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24/11/2011 | FRANCE | N°11LY01120

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 24 novembre 2011, 11LY01120


Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 4 mai 2011 et régularisée le 6 mai 2011, présentée par le PREFET DE LA LOIRE ;

Le PREFET DE LA LOIRE demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0904180, du 24 février 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions des 11 et 27 mai 2009 par lesquelles il a refusé à M. Athmane A le regroupement familial au profit de son épouse et rejeté le recours gracieux formé contre la décision de refus ;

Il soutient que les premiers juges se sont fondés, à tort, sur des circonstances de fait

révélées postérieurement à la date des décisions litigieuses ; qu'il n'a pu statu...

Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 4 mai 2011 et régularisée le 6 mai 2011, présentée par le PREFET DE LA LOIRE ;

Le PREFET DE LA LOIRE demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0904180, du 24 février 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions des 11 et 27 mai 2009 par lesquelles il a refusé à M. Athmane A le regroupement familial au profit de son épouse et rejeté le recours gracieux formé contre la décision de refus ;

Il soutient que les premiers juges se sont fondés, à tort, sur des circonstances de fait révélées postérieurement à la date des décisions litigieuses ; qu'il n'a pu statuer sur la demande de regroupement familial dont il était saisi qu'au regard des éléments de ressources portés à sa connaissance par le demandeur, qui faisaient apparaître des revenus mensuels moyens de 910 euros ; qu'en application de l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient d'apprécier la condition de ressources du demandeur du regroupement familial au regard du nombre de personnes composant sa famille ; que s'il n'a pas fait application de la majoration prévue par ces dispositions, il demande que, si besoin est, il soit procédé à une substitution de motifs ; que ses décisions n'ont méconnu les stipulations ni de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles, ni de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en réponse enregistré le 15 juillet 2011, présenté pour M. A, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient, à titre principal, que l'appel interjeté par le PREFET DE LA LOIRE est irrecevable en raison de sa tardiveté ; à titre subsidiaire, qu'il a établi devant les premiers juges avoir perçu, au cours des douze mois précédant la décision contestée, un revenu mensuel moyen de 1 067,40 euros, soit supérieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance ; qu'ainsi, les décisions litigieuses violent les dispositions des articles L. 411-5 et R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elles méconnaissent également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le mémoire en réplique enregistré le 23 août 2011, présenté par le PREFET DE LA LOIRE qui maintient ses conclusions, par les mêmes moyens et qui, en outre, soutient que son appel est recevable ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2011 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Sur la recevabilité de l'appel :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : (...) le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué du 24 février 2011 du Tribunal administratif de Lyon a fait l'objet d'une notification au PREFET DE LA LOIRE le 7 mars 2011 ; que ce dernier a interjeté appel du jugement le 4 mai 2011, soit avant l'expiration du délai d'appel de deux mois prévu par les dispositions précitées de l'article R. 811-2 du code de justice administrative ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par M. A, tiré de la tardiveté de l'appel, doit être écartée ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Considérant qu'aux termes de l'article 4 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 modifié : Les membres de la famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent. / Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. / Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1. Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance ; (...) ; que pour apprécier les ressources d'un entrepreneur individuel au regard des stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien, ne peuvent être pris en compte que les revenus que son entreprise est capable de générer régulièrement, déduction faite des charges exposées ; qu'aux termes de l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue du décret n° 2008-614 du 27 juin 2008 : (...) les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : (...) - cette moyenne majorée d'un dixième pour une famille de quatre ou cinq personnes ; (...) et qu'aux termes de l'article R. 421-4 du même code : A l'appui de sa demande de regroupement, le ressortissant étranger présente les copies intégrales des pièces suivantes : (...) 3° Les justificatifs des ressources du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, tels que le contrat de travail dont il est titulaire ou, à défaut, une attestation d'activité de son employeur, les bulletins de paie afférents à la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande, ainsi que le dernier avis d'imposition sur le revenu en sa possession, dès lors que sa durée de présence en France lui permet de produire un tel document, et sa dernière déclaration de revenus. La preuve des revenus non salariaux est établie par tous moyens ; (...) ; que, s'agissant de l'appréciation du caractère suffisant des ressources d'un ressortissant algérien, demandeur d'une autorisation de regroupement familial, les stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié qui prévoient que L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance sont incompatibles avec les dispositions de l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient l'application de majorations en fonction du nombre de membres composant sa famille ; que, par suite, quelle que soit la composition du foyer du ressortissant algérien demandant le regroupement familial, le niveau de ses ressources doit s'apprécier par référence au seul salaire minimum interprofessionnel de croissance ; qu'il résulte ainsi de la combinaison des stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien et des dispositions des articles R. 411-4 et R. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui lui sont compatibles, que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période, même si, lorsque ce seuil n'est pas atteint au cours de la période considérée, il est toujours possible, pour le préfet, de prendre une décision favorable en tenant compte de l'évolution des ressources du demandeur, y compris après le dépôt de la demande ;

