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08/12/2011 | FRANCE | N°11LY01315

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 5, 08 décembre 2011, 11LY01315


Vu, I°) sous le n° 11LY01315, la requête enregistrée le 26 mai 2011 présentée pour le DEPARTEMENT DE L'ISERE, représenté par le président du conseil général en exercice ;

Le DEPARTEMENT DE L'ISERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003752 du 25 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 21 juin 2010 par laquelle le président du conseil général de l'Isère a refusé de délivrer à M. et Mme A l'agrément en vue d'adopter deux enfants et lui a enjoint d'accorder cet agrément ;

2°) de rejeter la dema

nde de M. et Mme A devant le tribunal administratif ;

Il soutient que :

- le Tribunal s'e...

Vu, I°) sous le n° 11LY01315, la requête enregistrée le 26 mai 2011 présentée pour le DEPARTEMENT DE L'ISERE, représenté par le président du conseil général en exercice ;

Le DEPARTEMENT DE L'ISERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003752 du 25 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 21 juin 2010 par laquelle le président du conseil général de l'Isère a refusé de délivrer à M. et Mme A l'agrément en vue d'adopter deux enfants et lui a enjoint d'accorder cet agrément ;

2°) de rejeter la demande de M. et Mme A devant le tribunal administratif ;

Il soutient que :

- le Tribunal s'est fondé sur des conditions étrangères à l'article R. 225-4 du code de l'action sociale et des familles pour censurer la décision en litige ;

- M. et Mme A ne paraissent pas vouloir gérer des crises à un âge où il est probablement plus difficile de remettre en cause les habitudes de vie et n'ont pas conscience de la réalité des difficultés susceptibles d'intervenir ;

- le couple a des difficultés à gérer sa souffrance et sa frustration, dues à l'absence de procréation biologique, créant un contexte psychologique peu adapté à l'accueil et à l'accompagnement d'un enfant adopté ;

- cette dernière mention ne fait pas uniquement référence à une difficulté survenue en fin d'évaluation ;

- le risque existait que leurs difficultés psychologiques mettent en cause les conditions offertes pour l'accueil des enfants adoptés ;

- le Tribunal a, à tort, prononcé une injonction sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative sans réaliser au préalable une mesure d'instruction ni constater que la situation des intéressés n'avait pas évolué ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 24 juin 2011, présenté pour le DEPARTEMENT DE L'ISERE, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que :

- le couple s'est installé dans une certaine routine sans donner le sentiment d'avoir réfléchi aux bouleversements inhérents à l'adoption d'une fratrie ;

- ils ont éprouvé des difficultés à s'inscrire dans un projet d'adoption ;

- ils n'ont pas été à même d'identifier les difficultés susceptibles d'intervenir à l'intérieur d'une famille recomposée et les solutions envisageables ;

- ils n'ont pas compris la procédure administrative ni pourquoi les évaluations psychologiques n'étaient pas modifiées comme ils le souhaitaient ;

- cette attitude générale était la conséquence du temps passé depuis l'émergence du projet d'enfant ;

- un document d'information leur a été communiqué conformément à l'article L. 223-1 du code de l'action sociale et des familles ;

- il n'y a pas eu violation de l'article R. 225-4 de ce code, dès lors qu'ils ont eux-mêmes refusé une seconde évaluation individuelle ;

- la décision du 21 juin 2010 a été prise par une autorité compétente ;

- l'ensemble des erreurs matérielles a été corrigé ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 septembre 2011, présenté pour M. et Mme A, domiciliés ... qui concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du DEPARTEMENT DE l'ISERE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- ils n'ont pas été informés de la possibilité de se faire assister de toute personne de leur choix durant l'instruction du dossier ;

- ils n'ont pas pu bénéficier d'une seconde évaluation psychologique ;

- ils n'ont pas refusé de participer à un entretien individuel ;

- de nombreuses erreurs matérielles n'ont pas été corrigées ;

- ils n'ont pas pu prendre connaissance du rapport modifié de M. ;

- il n'y a pas de véritables arguments ou exemples précis des difficultés qu'ils éprouveraient pour la conception ou l'appréhension du projet d'adoption ;

- c'est leur expérience avec un neveu en conflit avec son père qui les a conduits à conclure qu'ils ne souhaitaient pas vivre une situation de conflit ;

- le refus d'agrément est fondé principalement sur l'âge des demandeurs ;

