Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 21 mars 2011 et régularisée le 22 mars 2011, présentée pour Mlle B... A..., domiciliée ... ;
Mlle A... demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1006240, en date du 28 décembre 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 2 juillet 2010, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention vie privée et familiale dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, avec droit au travail, dans le mois suivant l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1300 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Elle soutient que le préfet du Rhône, qui n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle et familiale a insuffisamment motivé la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour ; que cette décision est entachée d'erreur de droit et dépourvue de base légale dès lors qu'elle n'a formulé aucune demande de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour et qu'elle entre dans le champ des dispositions de l'article 9 de l'accord franco-sénégalais ; que le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à ses conséquences sur sa vie privée et familiale ; qu'il a également méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et les dispositions de l'article L. 112-4 du code de l'action sociale et des familles ; que, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français est illégale ; qu'en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet du Rhône a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et les dispositions de l'article L. 112-4 du code de l'action sociale et des familles ; que la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence ;
Vu le mémoire enregistré le 18 août 2011 présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour n'est ni entachée d'une erreur de droit, ni dépourvue de base légale ; qu'eu égard à la fraude commise par l'intéressée, il n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il a procédé à un examen particulier de la situation personnelle et familiale de Mlle A...et n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation familiale ; qu'enfin, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; que la requérante n'est pas fondée à exciper l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour pour contester obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination ;
Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 4 octobre 2011, présenté pour MlleA..., qui maintient les conclusions de sa requête, par les mêmes moyens ;
Vu la décision du 4 février 2011, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mlle A... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu la convention du 1er août 1995 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2011 :
- le rapport de M. Le Gars, président,
- les observations de Me Zouine, avocat de Mlle A...,
- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée à nouveau à Me Zouine ;
Sur la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle A..., de nationalité sénégalaise, est entrée en France le 17 septembre 2002, sous couvert d'un visa long séjour ; qu'elle a alors été munie d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " qui a été régulièrement renouvelée jusqu'en 2009 ; que ce titre de séjour lui a été délivré, en dernier lieu, par le préfet du Rhône, le 5 novembre 2009, pour la période du 17 septembre 2009 au 16 juin 2010 ; que le 1er mars 2010, l'intéressée a sollicité la prorogation de la validité de ce titre jusqu'au 16 septembre 2010 ; que le préfet du Rhône a pu, à bon droit, regarder la demande de Mlle A... comme une demande de renouvellement de son titre de séjour ;
Considérant, en deuxième lieu, que la décision par laquelle le préfet du Rhône a refusé à Mlle A... le renouvellement de son titre de séjour " étudiant ", qui vise notamment les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la convention du 1er août 1995 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Sénégal relative à la circulation et au séjour des personnes, mentionne que Mlle A... a falsifié le titre de séjour qu'elle détenait, modifiant sa nature et sa durée de validité, avant d'en faire usage auprès d'un employeur, et qui, après avoir analysé la situation de l'intéressée, en déduit qu'elle ne peut pas voir renouveler son titre de séjour, comporte l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des mentions de l'arrêté en cause que le préfet du Rhône a effectivement procédé à un examen préalable particulier de la situation de Mlle A... avant de prendre la décision refusant le renouvellement du titre de séjour ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise susvisée : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation qui ne peut être assuré dans le pays d'origine, sur le territoire de l'autre Etat doivent, pour obtenir le visa de long séjour prévu à l'article 4, présenter une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage. Ils doivent en outre justifier de moyens d'existence suffisants, tels qu'ils figurent en annexe. Les intéressés reçoivent, le cas échéant, un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite des études ou du stage, ainsi que de la possession de moyens d'existence suffisants " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et des propres écritures de Mlle A..., que cette dernière, qui détenait un titre " étudiant " ne l'autorisant à travailler qu'un nombre d'heures limité pour financer ses études, a falsifié ce titre pour lui donner l'apparence d'un titre salarié l'autorisant à travailler sans limite, et a fait usage du titre ainsi falsifié auprès d'un employeur ; que ces agissements lui ont valu un rappel à la loi par un officier de police judiciaire, le 26 novembre 2009, pour avoir fait usage d'un faux document administratif constatant un droit ; qu'en raison de la fraude à laquelle s'est livrée MlleA..., le préfet du Rhône a pu, sans méconnaître les stipulations sus rappelées de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise, refuser de renouveler son titre " étudiant " ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'en se bornant à faire état des circonstances tirées de son état dépressif et de sa grossesse, qui l'auraient conduite à falsifier son titre de séjour, Mlle A... n'établit pas que le préfet du Rhône a, en refusant de renouveler son titre de séjour " étudiant " en raison de son comportement, fait reposer sa décision sur une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
