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03/11/2011 | FRANCE | N°09LY02710

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 03 novembre 2011, 09LY02710


Vu la requête, enregistrée le 27 novembre 2009, présentée pour l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE MONT-BLANC dont le siège social est immeuble Le Rabelais, 21 route de Frangy BP 1012 à Meythet cedex (74966) ;

L'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE MONT-BLANC demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0505798 en date du 18 septembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision en date du 29 septembre 2005 par laquelle l'inspecteur du travail de la Haute-Savoie a autorisé le licenciement de M. Omar A ;

2°) de rejeter la demande prése

ntée par M. A devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

3°) de mettre à ...

Vu la requête, enregistrée le 27 novembre 2009, présentée pour l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE MONT-BLANC dont le siège social est immeuble Le Rabelais, 21 route de Frangy BP 1012 à Meythet cedex (74966) ;

L'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE MONT-BLANC demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0505798 en date du 18 septembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision en date du 29 septembre 2005 par laquelle l'inspecteur du travail de la Haute-Savoie a autorisé le licenciement de M. Omar A ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

3°) de mettre à la charge de M. A la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que le Tribunal a à tort considéré que les faits reprochés à M. A ne revêtaient pas un caractère de gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

- que M. A n'est pas fondé à soutenir que son employeur connaissait ses pratiques avant les constatations opérées en juillet 2005 ;

- que c'est à tort que M. A affirme que son licenciement serait lié à l'exercice du mandat qu'il détenait, alors qu'il n'exerçait aucune activité syndicale au sein de l'entreprise et ne s'est jamais préoccupé de sa désignation au sein du comité d'entreprise ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 mars 2010, présenté pour M. Omar A qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE MONT-BLANC une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que les faits qui ont motivé la demande de licenciement doivent être regardés comme prescrits au regard des dispositions de l'article L. 122-44 du code du travail ;

- que ces mêmes faits constituent une pratique courante qui est encouragée par l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE MONT-BLANC ; que cette pratique consiste à majorer le prix d'actes bien remboursés et à diminuer le prix d'actes moins bien remboursés ;

- que les faits qui ont été révélés par l'enquête pénale postérieure au licenciement doivent être écartés, car ils n'ont pas été soumis à l'appréciation de l'inspecteur du travail ;

- que la demande d'autorisation de licenciement n'était pas dénuée de tout lien avec le mandat qu'il détenait ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 mai 2010, présenté pour l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE MONT-BLANC qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance du 28 septembre 2010 fixant la clôture au 27 octobre 2010 ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 octobre 2010, présenté par le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique qui conclut à l'annulation du jugement attaqué ;

Il soutient :

- que bien que M. A ait affirmé que les pratiques de différenciation tarifaire étaient également effectuées par ses collègues du secteur dentaire, il n'a pas été en mesure de produire de témoignages en ce sens ;

- que les faits qui ont justifié la demande de licenciement n'étaient pas prescrits ;

- que M. A n'est pas fondé à soutenir qu'il existerait un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et le mandat qu'il détenait dès lors, d'une part, qu'il n'avait pas contesté l'avertissement qui lui a été infligé pour des faits de décalage dans la facturation et, d'autre part, qu'il ne saurait soutenir qu'il aurait été victime d'un délit d'entrave depuis sa désignation en tant que délégué syndical car il ne s'est jamais préoccupé de son absence de convocation aux réunions du comité entreprise ;

Vu l'ordonnance du 25 octobre 2010 prononçant la réouverture de l'instruction ;

Vu l'ordonnance du 2 novembre 2010 fixant la clôture de l'instruction au 3 décembre 2010 ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 novembre 2010, présenté pour L'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE MONT-BLANC qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 octobre 2011 :

- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;

- les observations de Me Darves, avocat de l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE MONT-BLANC ;

- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée à Me Darves, avocat de l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE MONT-BLANC ;

Considérant que l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE MONT-BLANC a présenté, le 20 septembre 2005, une demande en vue d'être autorisée à procéder au licenciement de M. A, employé, depuis 1991, en qualité de chirurgien-dentiste au centre dentaire de Meythet et titulaire des mandats de délégué syndical et de représentant syndical au comité entreprise ; que par décision en date du 29 septembre 2005, l'inspecteur du travail de la Haute-Savoie a fait droit à cette demande ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision ;