- ils n'ont jamais minimisé les difficultés de l'adoption, ni manifesté leur attachement à leur mode de vie actuel ;

- ils n'ont eu de cesse de mettre en avant le projet des enfants ;

- la procédure a duré 2 ans et demi au lieu des 9 mois normalement prévus ;

- rien ne permet de dire que le projet ne prendrait pas en compte le besoin de l'enfant ;

- le motif tiré des difficultés à gérer la souffrance et la frustration du couple est lié aux difficultés rencontrées avec la seconde psychologue et sans lien avec leur aptitude à adopter ;

- ce motif tient aux difficultés de la procédure et non à l'absence de procréation biologique ;

- il n'existe aucune modification dans la situation du couple de telle sorte que l'injonction était justifiée.

Vu le mémoire, enregistré le 10 octobre 2011, présenté pour M. et Mme A, qui persistent dans leurs précédents moyens et conclusions ;

Ils soutiennent en outre que :

- ils n'ont pas bénéficié d'une information préalable sur la possibilité de se faire assister par toute personne de leur choix lors de la procédure d'instruction, conformément aux dispositions de l'article L. 225-3 du code de l'action sociale et des familles ;

- les dispositions de l'article R. 225-4 du code de l'action sociale et des familles ont été méconnues dès lors qu'ils n'ont pu bénéficier d'une seconde évaluation psychologique et alors qu'ils n'ont jamais refusé de procéder à un entretien individuel ;

- de nombreuses erreurs matérielles n'ont pas été rectifiées en violation de ces mêmes dispositions ;

- les rapports figurant aux débats ne comportent pas de véritable analyse des arguments qu'ils avancent ni d'objections précises à leur projet d'adoption ;

- le refus d'agrément est fondé uniquement sur leur âge ;

- des incohérences existent entre les propos qu'ils ont tenus, sortis de leur contexte, et leur retranscription, ainsi que les conclusions qui en ont été tirées ;

- le motif tiré des difficultés du couple à gérer sa souffrance et sa frustration est sans aucun lien avec l'aptitude du couple à adopter, ayant uniquement pour origine les difficultés rencontrées avec les différents intervenants ;

- ils ne sont pas en souffrance émotionnelle ou psychologique ;

- l'injonction est justifiée ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 octobre 2011, présenté pour le DEPARTEMENT DE L'ISERE, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que :

- la décision n'est pas fondée sur l'âge des requérants ;

- ils n'ont pas expliqué leur capacité à prendre en compte les risques inhérents à l'adoption d'une fratrie ;

- ils ont montré une difficulté à gérer la souffrance et la frustration d'une procédure d'adoption ;

- l'article L. 225-3 du code de l'action sociale et des familles n'impose pas d'informer les demandeurs de la possibilité qu'ils ont d'être accompagnés durant leurs démarches ;

- il ne s'agit par ailleurs pas d'une formalité substantielle ;

- dans le cadre de l'article R. 225-4 du code de l'action sociale et des familles, ils ne pouvaient pas obtenir de modification du sens des conclusions des rapports ;

- l'absence de réalisation d'un second entretien psychologique leur est imputable ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 novembre 2011, présenté pour le DEPARTEMENT DE L'ISERE qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu, II°) sous le n° 11LY01318, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 mai et 24 juin 2011 présentés pour le DEPARTEMENT DE L'ISERE, représenté par le président du conseil général en exercice ;

Le DEPARTEMENT DE L'ISERE demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ou, subsidiairement, de l'article R. 811-15 du même code, le sursis à exécution du jugement n° 1003752 du 25 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 21 juin 2010 par laquelle le président du conseil général de l'Isère a refusé de délivrer à M. et Mme A l'agrément en vue d'adopter deux enfants et lui a enjoint d'accorder cet agrément ;

Il soutient que :

- l'exécution du jugement entraînerait, en cas d'annulation, des conséquences irrémédiables pour les intéressés et les enfants adoptés ;

- le Tribunal s'est fondé sur des conditions étrangères à l'article R. 225-4 du code de l'action sociale et des familles pour censurer la décision en litige ;

- M. et Mme A ne paraissent pas vouloir gérer des crises à un âge où il est probablement plus difficile de remettre en cause les habitudes de vie et n'ont pas conscience de la réalité des difficultés susceptibles d'intervenir ;

