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24/11/2011 | FRANCE | N°10LY00210

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 24 novembre 2011, 10LY00210


Vu la requête, enregistrée le 1er février 2010, présentée pour M. André A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0505109 du 20 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail de la 1ère section de l'Isère du 6 avril 2004 autorisant la société Silicomp Management à procéder à son licenciement pour faute, ainsi que la décision du 6 octobre 2004 par laquelle le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a rejeté so

n recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail ;

2°) d'annu...

Vu la requête, enregistrée le 1er février 2010, présentée pour M. André A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0505109 du 20 novembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail de la 1ère section de l'Isère du 6 avril 2004 autorisant la société Silicomp Management à procéder à son licenciement pour faute, ainsi que la décision du 6 octobre 2004 par laquelle le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a rejeté son recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'inspecteur du travail de l'Isère n'était pas compétent dès lors que l'établissement de Palaiseau disposait d'une autonomie de gestion ;

- une même faute ne peut être sanctionnée deux fois et, sanctionné le 23 décembre 2003 par une mise à pied, il ne pouvait être licencié pour les mêmes faits ;

- les fautes reprochées ne sont pas avérées et ne pouvaient justifier un licenciement ;

- le grief tiré d'un non respect des règles de déplacement avait déjà fait l'objet d'une sanction et il n'est pas établi ;

- le grief tiré d'une violation des bons de délégation a été écarté ;

- le grief tenant au retard et à l'opacité dans l'établissement des feuilles de temps et au refus de justifier de certaines affectations n'est pas caractérisé, compte tenu notamment de son statut de cadre et a déjà été sanctionné ;

- le grief tenant à un travail à domicile n'est pas fondé dès lors notamment que son contrat de travail ne prévoyait pas de lieu de travail particulier et que les locaux de la société ne permettaient pas de préserver la confidentialité des travaux ;

- le grief tiré de la violation d'une directive de la direction manque en fait dès lors qu'il n'avait pas à répondre à des instructions pour des activités n'entrant pas dans ses fonctions et qu'il n'a jamais refusé d'exécuter la moindre directive ;

- le grief tenant au retard fautif dans la remise d'un rapport a été abandonné ;

- la mesure de licenciement est en lien avec son mandat ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 mai 2010, présenté pour la société Silicomp Management dont le siège est 24 rue Emile Baudot à Palaiseau (91120), qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la société qui gère l'établissement de Palaiseau ne dispose d'aucune autonomie de gestion par rapport au groupe auquel elle appartient, dont le siège se trouve à Montbonnot, dans l'Isère, de telle sorte que l'inspecteur du travail de Grenoble était compétent pour se prononcer sur la demande d'autorisation ;

- l'intéressé a abandonné le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision du 6 avril 2004 ;

- il n'a pas respecté les règles relatives aux frais de déplacement, la convention collective Syntec ne prévoyant qu'une faculté et non une obligation pour voyager en 1ère classe ;

- ces faits, qui n'étaient pas couverts par la mise à pied du 23 décembre 2003, se sont reproduits ;

- la procédure des bons de délégation, qui n'avait à s'appliquer qu'aux déplacements à l'extérieur de l'entreprise pour permettre une organisation en conséquence, n'a pas été respectée ;

- il refusait d'appliquer les procédures en place concernant les feuilles de temps ;

- sa présence au bureau faisait défaut alors que notamment les locaux de Palaiseau garantissent la confidentialité ;

- il a persisté dans ce comportement après la mise à pied ;

- il a toujours ignoré les directives de son employeur alors que rien n'y faisait obstacle ;

- ce comportement a caractérisé une insubordination ;

- en rendant avec retard un rapport d'audit, il a causé à son employeur un préjudice d'ordre financier notamment ;

- les institutions du personnel fonctionnent normalement sans que l'employeur en entrave la marche ;

- l'intéressé n'établit pas les faits de harcèlement dont il se prétend victime ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 juin 2010, présenté par le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- le centre de décision est situé à Montbonnot dans l'Isère où s'est notamment réuni le comité d'entreprise et d'où émane également la demande d'autorisation de licenciement ;

- M. A n'a pas respecté les règles concernant les frais de déplacement alors que la convention collective ne comporte aucune obligation de voyage en 1ère classe, que la directive de la direction de voyager en seconde classe date de 2001, est connue et appliquée et que l'intéressé ne justifie pas de la nécessité de s'absenter la veille pour des réunions prévues le lendemain ;

- il n'a fait l'objet d'aucune sanction pour ce grief ;

- il remplit ses feuilles de temps avec retard et sans transparence ;

- il n'est pas présent au bureau lorsqu'il ne se trouve pas en mission chez un client ;

- les arguments avancés par l'intéressé sur la confidentialité de son travail et de sa mission de représentation ne sont pas fondés ;

- il ne respecte pas les consignes de la direction, comportement qui a persisté même après sa mise à pied ;

- la discrimination alléguée n'est pas établie ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 octobre 2010, présenté pour M. A qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que :

- le comité d'établissement, dont la mise en place était prévue, déterminait la compétence de l'inspecteur dont il relevait, alors qu'il était employé à Palaiseau ;

- des représentants du personnel et les délégués syndicaux sont présents à Palaiseau ;

- l'autonomie de gestion de l'établissement est également avérée notamment par les pouvoirs détenus par différents membres de la direction ;

- des usages préexistaient au rachat de la Qualience par le groupe Silicomp ;

- le refus de remboursement d'une note de frais constitue une sanction disciplinaire ;

- la convention collective Syntec s'imposait ;

- la libre circulation des salariés protégés n'est subordonnée à aucune justification ;

- le grief tiré de l'opacité des feuilles de temps n'est pas justifié ;

