Vu, I, sous le n° 10LY01307, la requête enregistrée le 28 mai 2010, présentée pour le DEPARTEMENT DU RHONE ;
Le DEPARTEMENT DU RHONE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0806923 du 23 février 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a, d'une part, annulé la décision du 4 août 2008 par laquelle le président du conseil général du Rhône a prononcé le licenciement de Mme et, d'autre part, avant de statuer sur les conclusions indemnitaires présentées par celle-ci, ordonné un supplément d'instruction ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme devant le Tribunal administratif de Lyon ;
Il soutient :
- qu'en jugeant que le licenciement de Mme devait être regardé comme disciplinaire, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ;
- que les motifs invoqués pour licencier Mme sont réels et justifient la rupture de son contrat de travail, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif ;
- que le tribunal administratif a seulement examiné la matérialité de certains faits, méthodes éducatives telles que décrites par trois assistantes familiales et propos grossiers imputés à l'époux de l'intéressée, sans se prononcer sur les autres reproches qui fondaient la décision attaquée ;
- que les constatations émanant de trois professionnels - dont rien ne laisse supposer qu'ils nourrissaient une quelconque animosité envers le couple - doivent être mises en perspective avec les constats effectués par les professionnels du service ;
- que le licenciement de M. rendait inenvisageable, eu égard aux dispositions de l'article L. 421-2 (alinéa 2) du code de l'action sociale et des familles, le maintien d'enfants au sein de la famille d'accueil ;
- que, comme le prévoit le contrat d'accueil, un lien de confiance doit exister entre les différents services en charge de la protection de l'enfance et de la famille d'accueil ;
- que le contrat d'accueil rappelle d'ailleurs que la famille s'engage à accepter et à faciliter, voir à susciter les interventions et les échanges avec les travailleurs sociaux ;
- que lors de l'entretien du 22 mai 2007 le docteur a constaté qu'il existait une situation de conflit entre cette famille et les services du département ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 juillet 2010, présenté pour Mme Annick qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du DEPARTEMENT DU RHONE d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient :
- que la requête est irrecevable dès lors qu'elle vise des pièces qui ne sont ni énumérées dans un bordereau d'accompagnement, ni jointes à ladite requête ;
- que la matérialité des faits reprochés tant à son époux qu'à elle-même n'a jamais été établie ;
- qu'il lui est simplement reproché d'avoir tenu des propos dévalorisants à l'égard de deux jeunes enfants en retard de développement et de ne pas adopter un comportement affectueux à leur égard, étant observé que ces deux enfants avaient été confiés à son époux ;
- que dans les témoignages ou rapports qui sont censés décrire le comportement fautif des époux, aucun fait précis n'est allégué ;
- qu'il n'est pas fait mention que l'enfant Benjamin dont elle avait la charge a fugué de la famille d'accueil dans laquelle il a été placé après qu'il lui a été retiré ;
- que l'enquête de gendarmerie n'a retenu aucune charge ;
- que la tardiveté du licenciement, de même que l'absence de retrait de l'agrément démontrent le peu de crédit des motifs invoqués ;
- qu'il est donc patent que le président du conseil général du Rhône a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
Vu le mémoire, enregistré le 3 novembre 2011, présenté pour le DEPARTEMENT DU RHONE qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et demande en outre que soit mise à la charge de Mme la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, II, sous le n° 10LY02165, la requête enregistrée le 6 septembre 2010, présentée pour le DEPARTEMENT DU RHONE ;
Le DEPARTEMENT DU RHONE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0806923 du 13 juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lyon l'a condamné à verser à Mme la somme de 6 000 euros en réparation de son préjudice ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme devant le Tribunal administratif de Lyon ;
Il soutient :
- à titre principal, que dès lors que la Cour annulera le premier jugement statuant sur sa responsabilité, elle devra infirmer par voie de conséquence le jugement attaqué ;
- à titre subsidiaire, qu'il n'existe pas de lien de causalité entre l'état dépressif de Mme et son licenciement ou la décision lui retirant l'enfant qui lui avait été confié ;
- qu'au vu en particulier des avis d'imposition produits, il est manifeste que Mme n'a pas subi de pertes de revenus ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 février 2011, présenté pour Mme Annick qui conclut au rejet de la requête, à ce que l'indemnité qui lui est due par le DEPARTEMENT DU RHONE soit portée à la somme de 50 000 euros et à la mise à la charge du DEPARTEMENT DU RHONE d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis et que son préjudice est plus important que celui qu'a retenu le tribunal administratif ;
