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22/12/2011 | FRANCE | N°09LY02850

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 22 décembre 2011, 09LY02850


Vu l'arrêt du 7 octobre 2010 par lequel la Cour a annulé le jugement n° 0000785 du 4 juin 2003 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande des consorts A tendant à la condamnation du centre hospitalier de Chambéry à les indemniser des conséquences dommageables des soins et traitements reçus par M. A à la suite de l'accident de plongée dont il a été victime le 19 juin 1996, a retenu la responsabilité du centre hospitalier et, avant plus amplement dire droit sur leurs conclusions, a décidé de procéder à une expertise ;

Vu l'ordonnance du 2 décem

bre 2010, par laquelle le président de la Cour a, en application de l'ar...

Vu l'arrêt du 7 octobre 2010 par lequel la Cour a annulé le jugement n° 0000785 du 4 juin 2003 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande des consorts A tendant à la condamnation du centre hospitalier de Chambéry à les indemniser des conséquences dommageables des soins et traitements reçus par M. A à la suite de l'accident de plongée dont il a été victime le 19 juin 1996, a retenu la responsabilité du centre hospitalier et, avant plus amplement dire droit sur leurs conclusions, a décidé de procéder à une expertise ;

Vu l'ordonnance du 2 décembre 2010, par laquelle le président de la Cour a, en application de l'article R. 621-2 du code de justice administrative, désigné en qualité d'expert M. le docteur ;

Vu l'ordonnance du 21 mars 2011 par laquelle le président de la Cour a, en application de l'article R. 621-12 du code de justice administrative, accordé au Dr une allocation provisionnelle de 1 000 euros ;

Vu, enregistré le 25 juillet 2011, le rapport établi par l'expert désigné ;

Vu l'ordonnance du 18 août 2011, par laquelle le président de la Cour a, en application des articles R. 621-11 et R. 761-4 du code de justice administrative, liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expert à la somme de 1240 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 octobre 2011, présenté pour le centre hospitalier de Chambéry, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que :

- contrairement à ce qu'a affirmé l'expert, le prétendu retard imputable au SMUR n'est pas de 1 heures 25, mais de 1 heures 10 dès lors que 15 minutes, correspondant à la durée normale du transit, doivent être retranchées du délai de transfert ;

- il n'a pas commis de faute et une telle faute, si elle existe, n'est pas directement en lien avec les séquelles de M. A ;

- la perte de chance ne pourrait être évaluée qu'à une fraction minime du préjudice subi ;

- l'incapacité permanente partielle dont il reste atteint doit être évaluée à 12 % et la date de consolidation fixée au 12 juin 1998 ;

- M. A n'est atteint d'aucune incapacité fonctionnelle et a repris une vie active normale ;

- les troubles qu'il a conservés ne justifient pas l'incapacité permanente partielle de 23 % retenue par l'expert ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 novembre 2011, présenté pour le centre hospitalier de Chambéry, qui persiste dans ses précédents moyens et conclusions ;

Il soutient en outre que le retard est principalement le fait des sapeurs-pompiers de Lyon ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 novembre 2011, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône qui, par les mêmes moyens, conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er décembre 2011 :

- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;

- les observations de Me Choulet, avocat des consorts A ;

- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée à Me Choulet ;

Sur la recevabilité des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon est recevable à demander, par un mémoire enregistré après l'expiration du délai d'appel, le remboursement des débours résultant pour elle de l'accident dont a été victime son assuré ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par le centre hospitalier aux conclusions indemnitaires de la caisse ne peut être accueillie ;

Sur la responsabilité :