- les règles d'imputation du temps de travail ne sont pas conformes à la réglementation ;

- son défaut de présence au bureau s'explique notamment par ses activités de représentation dans d'autres établissements que Palaiseau ;

- l'obligation de secret professionnel lui interdisait de divulguer, même à son employeur, les documents émanant de l'AFAQ ;

- faute de temps, il ne pouvait s'acquitter des tâches de téléprospection que la direction lui avait demandé d'accomplir, qui n'entraient d'ailleurs pas dans ses obligations et qui devaient l'empêcher d'utiliser ses heures de délégation ;

- il n'a d'ailleurs jamais refusé ces tâches et a donné la priorité aux clients ;

- la persistance de ce comportement n'est pas établie ;

- il a répondu aux questions de sa hiérarchie ;

- la faible productivité n'est pas invoquée dans la demande d'autorisation de licenciement ;

Vu l'ordonnance en date du 23 décembre 2010 par laquelle le président de la 2ème chambre a, sur le fondement de l'article R.613-1 du code de justice administrative, fixé au 14 janvier 2011 la date de clôture de l'instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 novembre 2011 :

- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;

- les observations de Me Leyraud, avocat de la société Silicomp Management ;

- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée à Me Leyraud ;

Considérant que par une décision du 6 avril 2004, l'inspecteur du travail de la 1ère section de l'Isère a accordé à la société Silicomp Management l'autorisation de procéder au licenciement pour faute de M. A, consultant rattaché à l'établissement de Palaiseau et ayant la qualité de délégué syndical, de membre du comité d'entreprise, de délégué du personnel et de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que par décision du 6 octobre 2004, prise sur recours hiérarchique de l'intéressé, le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale a confirmé cette décision ; que M. A a demandé l'annulation de chacune de ces décisions au Tribunal administratif de Grenoble qui, par un jugement du 20 novembre 2009, a rejeté sa demande ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 436-3 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable: La demande d'autorisation de licenciement est adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement où est employé l'intéressé... ; qu'à la date d'intervention de la décision du 6 avril 2004, l'établissement de Palaiseau de la société Silicomp Management ne disposait d'aucun comité d'entreprise qui lui soit propre, l'accord d'entreprise portant création d'un tel comité ayant été signé le 28 juin 2004 ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'autorisation de licencier M. A pour faute a été demandée le 9 mars 2004 par le président-directeur général du groupe Silicomp auquel appartient la société Silicomp Management, dont le siège est à Montbonnot, dans l'Isère, qualifié d'unité économique et sociale par un jugement du Tribunal d'instance de Grenoble du 5 octobre 2001 ; que la direction du groupe avait auparavant consulté le comité d'entreprise du groupe sur le projet de licenciement de l'intéressé ; que ni la présence de délégués du personnel et d'un comite d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail sur le site de Palaiseau, ni la mise en oeuvre de la procédure de licenciement par les services du personnel de la société Silicomp Management ne permettent de regarder cette société, dont le degré d'autonomie est restreint, comme constituant un établissement au sens de la disposition citée ci-dessus ; que, par suite, l'autorisation de licenciement en date du 6 avril 2004 n'a pas été accordée par une autorité territorialement incompétente ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, qu'en dehors des missions chez des clients, M. A était régulièrement absent de son bureau à Palaiseau et refusait de justifier de son activité, ne remplissant notamment qu'avec retard et sans précision les feuilles de temps mises en place par la société ; que les explications qu'il a fournies à cet égard, tenant en particulier à ce que son contrat de travail n'interdisait pas le travail à domicile, à la prétendue impossibilité d'assurer dans l'établissement la confidentialité de ses activités de consultant ou de représentation, ou encore à l'irrégularité alléguée du système Agresso , destiné à contrôler l'activité des salariés, ne permettent pas de justifier sérieusement de ce comportement ; que le requérant ne saurait davantage tirer argument de sa charge de travail ou de la nature de ses fonctions pour chercher à justifier son refus de répondre aux consignes répétées de la direction de l'entreprise lui demandant de participer au développement commercial de la société ; qu'il ressort des pièces du dossier que, malgré la mise à pied de deux jours prise à son encontre le 23 décembre 2003 pour sanctionner ces faits, M. A a persisté dans ce comportement ; qu'ainsi, entre cette dernière date et sa convocation le 18 février 2007 à l'entretien préalable du 24 février suivant, il n'a pas rempli les feuilles de temps de décembre, n'a accompli aucun effort en faveur du développement commercial de la société et, indépendamment des périodes de congés liées aux fêtes de fin d'année ou à son état de santé et du temps consacré à ses obligations de représentation, a continué à ne pas venir au bureau ou à s'y rendre en retard sans apporter la moindre justification sérieuse à ce comportement ; que compte tenu de la sanction déjà prononcée à son encontre, l'ensemble de ces faits, qui n'ont pas été sans incidence sur le bon fonctionnement de l'entreprise, était suffisamment grave pour justifier le licenciement de M. A, sans qu'il soit nécessaire d'apprécier le bien-fondé des autres griefs formulés par la société Silicomp Management ;

Considérant que le moyen tiré de ce que la mesure en litige présenterait un caractère discriminatoire doit être écarté par les mêmes motifs que ceux retenus par le Tribunal, qu'il y a lieu pour la Cour d'adopter ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que les conclusions qu'il a formulées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Silicomp Management sur ce même fondement ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Silicomp Management au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. André A, au ministre du travail, de l'emploi et de la santé et à la société Silicomp Management.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 novembre 2011.

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N° 10LY00210


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY00210
Date de la décision : 24/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Existence d'une faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : BJA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-11-24;10ly00210 ?
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