- le couple a des difficultés à gérer sa souffrance et sa frustration dues à l'absence de procréation biologique, créant un contexte psychologique peu adapté à l'accueil et l'accompagnement d'un enfant adopté ;

- cette dernière mention ne fait pas uniquement référence à une difficulté survenue en fin d'évaluation ;

- le risque existait que leurs difficultés psychologiques mettent en cause les conditions offertes pour l'accueil des enfants adoptés ;

- le Tribunal a, à tort, prononcé une injonction sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative sans réaliser au préalable une mesure d'instruction ni constater que la situation des intéressés n'avait pas évolué ;

- le couple s'est installé dans une certaine routine sans donner le sentiment d'avoir réfléchi aux bouleversements inhérents à l'adoption d'une fratrie ;

- M. et Mme A ont éprouvé des difficultés à s'inscrire dans un projet d'adoption ;

- ils n'ont pas été à même d'identifier les difficultés susceptibles d'intervenir à l'intérieur d'une famille recomposée et les solutions envisageables ;

- ils n'ont pas compris la procédure administrative ni pourquoi les évaluations psychologiques n'étaient pas modifiées comme ils le souhaitaient ;

- cette attitude générale était la conséquence du temps passé depuis l'émergence du projet d'enfant ;

- un document d'information leur a été communiqué conformément à l'article L. 223-1 du code de l'action sociale et des familles ;

- il n'y a pas eu violation de l'article R. 225-4 de ce code, dès lors qu'ils ont eux-mêmes refusé une seconde évaluation individuelle ;

- la décision du 21 juin 2010 a été prise par une autorité compétente ;

- l'ensemble des erreurs matérielles a été corrigé ;

- ces moyens sont suffisamment sérieux pour justifier, non seulement l'annulation du jugement mais également le rejet de la demande présentée devant le Tribunal ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 août 2011, présenté pour M. et Mme A, domiciliés ... qui concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du DEPARTEMENT DE l'ISERE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- le risque de retrait des enfants est inhérent à toute procédure d'adoption ;

- il n'existe aucun moyen sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement et le rejet de leur demande devant le tribunal administratif ;

- ils n'ont pas été informés de la possibilité de se faire assister de toute personne de leur choix durant l'instruction du dossier ;

- ils n'ont pas pu bénéficier d'une seconde évaluation psychologique ;

- ils n'ont pas refusé de participer à un entretien individuel ;

- de nombreuses erreurs matérielles n'ont pas été corrigées ;

- ils n'ont pas pu prendre connaissance du rapport modifié de M. ;

- il n'y a pas de véritables arguments ou exemples précis des difficultés qu'ils éprouveraient pour la conception ou l'appréhension du projet d'adoption ;

- c'est leur expérience avec un neveu en conflit avec son père qui les a conduits à conclure qu'ils ne souhaitaient pas vivre dans une situation de conflit ;

- le refus d'agrément est fondé principalement sur l'âge des demandeurs ;

- ils n'ont jamais minimisé les difficultés de l'adoption ni manifesté leur attachement à leur mode de vie actuel ;

- ils n'ont eu de cesse de mettre en avant le projet des enfants ;

- la procédure a duré 2ans et demi au lieu des 9 mois normalement prévus ;

- rien ne permet de dire que le projet ne prendrait pas en compte le besoin de l'enfant ;

- le motif tiré des difficultés à gérer la souffrance et la frustration du couple est lié aux difficultés rencontrées avec la seconde psychologue et sans lien avec leur aptitude à adopter ;

- ce motif tient aux difficultés de la procédure et non à l'absence de procréation biologique ;

- il n'existe aucune modification dans la situation du couple de telle sorte que l'injonction était justifiée ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 octobre 2011, présenté pour M. et Mme A, qui persistent dans leurs précédents moyens et conclusions ;

Ils soutiennent en outre que :

- ils n'ont pas bénéficié d'une information préalable sur la possibilité de se faire assister par toute personne de leur choix lors de la procédure d'instruction, conformément aux dispositions de l'article L. 225-3 du code de l'action sociale et des familles ;

- les dispositions de l'article R. 225-4 du code de l'action sociale et des familles ont été méconnues dès lors qu'ils n'ont pu bénéficier d'une seconde évaluation psychologique et alors qu'ils n'ont jamais refusé de procéder à un entretien individuel ;

- de nombreuses erreurs matérielles n'ont pas été rectifiées en violation de ces mêmes dispositions ;

