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03/11/2011 | FRANCE | N°11LY00419

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 03 novembre 2011, 11LY00419


Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 17 février 2011 et régularisée le 22 février 2011, présentée pour M. et Mme B, domiciliés 2, Grande Rue à La Batie Rolland (26160) ;

M. et Mme B demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004637 - 1004638, en date du 21 janvier 2011, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Drôme, du 10 septembre 2010, portant refus de délivrance de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un

mois et désignation du pays à destination duquel ils seraient reconduits à l'expira...

Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 17 février 2011 et régularisée le 22 février 2011, présentée pour M. et Mme B, domiciliés 2, Grande Rue à La Batie Rolland (26160) ;

M. et Mme B demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004637 - 1004638, en date du 21 janvier 2011, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Drôme, du 10 septembre 2010, portant refus de délivrance de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel ils seraient reconduits à l'expiration de ce délai, à défaut pour eux d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui leur était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de leur délivrer un certificat de résidence, les autorisant à travailler, dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en cas d'annulation pour un motif de fond ou de réexaminer leur situation dans un délai d'un mois, à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans l'attente, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour, en cas d'annulation pour un motif de forme ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros, au profit de leur conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Ils soutiennent que les décisions par lesquelles le préfet de la Drôme leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour méconnaissent les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à leur situation personnelle et familiale ; que le préfet de la Drôme qui n'a pas procédé à un examen particulier de leur situation a entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français sont illégales en raison de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour sur lesquelles elles se fondent ; qu'en édictant à leur encontre une mesure d'éloignement, le préfet de la Drôme a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'en fixant l'Arménie comme pays à destination duquel ils seraient reconduits, à défaut pour eux d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui leur était faite, le préfet de la Drôme a méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que ces décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation, eu égard aux risques qu'ils encourent dans leur pays ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du 1er avril 2011 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. et Mme B ;

Vu le mémoire enregistré à la Cour, par télécopie le 14 avril 2011 et régularisé le 15 avril 2011, présenté par le préfet de la Drôme, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient qu'en refusant la délivrance d'un titre de séjour aux époux B, il n'a méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ; que les décisions faisant obligation aux époux B de quitter le territoire français sont suffisamment motivées ; que les décisions fixant le pays de destination ne méconnaissent pas les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que M. et Mme B n'établissent pas être soumis à des menaces et risques personnels et directs dans leur pays d'origine ;

Vu les pièces complémentaires produites pour les époux B, enregistrées à la Cour le 21 septembre 2011 ;

Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 28 septembre 2011, présenté par le préfet de la Drôme, qui maintient ses conclusions tendant au rejet de la requête, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 octobre 2011 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Sur la légalité des décisions portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que les requérants font valoir qu'ils ont fixé le centre de leurs intérêts privés et familiaux en France où ils sont bien intégrés et ont noué de nombreuses relations sociales ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme et M. B, ressortissants arméniens, sont entrés irrégulièrement en France, respectivement le 21 octobre 2008 et le 7 novembre 2008, selon leurs dires, accompagnés de leur fille aînée ; que leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides, le 29 juin 2009, rejets confirmés par la Cour nationale du droit d'asile, le 2 septembre 2010 ; qu'ainsi, les deux époux, entrés récemment en France, moins de deux ans avant que ne soient prises les décisions attaquées, ont vécu en Arménie l'essentiel de leur existence, respectivement jusqu'à l'âge de 26 et 29 ans, où ils exerçaient une activité professionnelle et où ils ont conservé des attaches familiales ; que la circonstance que leur plus jeune enfant soit né en France en octobre 2008 ne crée aucun droit au séjour pour les époux B qui n'établissent pas l'impossibilité de scolariser leurs deux enfants en Arménie ; qu'au demeurant, les pièces que les époux B produisent, et notamment la convocation par la police arménienne, dont l'authenticité est douteuse et la lettre du frère de Mme B, dépourvue de toute force probante, ne permettent pas d'établir qu'ils seraient soumis, en Arménie, à des menaces qui feraient obstacle à ce qu'ils puissent y mener une vie privée et familiale normale ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la courte durée de leur séjour en France, les décisions de refus de séjour n'ont pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises ; qu'en mentionnant que les requérants n'entraient dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour prévu par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Drôme n'a pas davantage méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ;

Considérant que M. et Mme B, dont les demandes d'asile ont été rejetées par deux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 juin 2009, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 2 septembre 2010, ne font pas état de considérations humanitaires ou ne démontrent pas de motifs exceptionnels qui justifieraient leur admission au séjour en France ; qu'il suit de là qu'ils ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de la Drôme, qui a procédé à un examen particulier de leur situation, a entaché ses décisions de refus de délivrance de titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la légalité des décisions faisant obligation de quitter le territoire français :

Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des refus de titre de séjour à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français ;

Considérant, d'autre part, que, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés concernant les décisions de refus de délivrance de titre de séjour, les moyens, soulevés par M. et Mme B, tirés de la méconnaissance, par les décisions portant obligation de quitter le territoire français, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation eu égard à leur situation familiale, doivent être écartés ;

Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. et que ce dernier texte énonce que Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que M. B soutient, qu'en tant que militant du Mouvement national arménien, parti d'opposition politique en Arménie, il a pris part à différentes manifestations opposées au gouvernement et a fait l'objet de menaces et de persécutions récurrentes ; que, toutefois, en se bornant à produire un document présenté comme une attestation du président du conseil régional du mouvement national arménien en date du 21 février 2011, qui fait état de sa qualité de membre actif de ce mouvement depuis 1997, la copie de sa demande d'adhésion à ce mouvement présentée en 1997, une invitation à son nom à participer à un congrès de ce mouvement en 2008 et un laissez-passer y afférent, un certificat de la commission centrale électorale datant de 2008, le désignant comme personne de confiance d'un candidat aux élections présidentielles de la République d'Arménie, soit cinq copies de pièces dépourvues de garanties d'authenticité, une convocation, non datée, pour interrogatoire par la police arménienne et dont l'authenticité est douteuse, une lettre du frère de Mme B, dépourvue de toute force probante, ainsi que deux certificats médicaux reprenant les déclarations des intéressés, M. et Mme B, dont les demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, n'établissent pas la réalité et le caractère personnel des risques qu'ils soutiennent encourir en Arménie ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par les décisions désignant l'Arménie comme pays de renvoi, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté ; que ces décisions en sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande ; que leurs conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par eux et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Montsec, président assesseur,

Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 novembre 2011,

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N° 11L00419.DOC


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY00419
Date de la décision : 03/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : BRESSY-RÄNSCH DESCHAMPS VILLEMAGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-11-03;11ly00419 ?
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