Considérant que, par décision du 11 mai 2009, confirmée le 27 du même mois, le PREFET DE LA LOIRE a rejeté la demande de regroupement familial déposée le 28 avril 2009 par M. A, ressortissant algérien, au profit de son épouse séjournant irrégulièrement en France, en se fondant sur l'insuffisance des ressources du demandeur, qui avait justifié avoir perçu, dans le cadre de l'exploitation de sa micro-entreprise, 10 920 euros nets de revenus sur les douze mois de l'année 2008, soit un revenu mensuel net moyen de 910 euros, inférieur au montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance de 1 037,53 euros retenu par le PREFET DE LA LOIRE ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon, se fondant sur les nouveaux éléments comptables produits devant lui concernant les résultats d'exploitation de cette micro-entreprise durant les quatre premiers mois de l'année 2009, qui permettaient, selon lui, d'établir que M. A avait tiré de son activité de commerçant un revenu mensuel net moyen de 1 067,40 euros sur les douze mois précédant les décisions du mois de mai 2009, soit supérieur au montant précité du salaire minimum interprofessionnel de croissance, a annulé les décisions litigieuses, pour violation des stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

Considérant qu'ainsi qu'il a déjà été dit, il résulte de la combinaison des stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien et des dispositions des articles R. 411-4 et R. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui lui sont compatibles, que le caractère suffisant du niveau de ressources de M. A devait être apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, soit du 1er avril 2008 au 31 mars 2009 ; qu'au cours de cette période, M. A, qui exerçait une activité commerciale n'avait clos qu'un seul exercice, le 31 décembre 2008 ; que le revenu d'un commerçant est constitué par le bénéfice dégagé par son entreprise, lequel n'est réalisé qu'à la clôture de l'exercice ; que c'est, par suite, à bon droit que, pour apprécier le caractère suffisant des ressources de M. A au cours de la période du 1er avril 2008 au 31 mars 2009, le préfet a retenu le montant du bénéfice réalisé par l'intéressé au cours de l'exercice 2008 ; que, dès lors, le PREFET DE LA LOIRE est fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur des éléments comptables postérieurs aux comptes annuels arrêtés au 31 décembre 2008 pour apprécier les ressources de M. A au regard de l'article 4 de l'accord franco-algérien susvisé ; qu'en outre, dès lors que les dispositions précitées de l'article 4 de l'accord franco-algérien excluent expressément la possibilité de prendre en compte les prestations familiales versées à M. A par la caisse d'allocations familiales de Saint-Etienne, qui se composent des allocations familiales, d'une allocation de logement, d'une allocation de base - prestation d'accueil du jeune enfant et du revenu minimum d'insertion, pour déterminer le montant des ressources du demandeur, il y a lieu uniquement de retenir, pour déterminer ledit niveau de ressources, les résultats du compte de résultat de la micro-entreprise de M. A arrêté pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2008, qui font apparaître, ainsi qu'il a déjà été dit, un revenu mensuel moyen de 910 euros, soit un montant inférieur à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette même période, qui était de 1 025,22 euros ; qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA LOIRE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions des 11 et 27 mai 2009 pour méconnaissance des stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien susvisé ;

Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A, tant devant le Tribunal administratif de Lyon que devant la Cour ;

Considérant, en premier lieu, que les moyens tirés de la violation des articles L. 421-1, L. 421-2, L. 421-3 et L. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des dispositions de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, de la loi du 27 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à la ville, de l'accord franco-algérien, du décret du 27 juin 2008 portant diverses mesures relatives à la maîtrise de l'immigration et à l'intégration et du décret du 8 décembre 2006 relatif au regroupement familial des étrangers, ne sont assortis d'aucune précision ; que la Cour n'est donc pas en mesure d'en apprécier la portée ni le bien fondé ; que, par suite, ces moyens ne peuvent qu'être écartés ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant algérien né en 1962 qui exerce régulièrement le métier de commerçant ambulant sur le territoire français, a épousé en France, le 9 février 2006, une compatriote qui séjourne irrégulièrement sur le territoire français et avec laquelle il a eu trois enfants nés en France respectivement les 27 septembre 2004, 24 septembre 2006 et 31 mars 2008 ; qu'il se prévaut de la stabilité de sa situation personnelle et familiale en France, où il travaille, dispose d'un logement et où ses enfants sont scolarisés, et du caractère indispensable de la présence de son épouse auprès de lui et de leurs jeunes enfants ; que, toutefois, les décisions contestées, alors que les deux époux sont présents sur le territoire français avec leurs enfants, n'ont, par elles-mêmes, ni pour objet, ni pour effet de les séparer ; que ces décisions n'ont, par conséquent, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA LOIRE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions des 11 et 27 mai 2009 ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0904180, du 24 février 2011, du Tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Athmane A, au PREFET DE LA LOIRE et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Fontanelle, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 novembre 2011,

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N° 11LY001120


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY01120
Date de la décision : 24/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : VIALLARD-VALEZY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-11-24;11ly01120 ?
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