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24/11/2011 | FRANCE | N°11LY00767

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 24 novembre 2011, 11LY00767


Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 25 mars 2011 et régularisée le 28 mars 2011, présentée pour M. Mushegh A, domicilié chez Aries 36, route de Bonneville à Annecy (74100) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005415, en date du 24 février 2011, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Haute-Savoie, du 25 octobre 2010, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et d

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Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 25 mars 2011 et régularisée le 28 mars 2011, présentée pour M. Mushegh A, domicilié chez Aries 36, route de Bonneville à Annecy (74100) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005415, en date du 24 février 2011, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Haute-Savoie, du 25 octobre 2010, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour mention vie privée et familiale dans le délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de deux jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1050 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de la Haute-Savoie a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il a fixé le centre de sa vie privée et familiale en France ; que cette décision ainsi que celle lui faisant obligation de quitter le territoire français sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à sa situation familiale et violent les stipulations de l'article 3-1 de la convention sur les droits de l'enfant dès lors que sa présence auprès de l'enfant de son épouse est indispensable ; qu'en fixant l'Arménie comme pays de destination, le préfet de la Haute-Savoie qui a méconnu l'étendue de sa compétence en s'abstenant d'examiner les risques qu'il encourt en cas de retour dans son pays d'origine, a violé les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2011 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que M. A soutient qu'il a fixé le centre de sa vie privée et familiale en France où il réside depuis l'année 2008, qu'il a épousé une ressortissante ukrainienne, titulaire d'une carte de résident de dix ans en sa qualité de réfugiée, et participe à l'éducation du fils de cette dernière, auprès duquel sa présence est indispensable eu égard à son état psychologique résultant de l'assassinat de son père, et que la procédure de regroupement familial l'éloignerait trop longtemps de son épouse ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A, de nationalité arménienne, est entré en France, selon ses dires, le 12 février 2008 ; que sa demande d'asile, alors formulée, a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 31 juillet 2008, et la Cour nationale du droit d'asile, le 25 mai 2009, puis à nouveau par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 16 juillet 2009 et la Cour nationale du droit d'asile, le 7 juin 2010 ; que M. A, entré récemment en France, moins de deux ans avant que ne soit prise la décision attaquée, a vécu en Arménie l'essentiel de son existence, jusqu'à l'âge de 27 ans, où il exerçait une activité professionnelle et a conservé des attaches familiales en la personne de ses parents, son frère et sa soeur ; que si M. A se prévaut de sa relation avec une ressortissante ukrainienne, Mme Kobzeva, qu'il a épousée, le 7 janvier 2010, les pièces produites ne permettent pas d'établir l'antériorité de leur relation et de leur communauté de vie qui, tout au plus, datait de quelques mois seulement à la date de la décision litigieuse ; qu'en produisant une note sociale rédigée postérieurement à la date de cette décision et, par conséquent, sans incidence sur sa légalité, M. A n'établit pas le caractère indispensable de sa présence aux côtés de son épouse et de l'enfant de cette dernière âgé de quatre ans, ni ne justifie participer effectivement à l'éducation et l'entretien de ce dernier ; que quoiqu'il en soit, rien ne fait obstacle à ce que M. A qui n'établit pas être soumis dans son pays d'origine à des menaces telles qu'il ne pourrait mener une vie privée et familiale normale, reconstitue la cellule familiale avec son épouse, si elle le souhaite, présente en France depuis le 8 juillet 2008, dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle ne serait pas admissible en Arménie, ainsi que son enfant ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la courte durée de séjour du requérant en France, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que M. A pouvait utilement invoquer dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que son épouse remplissait la condition posée à l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'agissant de l'ancienneté de son séjour en France sous couvert de titre de séjour d'une durée minimale d'un an, pour solliciter le bénéfice du regroupement familial à son profit ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour n'emporte pas, par elle-même, séparation de M. A de l'enfant mineur de son épouse ; qu'au demeurant, M. A n'établit pas, par des documents probants, qu'il contribuait effectivement à l'entretien et à l'éducation de cet enfant à la date de la décision contestée et, qu'en tout état de cause, rien ne fait obstacle à que la cellule familiale se reconstitue hors de France, et notamment en Arménie ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés concernant la décision de refus de délivrance de titre de séjour, les moyens, soulevés par M. A, tirés de l'erreur manifeste d'appréciation eu égard à sa situation familiale dont serait entachée la décision portant obligation de quitter le territoire français, et de la violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention sur les droits de l'enfant, doivent être écartés ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier, que, pour fixer le pays de renvoi de M. A, le préfet de la Haute-Savoie a procédé à un examen personnel de la situation de ce dernier au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne s'est pas borné à prendre acte des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant la demande d'asile de l'intéressé et de la Cour nationale du droit d'asile confirmant ces rejets ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Savoie a méconnu l'étendue de sa compétence et ainsi commis une erreur de droit ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. et que ce dernier texte énonce que Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que M. A soutient qu'il encourt des risques dans son pays dès lors que, dans le cadre de ses fonctions de responsable de la sécurité des vols à l'aéroport arménien de Svartots, il s'est opposé aux envols d'avion dont la charge n'était pas conforme aux normes de sécurité ; que, toutefois, en se bornant à produire des documents relatifs à la sécurité des avions dont certains sont rédigés en langue anglaise ainsi qu'une convocation du ministère des affaires intérieures de la République d'Arménie dont l'authenticité est douteuse, M. A n'établit pas la réalité et le caractère direct des menaces qu'il encourt dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en violation des stipulations précitées ne peut qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mushegh A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Fontanelle, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 novembre 2011,

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N° 11LY00767


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY00767
Date de la décision : 24/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-11-24;11ly00767 ?
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