Considérant que par l'arrêt susvisé du 7 octobre 2010 la Cour, avant plus amplement dire droit, a jugé que les services du SMUR, qui étaient avertis dès l'origine de l'accident de décompression dont M. A venait d'être victime, ont minimisé l'état de santé du patient et, de ce fait, tardé à l'orienter vers un service disposant d'un caisson hyperbare, alors qu'il était connu dès l'époque de l'accident que le placement en caisson hyperbare est la seule thérapeutique à même de permettre une amélioration, voire une guérison de la victime de ce type d'accident et, qu'en conséquence, le centre hospitalier de Chambéry a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que par ce même arrêt la Cour a également retenu que, compte tenu du délai de réalisation du transfert vers Lyon, celui-ci aurait dû normalement intervenir à partir de 18 heures pour une arrivée possible à 19 heures au lieu de 20 heures 25 ; que faute pour le centre hospitalier de s'être pourvu en cassation contre cet arrêt, celui-ci est devenu définitif ; que ce caractère définitif fait obstacle à ce que le centre hospitalier, qui conteste son entière responsabilité et l'importance du retard qui lui est reproché, remette en cause, par ses mémoires enregistrés les 11 octobre et 23 novembre 2011, l'autorité de la chose jugée qui s'attache tant au dispositif de cet arrêt qu'aux motifs qui en sont le soutien nécessaire ;

Sur le préjudice de M. A :

En ce qui concerne la perte de chance :

Considérant que l'expert indique qu'une forte probabilité existe que le transfert avec 1 heure 25 de retard de M. A vers le centre hyperbare de l'hôpital Edouard Herriot à Lyon a favorisé l'importance et la nature des séquelles, sans toutefois qu'il soit à même de définir, sur une base scientifiquement valable, le pourcentage de séquelles lié à ce délai supplémentaire, concluant seulement qu'une recompression plus précoce aurait pu permettre au mieux une récupération complète au pire une évolution similaire ; qu'il ne peut donc être exclu que ce retard a fait perdre à M. A une chance d'échapper aux séquelles dont il a été victime qui doit, dans les circonstances de l'espèce, être estimée à 50 % ;

En ce qui concerne les dépenses de santé :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon justifie de dépenses d'hospitalisation aux Hospices civils de Lyon, dont relève l'hôpital Edouard Herriot, ainsi que de frais médicaux, pharmaceutiques et de massage en lien avec l'accident de décompression dont M. A a été victime pour un montant de 21 727,98 euros ; qu'une somme de 10 863,99 euros correspondant à 50 % de ce montant doit lui être versée ;

En ce qui concerne les pertes de revenus et l'incidence professionnelle :

Considérant qu'à la suite de son accident, M. A, officier sapeur-pompier professionnel, a perdu toute possibilité d'effectuer des gardes opérationnelles, ainsi que sa spécialisation en plongée, s'étant trouvé contraint de renoncer à toute activité en rapport avec cette discipline ; que si M. A ne justifie pas avec suffisamment de certitude des pertes de revenus correspondantes, il sera en revanche fait, compte tenu de son âge au moment de l'accident et de perspectives de carrière réduites, une juste appréciation du préjudice résultant pour lui de l'impossibilité d'exercer l'activité à laquelle il pouvait aspirer, en estimant son préjudice professionnel à la somme de 20 000 euros ; que compte tenu de la fraction de 50 % retenue plus haut, il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Chambéry à lui allouer 10 000 euros ;

En ce qui concerne les autres dépenses liées au dommage corporel :

Considérant que les frais exposés dans le cadre du pourvoi devant le Conseil d'Etat et de l'instance ouverte devant le Tribunal administratif de Grenoble contre le centre hospitalier d'Aix-les-Bains sont sans lien direct avec le préjudice dont les requérants demandent réparation ; qu'il y a donc lieu de rejeter les conclusions indemnitaires qu'ils ont présentées à chacun de ces titres ;

En ce qui concerne les préjudices personnels :

Considérant que M. A, qui était âgé de 44 ans au moment de l'accident, souffre d'un déficit neurologique sensitivo-moteur affectant principalement la région sacrée et le membre inférieur droit, associé à des troubles sphinctériens, sexuels et psychologiques ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert, dont les conclusions ne sont pas sérieusement contredites par le centre hospitalier, que la période d'incapacité temporaire totale de l'intéressé s'est prolongée du 19 juin au 16 septembre 1996, l'expert ayant estimé que son état était consolidé au 25 mai 2000 et que son taux d'incapacité permanente partielle devait être fixé à 23 % ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence ainsi que de ses souffrances physiques ou morales évaluées à 3 sur une échelle de 7, de son préjudice sexuel, qualifié de modéré par l'expert, et du préjudice d'agrément dont il souffre compte tenu des activités, notamment sportives, qu'il a dû cesser de pratiquer, en les fixant à 46 000 euros ; que, compte tenu de la fraction de 50 % retenue plus haut, il y a lieu de condamner le centre hospitalier à lui allouer une somme de 23 000 euros à ce titre ;