- les rapports figurant aux débats ne comportent pas de véritable analyse des arguments qu'ils avancent ni d'objections précises à leur projet d'adoption ;

- le refus d'agrément est fondé uniquement sur leur âge ;

- des incohérences existent entre les propos qu'ils ont tenus, sortis de leur contexte, et leur retranscription, ainsi que les conclusions qui en ont été tirées ;

- le motif tiré des difficultés du couple à gérer sa souffrance et sa frustration est sans aucun lien avec l'aptitude du couple à adopter, ayant uniquement pour origine les difficultés rencontrées avec les différents intervenants ;

- ils ne sont pas en souffrance émotionnelle ou psychologique ;

- l'injonction est justifiée ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 octobre 2011, présenté pour le DEPARTEMENT DE L'ISERE, qui conclut, par les mêmes moyens, aux mêmes fins que précédemment ;

Il soutient en outre que :

- la décision n'est pas fondée sur l'âge des intéressés ;

- ils n'ont pas expliqué leur capacité à prendre en compte les risques inhérents à l'adoption d'une fratrie ;

- ils ont montré une difficulté à gérer la souffrance et la frustration liés à une procédure d'adoption ;

- l'article L. 225-3 du code de l'action sociale et des familles n'impose pas d'informer les demandeurs de la possibilité qu'ils ont d'être accompagnés durant leurs démarches ;

- il ne s'agit par ailleurs pas d'une formalité substantielle ;

- dans le cadre de l'article R. 225-4 du code de l'action sociale et des familles, ils ne pouvaient pas obtenir de modification du sens des conclusions des rapports ;

- l'absence de réalisation d'un second entretien psychologique leur est imputable ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 novembre 2011, présenté pour le DEPARTEMENT DE L'ISERE qui, par les mêmes moyens, conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 novembre 2011 :

- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;

- les observations de Me Eugène, avocat de M. et Mme Gilles A ;

- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Eugène ;

Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

Considérant que M. et Mme A, qui sont nés en 1964, ont présenté en février 2008 au DEPARTEMENT DE l'ISERE une demande d'agrément pour l'accueil d'une fratrie de deux enfants ; que par une décision du 21 juin 2010, le président du conseil général de l'Isère leur a opposé un refus, aux motifs que, d'une part, leur réflexion sur l'accueil d'une fratrie d'enfants grands n'était pas assez aboutie et que, d'autre part, le couple avait des difficultés à gérer sa souffrance et sa frustration ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision et enjoint au département d'accorder cet agrément ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 225-2 du code de l'action sociale et des familles : Les pupilles de l'Etat peuvent être adoptés ... par des personnes agréées à cet effet ... ; qu'aux termes de l'article L. 225-17 du même code : Les personnes qui accueillent, en vue de son adoption, un enfant étranger doivent avoir obtenu l'agrément prévu aux articles L. 225-2 à L. 225-7 ; qu'aux termes de l'article R. 225-4 de ce code : Avant de délivrer l'agrément, le président du conseil général doit s'assurer que les conditions d'accueil offertes par le demandeur sur les plans familial, éducatif et psychologique correspondent aux besoins et à l'intérêt d'un enfant adopté. A cet effet, il fait procéder, auprès du demandeur, à des investigations comportant notamment : - une évaluation de la situation familiale, des capacités éducatives ainsi que des possibilités d'accueil en vue d'adoption d'un enfant pupille de l'Etat ou d'un enfant étranger ; cette évaluation est confiée à des assistants de service social, à des éducateurs spécialisés ou à des éducateurs de jeunes enfants, diplômés d'Etat ; - une évaluation, confiée à des psychologues territoriaux aux mêmes professionnels relevant d'organismes publics ou privés habilités mentionnés au septième alinéa de l'article L. 221-1 ou à des médecins psychiatres, du contexte psychologique dans lequel est formé le projet d'adopter ... ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'échecs répétés pour concevoir un enfant par procréation médicalement assistée, M. et Mme A, qui ressentaient le manque de ne pas avoir d'enfant, ont décidé de s'engager dans une procédure d'agrément malgré les difficultés exprimées par Mme A à distinguer entre les statuts de famille d'accueil et de parent adoptif ; que si les époux A forment un couple stable, qu'ils s'occupent fréquemment d'enfants, notamment de leurs neveux, et si leur désir sincère d'avoir des enfants n'est pas contestable, les investigations conduites par l'administration départementale, que les pièces produites par les intéressés ne suffisent pas à contredire, n'ont pas permis de s'assurer que leur démarche s'inscrivait clairement dans un projet d'adoption murement réfléchi alors que, notamment, ils avaient exprimé leurs craintes d'établir un lien parental avec l'enfant à accueillir et manifesté leur réticence à faire face à d'éventuels conflits avec cet enfant ; que, plus spécialement, ils ont formulé le souhait d'adopter une fratrie constituée de grands enfants mais sans réellement montrer qu'ils se seraient suffisamment préparés aux particularités et à la complexité présentées par l'accueil d'une telle fratrie, ni qu'ils étaient prêts à affronter les problèmes supplémentaires pouvant en résulter pour eux ; qu'en outre, les difficultés rencontrées dans leur dialogue avec les services départementaux, bien qu'elles ne leur soient pas totalement imputables, ont révélé des fragilités d'ordre émotionnel ou psychologique faisant sérieusement douter de leur capacité à affronter les problèmes liés à une telle adoption ; qu'il s'en suit que le DEPARTEMENT DE l'ISERE n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du code de l'action sociale et des familles en estimant que M. et Mme A ne possédaient pas les qualités requises au plan familial ou éducatif pour faire face à un projet d'adoption et en refusant, par les motifs rappelés plus haut, l'agrément sollicité ; que c'est donc à tort que, pour annuler cette décision, le Tribunal a jugé que les intéressés étaient à même de faire face à l'adoption d'une fratrie de grands enfants ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme A devant le Tribunal et devant la Cour ;