Vu le mémoire, enregistré le 3 novembre 2011, présenté pour le DEPARTEMENT DU RHONE qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et demande en outre que soit mise à la charge de Mme la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 novembre 2011 :
- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;
- les observations de Me Romanet-Duteil, avocat du département du Rhône et de Me Remize, avocat de Mme ;
- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Romanet-Duteil et à Me Remize ;
Considérant que les requêtes susvisées du DEPARTEMENT DU RHONE présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur la fin de non recevoir opposée par Mme à la requête n° 10LY01307 :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 412-2 du code de justice administrative : Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé. (...) ; que si, dans l'instance n° 10LY01307, le DEPARTEMENT DU RHONE se réfère aux pièces qu'il a produites devant le Tribunal, sans les produire à nouveau devant la Cour, cette circonstance reste sans incidence sur la recevabilité de la requête ; que, dès lors, la fin de non recevoir opposée par Mme ne peut être accueillie ;
Au fond :
Considérant que Mme assistante familiale agréée, a été engagée par le DEPARTEMENT DU RHONE, par contrat du 4 novembre 2004, en vue de l'accueil permanent à son domicile d'un enfant ; que par la décision en litige, du 4 août 2008, le président du conseil général a prononcé son licenciement ; que cette mesure est motivée par la circonstance que Mme , assistante familiale, a tenu à diverses reprises des propos dévalorisants et méprisants à l'égard des deux jeunes enfants en retard de développement dont son mari, également assistant familial, avait la charge ; qu'elle a ainsi contrevenu au principe énoncé dans le contrat d'accueil, signé, avant le placement de chaque mineur, par l'assistant familial et son conjoint, selon lequel ' l'enfant doit être accepté tel qu'il est, avec ses difficultés et ses potentialités et selon lequel les jugements dévalorisants [...] sont à proscrire, car susceptibles de nuire à son développement affectif et à son intégrité psychique ' et qu'invitée par le service de la protection de l'enfance à s'expliquer sur ces dérapages, Mme n'a pas reconnu avoir tenu de tels propos , qu'elle s'est révélée incapable de répondre aux besoins affectifs de ces enfants en retard de développement ; que cette carence est d'autant plus à déplorer que les progrès des enfants dont il s'agit dépendaient étroitement de la qualité de leur environnement affectif , et que que la confiance entre la famille d'accueil et l'équipe enfance, essentielle à la mise en place d'un travail de collaboration efficace, et indispensable pour assurer aux enfants placés un accueil de qualité, est rompue ; que la décision mentionne aussi que M. , également assistant familial, fait l'objet d'une mesure de licenciement et qu'en conséquence, il n'est pas possible de confier des enfants mineurs à Mme ;
Considérant que, même si l'enquête diligentée par les services de la Gendarmerie nationale, à la demande du procureur de la République de Villefranche-sur-Saône, n'a pas donné lieu à des poursuites, l'exactitude matérielle des faits reprochés à Mme sont établis notamment par les témoignages concordants de trois assistantes familiales qui avaient rendu visite à l'intéressée et à son mari, également assistant maternel employé par le DEPARTEMENT DU RHONE, à leur domicile, le 19 avril 2007, dont aucune circonstance ne permet de ne pas les prendre en compte, ainsi que par les constatations opérées par d'autres professionnels, notamment une assistante sociale chargée du placement et un médecin territorial et, enfin, par les procès-verbaux d'audition d'enfants par les services de la Gendarmerie nationale, produits pour la première fois en appel ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'invités à fournir des explications sur les propos qu'ils avaient pu tenir à l'égard de certains des enfants qui leur étaient confiés et, plus généralement, sur les méthodes éducatives pratiquées, M. et Mme se sont refusé à toute collaboration avec les représentants du service de l'aide sociale à l'enfance ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler la décision prononçant le licenciement de Mme , le tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;
Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 421-2 du code l'action sociale et des familles : L'assistant familial est la personne qui, moyennant rémunération, accueille habituellement et de façon permanente des mineurs et des jeunes majeurs de moins de vingt et un ans à son domicile. Son activité s'insère dans un dispositif de protection de l'enfance, un dispositif médico-social ou un service d'accueil familial thérapeutique. Il exerce sa profession comme salarié de personnes morales de droit public ou de personnes morales de droit privé dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre ainsi que par celles du chapitre III du présent livre, après avoir été agréé à cet effet. / L'assistant familial constitue, avec l'ensemble des personnes résidant à son domicile, une famille d'accueil. ; qu'aux termes de l'article L. 421-3 du même code : L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial est délivré par le président du conseil général du département où le demandeur réside... / L'agrément est accordé à ces deux professions si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis... ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 423-10 du code l'action sociale et des familles, rendu applicable aux assistants maternels et aux assistants familiaux employés par des personnes morales de droit public par l'article L. 422-1 de ce code : L'employeur qui envisage, pour un motif réel et sérieux, de licencier un assistant maternel ou un assistant familial qu'il emploie depuis trois mois au moins convoque celui-ci et le reçoit en entretien dans les conditions prévues aux articles L. 1232-2 à L. 1232-4 du code du travail. Au cours de l'entretien, l'employeur est tenu d'indiquer le ou les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié. / L'employeur qui décide de licencier un assistant maternel ou un assistant familial relevant de la présente section doit notifier et motiver sa décision dans les conditions prévues à l'article L. 1232-6 du code du travail. La date de présentation de la lettre recommandée fixe le point de départ du préavis éventuellement dû en vertu de l'article L. 773-21. L'inobservation du préavis donne lieu au versement d'une indemnité compensatrice. ;
Considérant que la décision du président du conseil général du Rhône du 4 août 2008 vise l'article L. 773-19 du code du travail, qui avait été abrogé dès le 1er mars 2008 par l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007, mais dont les dispositions sont reprises à l'article L. 423-10 du code l'action sociale et des familles, également visé dans la décision ; que si certains des faits sur lesquels elle repose, qui constituent des manquements de l'intéressée à ses obligations professionnelles, étaient susceptibles de justifier une sanction disciplinaire, il ressort des pièces du dossier, et notamment des explications fournies par le DEPARTEMENT DU RHONE pour la première fois devant la Cour, que le président du conseil général a estimé que les méthodes éducatives excessivement rigides pratiquées par Mme n'étaient pas adaptées à l'accueil d'enfants confiés par le service de protection de l'enfance, dans le cadre d'un placement ; qu'ainsi, en prenant la décision en litige, le président du conseil général n'a pas entendu infliger à Mme la sanction disciplinaire prévue, en ce qui concerne les assistants maternels et assistants familiaux, non pas d'ailleurs par le décret du 15 février 1988 susvisé, mais par l'article R. 422-20 du code l'action sociale et des familles, mais a prononcé son licenciement pour un motif réel et sérieux, en application de l'article L. 423-10 de ce code ;
Considérant que les méthodes éducatives excessivement sévères suivies par Mme et son manque d'affection à l'égard des enfants dont elle avait la charge, ainsi que son refus de coopérer avec les personnels spécialisés du service de la protection de l'enfance dont elle relevait, révèlent un comportement inadapté aux besoins et à l'épanouissement des enfants ; que, dès lors, le président du conseil général du Rhône a pu légalement estimer qu'il existait un motif réel et sérieux de licenciement de cet agent ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le DEPARTEMENT DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le premier des jugements attaqués, le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du président du conseil général du 4 août 2008 prononçant le licenciement de Mme et que, par le second de ces jugements, il l'a condamnée à réparer les conséquences dommageables que cette décision a comportées pour l'intéressée ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du DEPARTEMENT DU RHONE tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce que Mme , qui est dans la présente instance la partie perdante, bénéficie de quelque somme que ce soit au titre des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige ;
DECIDE :
Article 1er : Les jugements du Tribunal administratif de Lyon des 23 février et 13 juillet 2010 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de Mme sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions du DEPARTEMENT DU RHONE tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au DEPARTEMENT DU RHONE et à Mme Annick .
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2011 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
Mme Steck-Andrez et M. Zupan, présidents-assesseurs,
M. Picard et M. Poitreau, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 8 décembre 2011.
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