La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/01/2012 | FRANCE | N°11LY00900

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 05 janvier 2012, 11LY00900


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 12 avril 2011, présentée pour M. Bouchaïb A, domicilié 62, place Degas, appartement 62-6 à Auxerre (89000) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002868, du 3 mars 2011, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Yonne du 19 novembre 2010, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit

à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de qu...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 12 avril 2011, présentée pour M. Bouchaïb A, domicilié 62, place Degas, appartement 62-6 à Auxerre (89000) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002868, du 3 mars 2011, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Yonne du 19 novembre 2010, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale , dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative, sous les mêmes conditions de délais et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ne comporte pas d'éléments relatifs à sa demande de titre de séjour formulée sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est donc pas suffisamment motivée ; qu'il a épousé une ressortissante française qui était enceinte au jour de la décision attaquée et qu'il est bien intégré dans la société française ; que le préfet a donc méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par ailleurs, s'il doit retourner au Maroc pour solliciter auprès des autorités consulaires françaises la délivrance d'un visa de long séjour afin d'obtenir un titre de séjour en qualité de conjoint de Français, le respect de cette procédure le séparerait de son épouse et de leur enfant ; que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est donc contraire aux dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 6 juillet 2011, présenté pour le préfet de l'Yonne, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que la décision refusant à M. A la délivrance d'un titre de séjour est suffisamment motivée ; que le requérant n'est entré en France qu'en 2009 et que son union est très récente ; que la décision de refus ne méconnaît donc pas les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'enfin, le simple fait que le requérant, entré irrégulièrement sur le territoire français, soit contraint de retourner dans son pays d'origine pour demander un visa long séjour afin d'obtenir un titre de séjour en qualité de conjoint de Français, ne constitue pas un motif exceptionnel au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision du 26 mai 2011, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 décembre 2011 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Sur la légalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 : La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ;

Considérant que la décision par laquelle le préfet de l'Yonne a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A énonce notamment qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à sa vie familiale et qu'il n'apporte pas la preuve d'être totalement isolé dans son pays d'origine et indique, après avoir mentionné qu'il n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa situation ne présente aucune circonstance exceptionnelle ou humanitaire permettant d'y déroger ; que ces énonciations permettent de connaître les considérations de droit sur lesquelles repose la décision et que le préfet s'est ainsi effectivement prononcé sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour rejeter les demandes formulées à ce titre ; que, par suite, la décision refusant à M. A la délivrance d'un titre de séjour n'est pas entachée de l'insuffisance de motivation alléguée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que M. A, ressortissant marocain arrivé en France au mois de mars 2009 selon ses déclarations, a épousé une ressortissante française, le 14 novembre 2009, qui était enceinte au jour de la décision attaquée ; qu'il soutient qu'il est bien intégré dans la société française, où il a tissé des liens personnels et familiaux, notamment avec sa belle-famille ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A, qui est entré et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français, soit dépourvu de toute attache dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de ses conditions d'entrée et de séjour en France ainsi que du caractère récent de son union, et alors même que son épouse était enceinte depuis cinq mois au jour de la décision attaquée, le préfet n'a pas porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; que, par suite, le moyen tiré de la violation, par le refus de titre de séjour contesté, des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 ;

Considérant que M. A soutient que la nécessité d'effectuer les démarches nécessaires au Maroc afin d'obtenir un visa de long séjour lui ouvrant droit à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de ressortissante française l'obligerait à se séparer provisoirement de son épouse et de son enfant à naître alors que ces derniers ont besoin de lui à leurs côtés et que les pratiques constatées dans les consulats laissent craindre un refus de visa et une procédure de contestation très longue ; que, toutefois, dans les circonstances de l'espèce, M. A n'établit pas l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui permettraient de regarder le préfet de l'Yonne comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en opposant à M. A le respect des règles en vigueur en matière de délivrance de titre de séjour aux conjoints des ressortissants français, alors, au demeurant, que les autorités diplomatiques et consulaires sont tenues de statuer sur la demande de visa de long séjour formée par le conjoint de Français dans les meilleurs délais, après vérification du degré de connaissance de la langue française et des valeurs de la République, par le demandeur, et que la délivrance de ce visa ne peut être refusée qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Bouchaïb A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Chanel, président de chambre,

M. Besson, premier conseiller

Lu en audience publique, le 5 janvier 2012,

''

''

''

''

1

5

N° 11LY00900


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : SCP DUFAY-SUISSA-CORNELOUP

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 05/01/2012
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 11LY00900
Numéro NOR : CETATEXT000025146802 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-01-05;11ly00900 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award