Considérant, en premier lieu, que le directeur de l'enfance et de la famille du département, auteur de la décision en litige, tenait d'un arrêté du président du conseil général de l'Isère du 28 avril 2010 relatif à la délégation de signature pour la direction de l'enfance et de la famille, compétence pour signer cette décision ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 225-9 du code de l'action sociale et des familles : La commission d'agrément prévue par l'article L. 225-2 comprend : 1° Trois personnes appartenant au service qui remplit les missions d'aide sociale à l'enfance et ayant une compétence dans le domaine de l'adoption ou leurs suppléants désignés parmi les personnes répondant aux mêmes conditions ; 2° Deux membres du conseil de famille des pupilles de l'Etat du département : l'un nommé sur proposition de l'union départementale des associations familiales parmi les membres nommés au titre du 2° de l'article R. 224-3 ; l'autre assurant la représentation de l'association départementale d'entraide entre les pupilles et anciens pupilles de l'Etat ; ces membres peuvent être remplacés par leurs suppléants, désignés parmi les personnes répondant aux mêmes conditions ; 3° Une personnalité qualifiée dans le domaine de la protection sociale et sanitaire de l'enfance ... ; que si les intéressés font valoir que lors de la consultation de la commission d'agrément le 3 juin 2010 la personne désignée en qualité de personnalité qualifiée dans le domaine de la protection sociale et sanitaire de l'enfance était absente, cette seule circonstance ne suffit pas, par elle-même, à entacher d'irrégularité la procédure suivie ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 225-3 du code de l'action sociale et des familles : Les personnes qui demandent l'agrément bénéficient des dispositions de l'article L. 223-1. Les conseils généraux proposent aux candidats des réunions d'information pendant la période d'agrément. Elles peuvent demander que tout ou partie des investigations effectuées pour l'instruction du dossier soient accomplies une seconde fois et par d'autres personnes que celles auxquelles elles avaient été confiées initialement. Elles sont informées du déroulement de ladite instruction et peuvent prendre connaissance de tout document figurant dans leur dossier dans les conditions fixées aux articles 3 et 4 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal. ; qu'aux termes de l'article L. 223-1 du même code : Toute personne qui demande une prestation prévue au présent titre ou qui en bénéficie est informée par les services chargés de la protection de la famille et de l'enfance des conditions d'attribution et des conséquences de cette prestation sur les droits et obligations de l'enfant et de son représentant légal. Elle peut être accompagnée de la personne de son choix, représentant ou non une association, dans ses démarches auprès du service. Néanmoins, celui-ci a la possibilité de proposer également un entretien individuel dans l'intérêt du demandeur ... ; qu'aux termes de l'article R. 225-4 de ce code : ... Les évaluations sociale et psychologique donnent lieu chacune à deux rencontres au moins entre le demandeur et le professionnel concerné. Pour l'évaluation sociale, une des rencontres au moins a lieu au domicile du demandeur. Le demandeur est informé, au moins quinze jours avant la consultation prévue à l'article R. 225-5, qu'il peut prendre connaissance des documents établis à l'issue des investigations menées en application des alinéas précédents. Les erreurs matérielles figurant dans ces documents sont rectifiées de droit à sa demande écrite. Il peut, à l'occasion de cette consultation, faire connaître par écrit ses observations sur ces documents et préciser son projet d'adoption. Ces éléments sont portés à la connaissance de la commission ; qu'aux termes de l'article R. 225-5 dudit code : La décision est prise par le président du conseil général après consultation de la commission d'agrément prévue à l'article R. 225-9. Le demandeur est informé de la possibilité d'être entendu par la commission sur sa propre demande et dans les conditions fixées au deuxième alinéa de l'article L. 223-1. Il peut également, dans les mêmes conditions, être entendu par la commission sur la demande d'au moins deux de ses membres... ;

