisse se prévaloir d'un préjudice particulier du fait de l'accident subi par celle-ci ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont écarté toute indemnité à ce titre ;

Sur les appels en garantie :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'installation d'un jet creux, au lieu d'un jet plein qui n'aurait pas présenté de danger, est imputable, au caractère ambigu des préconisations techniques de M. C, fontainier, membre du groupement conjoint ayant conclu un marché de maîtrise d'oeuvre avec la commune de Clermont-Ferrand pour l'aménagement de la place de Jaude ; qu'il est également imputable à la société Bobion et Joanin, entreprise spécialisée chargée des travaux, qui n'a formulé aucune réserve ni n'a attiré l'attention du maître d'ouvrage sur les risques que comportait le choix d'un jet creux ; que, dès lors, ces deux constructeurs doivent être condamnés à garantir la commune de Clermont-Ferrand de l'intégralité de la condamnation prononcée ; qu'eu égard aux fautes respectives de M. C et de la société Bobion et Joanin, celle-ci devra garantir M. C à concurrence de 50 % ;

Sur les dépens :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mlle D a exposé, pour se rendre auprès de l'expert, des frais de déplacement s'élevant à 300 euros, qui doivent être inclus dans les dépens ;

Considérant que les dépens, comprenant les frais d'expertise liquidés et taxés aux sommes de 5 459 euros et de 548 euros et la somme de 300 euros susmentionnée, doivent être mis à la charge de M. C et de la société Bobion et Joanin ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C et de la société Bobion et Joanin le paiement aux consorts D d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la même somme à la commune de Clermont-Ferrand ; que ces dispositions font obstacle à ce que M. C et la société Bobion et Joanin bénéficient de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par eux à l'occasion du litige ;

DECIDE :

Article 1er : La commune de Clermont-Ferrand, M. C et la société Bobion et Joanin sont condamnés solidairement à payer à Mlle Camille D la somme de 18 250 euros et à M. et Mme D chacun la somme de 1 000 euros.

Article 2 : M. C et la société Bobion et Joanin sont condamnés à garantir la commune de Clermont-Ferrand de l'intégralité de la condamnation prononcée à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : La société Bobion et Joanin est condamnée à garantir M. C de 50 % de la condamnation prononcée à l'article 2 ci-dessus.

Article 4 : Les dépens, s'élevant aux sommes de 5 459 euros, 548 euros et 300 euros, sont mis à la charge de M. C et de la société Bobion et Joanin.

Article 5 : Les jugements du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand des 15 avril 2010 et 24 mai 2011 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt

Article 6 : M. C et la société Bobion et Joanin verseront aux consorts D la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : M. C et la société Bobion et Joanin verseront à la commune de Clermont-Ferrand la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Max C, à Mlle Camille D, à M. et Mme D, à la commune de Clermont-Ferrand, à la société Bobion et Joanin et à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme. Il en sera adressé copie à M. F et à M. G, experts.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2012 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 février 2012.

''

''

''

''

N° 10LY01562... 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY01562
Date de la décision : 02/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-02-02 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. Régime de la responsabilité. Qualité d'usager.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Gérard POITREAU
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : SELARL AUVERJURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-02-02;10ly01562 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award