Considérant qu'en vertu du code du travail, les salariés investis de fonctions représentatives ou de mandats syndicaux bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la responsable de la division dentaire du centre de Meythet a été saisie, le 25 juillet 2005, par un organisme mutualiste d'une demande d'explications concernant une facture établie par M. A le 25 mars 2005 pour un élément de prothèse dentaire facturé au tarif de 222,55 euros alors que le tarif pratiqué par l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE MONT-BLANC était de 122,55 euros ; qu'à la suite de cette réclamation l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE MONT-BLANC a procédé à un contrôle de la facturation réalisée par M. A sur la période du 1er janvier au 8 août 2005 ainsi que pour les années 2004 et 2003 ; que cette enquête a mis en évidence des écarts de facturation entre la tarification de l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE MONT-BLANC et celle pratiquée par M. A, ainsi que des facturations d'actes différents des actes réalisés et posés en bouche ; que ces écarts de facturation ont été constatés sur 54 dossiers au titre de l'année 2005, 96 dossiers pour l'année 2004 et 108 dossiers pour l'année 2003 ; que les écarts de tarification ainsi constatés ne sont pas contestés par M. A ;

Considérant que M. A a soutenu devant le tribunal administratif que la facturation d'actes effectués de manière différenciée, qui lui est reprochée, était pratiquée par plusieurs chirurgiens-dentistes employés par l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE MONT-BLANC et que celle-ci avait ainsi toléré cette pratique, qui lui permettait d'accroître son activité ; que toutefois, ces affirmations ne ressortent pas des pièces du dossier ; qu'au contraire, l'examen des états de facturation des autres chirurgiens-dentistes a mis en évidence que seul M. A a procédé, à de très nombreuses reprises, à des facturations ne correspondant pas aux tarifs qui devaient être pratiqués par l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE MONT-BLANC à l'égard des mutuelles partenaires ; que la circonstance qu'une certaine tolérance a été admise s'agissant de l'application de la tarification effectuée par les opticiens employés par l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE MONT-BLANC ne permettait pas davantage de conclure à une pratique tolérée en ce qui concerne les chirurgiens-dentistes ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler la décision du 29 septembre 2005 autorisant le licenciement de l'intéressé, les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de ce que, en l'absence d'instructions claires concernant la tarification, les faits qui lui sont reprochés n'avaient pas revêtu le caractère d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier une telle mesure ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 122-44 du code du travail dans sa rédaction alors en applicable : Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'engagement de poursuites pénales. (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les faits qui ont justifié la demande de licenciement de M. A n'ont été révélés, comme il a été précédemment rappelé, qu'à l'issue de l'enquête effectuée après le 25 juillet 2005, date à laquelle l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE MONT-BLANC a été saisie d'une demande en vue d'obtenir des explications concernant une facture établie par ce praticien le 25 mars 2005 ; que, dès lors, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que les faits qui sont à l'origine de la demande de licenciement le concernant étaient connus de son employeur plus de deux mois avant la procédure de licenciement qui a été engagée à son encontre par la lettre en date du 7 septembre 2005 le convoquant à un entretien préalable ;

Considérant, en second lieu, que si M. A soutient que la demande d'autorisation de licenciement était liée à l'exercice des mandats qu'il détenait, il ne l'établit pas en se bornant à faire état, d'une part, de l'avertissement qui lui avait été infligé le 7 avril 2005, motivé par des faits de décalage de facturation, qu'il n'a pas contestés et, d'autre part, de faits d'entrave qu'aurait commis son employeur, qui ne l'aurait pas convié aux réunions du comité d'entreprise, alors qu'il n'a lui-même jamais élevé de réclamation sur ce point ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 29 septembre 2005 autorisant son licenciement ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstance de l'espèce, de faire droit aux conclusions de l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE MONT-BLANC tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que M. A, qui est dans la présente instance la partie perdante, bénéficie de quelque somme que ce soit au titre des frais qu'il a exposés à l'occasion du litige ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 18 septembre 2009 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. A sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE MONT-BLANC tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à l'UNION DES MUTUELLES DE FRANCE MONT-BLANC, au ministre du travail, de l'emploi et de la santé et à M. Omar A.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 novembre 2011.

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N° 09LY02710


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02710
Date de la décision : 03/11/2011
Type d'affaire : Administrative

Analyses

66-07-01-04-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Existence d'une faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Gérard POITREAU
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-11-03;09ly02710 ?
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