Sur les préjudices personnels de Mme A et de MM. Alexandre et Samuel A :

Considérant que le préjudice personnel enduré par les intéressés doit en l'espèce être évalué à 6 000 euros pour Mme A, à 3 000 euros pour Alexandre et à 4 000 euros pour Samuel, respectivement épouse et fils de la victime ; que, compte tenu de la fraction de perte de chance de 50 % retenue plus haut, des sommes de 3 000 euros pour Mme A, de 1 500 euros pour Alexandre et 2 000 euros pour Samuel doivent être mises à la charge du centre hospitalier ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Chambéry doit être condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon une somme de 10 863,99 euros, à M. Paul A, Mme A, M. Alexandre A et M. Samuel A les sommes de, respectivement, 33 000 euros, 3 000 euros, 1 500 euros et 2 000 euros ;

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion demandée par la caisse primaire d'assurance maladie :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon est fondée à demander l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, soit la somme de 980 euros à laquelle elle est fixée, à la date du présent arrêt, par l'arrêté du 10 novembre 2010 ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que les consorts A ont droit, comme ils le réclament, aux intérêts des sommes qui leur sont dues, à compter, non pas de leur demande de désignation d'un expert en référé, qui ne peut être regardée comme une demande d'indemnité, mais du 9 septembre 1999, date à laquelle leur demande préalable du 8 septembre 1999 est parvenue au centre hospitalier de Chambéry ;

Considérant que la demande de capitalisation des intérêts, présentée le 20 avril 2010 par la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon, doit être regardée comme comportant nécessairement demande des intérêts légaux ; que la caisse a droit aux intérêts de la somme de 10 863,99 euros à compter du 7 avril 2003 date de l'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif ;

Considérant que les intéressés et la caisse ont droit à la capitalisation de ces intérêts à compter respectivement des 16 février et 20 avril 2010 , dates de leurs premiers mémoires la demandant et auxquelles il était dû une année d'intérêts, et à chaque échéance annuelle à compter de ces dates ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, de mettre les frais des expertises ordonnées devant le Tribunal et devant la Cour, liquidés et taxés respectivement aux sommes de 440 euros et 1 240 euros, à la charge du centre hospitalier de Chambéry, partie perdante ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les conclusions présentées par le centre hospitalier de Chambéry sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, sur ce même fondement, de mettre à la charge du centre hospitalier de Chambéry le paiement d'une somme de 1 500 euros aux consorts A et d'une somme de 1 000 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le centre hospitalier de Chambéry est condamné à verser à M. Paul A la somme de 33 000 euros, à Mme A la somme de 3 000 euros, à M. Alexandre A la somme de 1 500 euros et à M. Samuel A la somme 2 000 euros. Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 9 septembre 1999. Les intérêts échus le 16 février 2010 seront capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle ultérieure pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le centre hospitalier de Chambéry est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon la somme de 10 863,99 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 7 avril 2003. Les intérêts échus le 20 avril 2010 seront capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle ultérieure pour produire eux-mêmes intérêts. Il versera également à la caisse la somme de 980 euros correspondant à l'indemnité forfaitaire prévue à L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 3 : Les frais des expertises mentionnés ci-dessus sont mis à la charge du centre hospitalier de Chambéry.

Article 4 : Le centre hospitalier de Chambéry versera des sommes de 1 500 euros aux consorts A et de 1 000 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt est déclaré commun au Service départemental d'incendie et de secours du Rhône.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Paul A, à M. Alexandre A, à M. Samuel A, à la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon, au centre hospitalier de Chambéry et au Service départemental d'incendie et de secours du Rhône.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 décembre 2011.

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N° 09LY02850


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02850
Date de la décision : 22/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier. Existence d'une faute. Retards.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : CHOULET-BOULOUYS-KLINZ AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-12-22;09ly02850 ?
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