La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/10/2011 | FRANCE | N°11LY00762

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 19 octobre 2011, 11LY00762


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 24 mars 2011, présentée pour Mme Nina , épouse , domiciliée à l'ANEF, 156, rue de la Cartoucherie à Clermont-Ferrand (63000) ;

Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000987, du 15 mars 2011, par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de refus que le préfet du Puy-de-Dôme a opposé à sa demande de délivrance de titre de séjour du 30 octobre 2009, complétée le 8 décembre 2009 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir

, la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer un ...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 24 mars 2011, présentée pour Mme Nina , épouse , domiciliée à l'ANEF, 156, rue de la Cartoucherie à Clermont-Ferrand (63000) ;

Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000987, du 15 mars 2011, par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de refus que le préfet du Puy-de-Dôme a opposé à sa demande de délivrance de titre de séjour du 30 octobre 2009, complétée le 8 décembre 2009 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer un titre de séjour vie privée familiale dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient qu'elle prend en charge sa fille française et participait déjà à son entretien quand l'enfant vivait encore en Côte d'Ivoire ; que le refus de titre de séjour qui lui a été opposé méconnaît donc les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en outre, il viole les stipulations du 1° de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant en ne laissant pas la possibilité à son enfant de jouir des droits attachés à son statut de citoyen de l'Union Européenne et en le contraignant à quitter le territoire français pour l'accompagner ; qu'il méconnaît également l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tel qu'interprété par la décision de la Cour de justice de l'Union européenne du 8 mars 2011, M. Gérardo Ruiz Zambrano c/ Office national de l'emploi belge ; qu'enfin, le préfet du Puy-de-Dôme a commis une erreur manifeste d'appréciation en opérant une différence de traitement entre sa situation et celle, identique, d'une ressortissante comorienne ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 29 avril 2011, présenté par le préfet du Puy-de-Dôme, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que la fille française de Mme a vécu en Côte d'Ivoire, auprès de son père, jusqu'au 16 octobre 2009 et que la requérante, qui est sans ressources, n'établit pas contribuer à l'éducation et à l'entretien de sa fille depuis la naissance de cette dernière ou depuis au moins deux ans ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à se prévaloir de la violation, par le refus de séjour qui lui a été opposé, des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ayant quitté la Côte d'Ivoire en y laissant sa fille, alors âgée de quatre ans et n'ayant pas fait état de cette enfant lors de sa demande d'asile, alors que le père de l'enfant vit en Côte d'Ivoire, Mme n'est pas fondée à invoquer une violation des stipulations du 1° de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ; qu'enfin, Mme ne peut pas utilement se prévaloir de la décision de délivrance d'un titre de séjour à un autre étranger dont la situation diffère de la sienne ;

Vu le mémoire enregistré à la Cour le 26 mai 2011, présenté pour Mme qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire enregistré à la Cour le 14 juin 2011, présenté par le préfet du Puy-de-Dôme, qui maintient ses conclusions tendant au rejet de la requête, par les mêmes moyens ;

Il soutient, en outre, que la fille française de Mme doit être regardée comme résidant habituellement en Côte d'Ivoire à la date de la demande de titre de séjour ;

Vu le mémoire enregistré à la Cour le 13 juillet 2011, présenté pour Mme qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu la décision de la Cour de justice de l'Union européenne du 8 mars 2011, grande chambre, affaire C-34/09, Zambrano c/ ONEM ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2011 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, ressortissante ivoirienne, est entrée régulièrement en France le 10 août 2008, accompagnée de son fils ivoirien né le 19 juillet 2006 ; qu'elle a déposé une demande d'asile à laquelle elle a ensuite expressément renoncé, par courrier du 28 avril 2009 ; qu'elle a alors présenté une demande de délivrance de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français qui a été rejetée, le 11 mai 2009, en raison du défaut de séjour en France de sa fille française née le 17 décembre 2004 et de l'absence de démonstration, par Mme , de sa participation à l'entretien et à l'éducation de l'enfant depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans ; que, suite à l'arrivée en France de l'enfant, le 16 octobre 2009, Mme a formulé, par courrier du 26 octobre 2009 reçu par les services préfectoraux du Puy-de-Dôme le 30 du même mois, une nouvelle demande de délivrance de carte de séjour temporaire sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, le 24 novembre 2009, le préfet du Puy-de-Dôme a demandé à Mme de compléter son dossier, irrecevable en l'état, dans le délai de quinze jours, par la communication du certificat de nationalité française de sa fille, le certificat de scolarité de cette dernière pour l'année 2009/2010, la copie complète de son passeport et les justificatifs de sa participation à l'entretien et à l'éducation de cette enfant depuis sa naissance ; qu'en réponse, le 8 décembre 2009, Mme a fourni un certain nombre de documents ; que le préfet du Puy-de-Dôme ne soutient pas que la demande était toujours irrecevable, après réception de ces nouvelles pièces ; qu'ainsi, le silence conservé pendant plus de quatre mois par le préfet du Puy-de-Dôme sur cette demande doit être regardé comme ayant fait naître une décision implicite de refus, objet du présent litige ; que Mme , qui a vécu éloignée de sa fille française du 10 août 2008 au 16 octobre 2009, de sa propre initiative, n'établit pas, par les pièces qu'elle produit, qu'à la date de la décision implicite de refus, elle contribuait effectivement, depuis la naissance de l'enfant ou depuis au moins deux ans, à l'entretien et à l'éducation de sa fille française née le 17 décembre 2004 en Côte d'Ivoire et qui a vécu dans ce pays, où résidaient notamment son père et sa grand-mère maternelle, jusqu'au 16 octobre 2009 ; que, par suite, Mme n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Puy-de-Dôme a méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement ;

Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que Mme a quitté la Côte d'Ivoire pour la France, le 10 août 2008, accompagnée de l'un de ses deux enfants ; que, lors de sa demande d'asile, elle n'a pas fait état de l'existence de sa fille française née le 17 décembre 2004, non présente sur le territoire français et dont la grand-mère maternelle et le père vivaient toujours en Côte d'Ivoire à la date de la décision contestée ; qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier d'un courrier du 30 avril 2009, qu'après avoir appris qu'elle était susceptible de bénéficier d'un droit au séjour en France en qualité de mère d'un enfant français, Mme a engagé des démarches en ce sens et entamé des formalités pour faire venir sa fille française en France ; qu'à la date de la décision contestée, le père de l'enfant vivait en Côte d'Ivoire, de même que sa grand-mère maternelle, qui, selon la requérante, avait assuré l'entretien et l'éducation de l'enfant au départ de sa mère, et ce, jusqu'à sa venue en France, au mois d'octobre 2009 ; qu'enfin, et en tout état de cause, la décision de refus de délivrance de titre de séjour en litige n'emporte pas, par elle-même, séparation de la requérante de sa fille française ; que, par suite, le moyen tiré de la violation, par cette décision, du 1° de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : 1. Il est institué une citoyenneté de l'Union. Est citoyen de l'Union toute personne ayant la nationalité d'un État membre. La citoyenneté de l'Union s'ajoute à la citoyenneté nationale et ne la remplace pas. / 2. Les citoyens de l'Union jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités. Ils ont, entre autres : / a) le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres ; / (...) Ces droits s'exercent dans les conditions et limites définies par les traités et par les mesures adoptées en application de ceux-ci. ; qu'il résulte de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 8 mars 2011, grande chambre, affaire C-34/09, Zambrano c/ ONEM que l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'un État membre, d'une part, refuse à un ressortissant d'un État tiers, qui assume la charge de ses enfants en bas âge, citoyens de l'Union, le séjour dans l'État membre de résidence de ces derniers et dont ils ont la nationalité et, d'autre part, refuse audit ressortissant d'un État tiers un permis de travail, dans la mesure où de telles décisions priveraient lesdits enfants de la jouissance effective de l'essentiel des droits attachés au statut de citoyen de l'Union ; que, toutefois, ainsi qu'il a déjà été dit, la fille française de Mme est née en Côte d'Ivoire le 17 décembre 2004 et a vécu dans ce pays jusqu'au 16 octobre 2009, date à laquelle elle a rejoint sa mère, arrivée en France plus d'un an auparavant et qui, informée de la possibilité qu'elle avait d'obtenir un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français, avait engagé des démarches en ce sens et décidé de faire venir sa fille en France à cet effet ; qu'il résulte de ce qui précède que la France ne peut pas être regardée comme l'Etat de résidence de la fille française de Mme , dont la grand-mère maternelle avait pris soin après le départ de sa mère pour la France et le père résidait toujours en Côte d'Ivoire à la date de la décision en litige ; que, par suite, à la date de la décision contestée, Mme ne remplissait pas les conditions lui permettant de bénéficier de l'application des stipulations de l'article 20 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qu'elle invoque ;

Considérant, en quatrième et dernier lieu, que Mme ne peut pas utilement se prévaloir de l'application qui a été faite du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à un autre étranger dont elle allègue qu'il se serait trouvé dans une situation similaire à la sienne ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Nina et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Clot, président de chambre,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 octobre 2011,

''

''

''

''

1

5

N° 11LY00762


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY00762
Date de la décision : 19/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : SCP BORIE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-10-19;11ly00762 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award