Considérant que si ces dispositions combinées prévoient d'informer le pétitionnaire de la possibilité de se faire accompagner par une personne de son choix lors de son audition par la commission, il n'en résulte pas l'obligation pour le département de l'informer de cette possibilité dans ses seules démarches auprès du service ; que, dès lors, si M. et Mme A se plaignent de n'avoir pas été informés de la possibilité de recourir à l'assistance d'une personne de leur choix au cours de l'instruction de leur demande, ce moyen ne peut qu'être écarté ;

Considérant que si les intéressés soutiennent que la seconde évaluation psychologique, pour laquelle un entretien s'est tenu le 24 août 2009, n'a pas abouti, il ressort des pièces du dossier que le département leur a proposé une nouvelle évaluation psychologique par un courrier du 11 janvier 2010, renouvelé le 9 février suivant mais que M. et Mme A ont refusé cette proposition le 12 février 2010 et demandé que leur dossier soit soumis à une prochaine séance de la commission d'agrément ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'ils auraient été privés du droit, qu'ils tiennent de l'article L. 225-3 du code de l'action sociale et des familles, de bénéficier une seconde fois des investigations effectuées pour l'instruction de la demande d'adoption, doit être écarté ;

Considérant que les dispositions précitées de l'article R. 225-4 du code de l'action sociale et des familles n'imposaient pas au département de modifier l'appréciation portée par les professionnels chargés des évaluations prévues à l'article R. 225-4 ou le sens de leurs conclusions ; que les époux A ne sauraient donc se plaindre de ce que le département n'a pas fait droit à leurs demandes répétées en ce sens alors qu'en revanche il ne ressort pas des pièces du dossier que, comme l'y contraignent ces mêmes dispositions, il n'aurait pas rectifié les erreurs matérielles affectant ces évaluations ;

Considérant, en quatrième lieu, que la circonstance que la procédure a duré deux ans et demi, au lieu des neuf mois prévus par l'article L. 224-2 du code de l'action sociale et des familles, est sans incidence sur la légalité de la décision en litige ;

Considérant, enfin, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, pour refuser l'agrément sollicité, le président du conseil général se serait fondé uniquement sur l'âge de M. et Mme A ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision du 21 juin 2010 portant refus de délivrance à M. et Mme A d'un agrément en vue d'adopter deux enfants et lui a enjoint d'accorder cet agrément ; que les conclusions présentées par M. et Mme A sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;

Considérant que, dès lors qu'il est statué sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué, les conclusions de la requête n° 11LY01318 du DEPARTEMENT DE L'ISERE tendant à ce que la Cour en prononce le sursis à exécution sont devenues sans objet ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 25 mars 2011 est annulé.

Article 2 : La demande de M. et Mme A devant le Tribunal administratif de Grenoble et leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 11LY01318 du DEPARTEMENT DE L'ISERE.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au DEPARTEMENT DE L'ISERE et à M. et Mme Gilles A.

Délibéré après l'audience du 17 novembre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Steck-Andrez et M. Zupan, présidents-assesseurs,

M. Picard et M. Poitreau, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 8 décembre 2011.

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N° 11LY01315,...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 11LY01315
Date de la décision : 08/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

35-05 Famille. Adoption.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : BRIAND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-12-08;11ly01315 ?
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