Considérant que Mlle A... fait valoir, au soutien du moyen tiré de la violation par la décision contestée des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'elle réside depuis 2002 en France où elle s'est parfaitement intégrée et vit en couple avec un compatriote avec lequel elle a eu un enfant ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que la requérante est entrée régulièrement sur le territoire français, à l'âge de vingt un ans, le 17 septembre 2002, afin de poursuivre des études supérieures ; qu'elle a obtenu une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", dont le renouvellement lui a été régulièrement accordé jusqu'au 16 juin 2010 ; que cette carte ne lui donnait pas vocation à s'installer de manière durable sur le territoire français ; que, si depuis 2006, Mlle A... vivait maritalement avec un compatriote, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ", avec lequel elle avait eu un enfant né en France le 6 juin 2010, son compagnon, de même nationalité qu'elle, et arrivé en France en 2002, à l'âge de vingt un ans, n'avait pas vocation à rester sur le territoire français à l'issue de ses études ; que, dès lors, rien ne s'opposait à ce que Mlle A... puisse reconstituer la cellule familiale au Sénégal avec son compagnon dont le titre de séjour arrivait à expiration et dont la demande de renouvellement était en cours d'instruction ; que Mlle A... n'établit pas qu'elle était dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle avait passé l'essentiel de son existence ; qu'ainsi, compte tenu des circonstances de l'espèce, en lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, le préfet du Rhône n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, en septième lieu, qu'aux termes de l'article L. 112-4 du code de l'action sociale et des familles : " L'intérêt de l'enfant, la prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes décisions le concernant. " et qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale " ;
Considérant que la décision refusant le renouvellement d'un titre de séjour " étudiant " à Mlle A... n'a pas, par elle-même, pour effet de séparer l'enfant de ses parents ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la violation, par la décision en litige, des dispositions précitées du code de l'action sociale et des familles et des stipulations précitées de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
Considérant, en premier lieu, que, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré, par la voie de l'exception d'illégalité, de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale, en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde, doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus énoncés dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour, la mesure d'éloignement ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, eu égard à la situation personnelle et familiale de Mlle A...;
Considérant, enfin, que Mlle A... fait valoir qu'en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet du Rhône a méconnu l'intérêt supérieur de sa fille, âgée de quelques semaines, qui serait séparée nécessairement de l'un de ses deux parents ; que, toutefois, comme il a été dit, le compagnon de Mlle A..., titulaire d'un titre de séjour mention " étudiant " qui, à la date de la décision litigieuse, arrivait à expiration, n'avait pas vocation à demeurer sur le territoire français, à l'issue de ses études ; que si la requérante se prévaut du sort des enfants sénégalais nés hors mariage, en produisant un extrait d'un rapport du comité des droits de l'enfant des nations unies de 2006 et un article de presse, elle n'établit pas la réalité des risques de discriminations encourus par son enfant ; que, par suite, Mlle A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Rhône a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention sur les droits de l'enfant et les dispositions de l'article L. 112-4 du code de l'action sociale et des familles ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
Considérant, que, compte tenu de ce qui vient d'être dit, Mlle A... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination est illégale en conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de renouvellement d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français qui la fondent ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mlle A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle B... A...et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l'audience du 10 novembre 2011 à laquelle siégeaient :
M. Le Gars, président de la Cour,
M. Fontanelle, président de chambre,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 novembre 2011,
Le président de chambre,
G. Fontanelle Le président de la Cour,
J-M. Le Gars
La greffière,
F. Desmoulières
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 11LY00724