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19/10/2011 | FRANCE | N°11LY00588

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 19 octobre 2011, 11LY00588


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 4 mars 2011, présentée par le PREFET DE LA SAVOIE ;

Le PREFET DE LA SAVOIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004982, du 28 janvier 2011, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 10 septembre 2010 refusant à M. A la délivrance d'un certificat de résidence algérien, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l

'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) de rejeter...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 4 mars 2011, présentée par le PREFET DE LA SAVOIE ;

Le PREFET DE LA SAVOIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004982, du 28 janvier 2011, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 10 septembre 2010 refusant à M. A la délivrance d'un certificat de résidence algérien, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

Il soutient que l'épouse du requérant, qui possédait la double nationalité française et algérienne, ne pouvait être regardée que comme une ressortissante française par les autorités de ce pays et que le requérant ne peut donc pas se prévaloir de la qualité d'ayant-droit d'une ressortissante algérienne pour prétendre au bénéfice des stipulations du c) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 15 juillet 2011, présenté pour M. A, qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que la décision lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence algérien méconnaît les stipulations du c) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles et constitue une inégalité de traitement en matière de sécurité sociale ; que la décision de refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien et l'obligation de quitter le territoire français sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation et ont méconnu tant l'autorité de la chose jugée dont sont revêtus la décision du Conseil d'Etat du 27 janvier 2010 et le jugement du 10 décembre 2009 du Tribunal administratif de Grenoble que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu, enregistré le 9 septembre 2011, le mémoire présenté par M. A ;

Vu la décision du 21 juillet 2011, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2011 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien susvisé : (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : / (...) c) Au ressortissant algérien titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 p. 100 ainsi qu'aux ayants droit d'un ressortissant algérien, bénéficiaire d'une rente de décès pour accident de travail ou maladie professionnelle versée par un organisme français (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant algérien né le 29 mars 1963, a sollicité, par courrier du 16 mars 2010, la délivrance d'un certificat de résidence algérien sur le fondement des stipulations précitées du c) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien, en se prévalant de sa qualité de bénéficiaire d'une rente versée par un organisme français de sécurité sociale au titre du décès de son épouse survenu le 6 juillet 2001 à la suite d'un accident du travail ; que, par arrêté du 10 septembre 2010 contesté, le préfet de la Savoie lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour, motif pris de la nationalité française de son épouse décédée ; que, pour annuler cette décision, les juges de première instance se sont fondés sur la circonstance que l'épouse de l'intéressé possédait la double nationalité française et algérienne et qu'aucune disposition législative ou réglementaire, aucune stipulation de l'accord franco-algérien, ni aucun principe de droit, ne permet de faire prévaloir la nationalité française d'une personne ayant la double nationalité franco-algérienne et de faire abstraction de sa nationalité algérienne, pour statuer sur une demande de certificat de résidence présentée en qualité d'ayant-droit de cette personne ; que, toutefois, il est constant qu'au regard de la législation française, l'épouse de l'intéressé avait la nationalité française ; que, dès lors, l'autorité administrative française compétente ne pouvait que la tenir pour Française ; qu'il suit de là que M. A n'est pas fondé à se prévaloir du fait que son épouse était concurremment algérienne au regard de la loi algérienne pour soutenir qu'il pouvait bénéficier, en France, de sa qualité d'ayant-droit d'une ressortissante algérienne au sens des stipulations du c) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien ; que, dès lors, le PREFET DE LA SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé sa décision de refus de délivrance de titre de séjour pour violation des stipulations du c) de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien susvisé ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A, tant devant le Tribunal administratif de Grenoble que devant la Cour ;

Sur la légalité des décisions de refus de délivrance de certificat de résidence algérien et d'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces produites devant le Tribunal administratif de Grenoble par le PREFET DE LA SAVOIE que, par arrêté du 28 juin 2010, publié le 29 juin suivant au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Savoie, le PREFET DE LA SAVOIE a donné délégation de signature à M. Jean-Marc Picand, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents, à l'exception de certaines catégories de décisions parmi lesquelles ne figurent pas les décisions de refus de titre de séjour et obligations de quitter le territoire français ; que, par suite, M. Jean-Marc Picand, signataire des décisions de refus de délivrance de certificat de résidence algérien et d'obligation de quitter le territoire français contestées, avait bien compétence pour prendre ces décisions ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. A ne peut pas utilement invoquer, pour contester les décisions de refus de délivrance de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français en litige, une violation par ces dernières de l'autorité de la chose jugée, d'une part, par une décision du 27 janvier 2010 du Conseil d'Etat qui a prononcé un non-lieu à statuer sur la demande présentée par M. A aux fins d'annulation d'une décision de refus de délivrance de visa, et, d'autre part, par un jugement du 10 décembre 2009 du Tribunal administratif de Grenoble qui a annulé, pour défaut de motivation, une décision du 29 avril 2008 par laquelle le préfet de la Savoie lui avait refusé la délivrance d'un titre de séjour et a fait injonction au préfet, non pas de délivrer un titre de séjour, mais seulement de statuer à nouveau sur sa situation administrative ;

Considérant, en troisième lieu, qu'en se bornant à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un certificat de résidence algérien, le PREFET DE LA SAVOIE a entaché sa décision d'une inégalité de traitement en matière de sécurité sociale, M. A n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes pour permettre à la Cour d'en apprécier le bien fondé ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A est entré en France pour la première fois le 5 novembre 2000, muni d'un passeport revêtu d'un visa court séjour ; que, le 25 novembre de la même année, il s'est marié avec une ressortissante française et a sollicité des autorités françaises la délivrance d'un certificat de résidence algérien en qualité de conjoint de français ; que, compte tenu du décès de son épouse survenu le 6 juillet 2001, M. A a fait l'objet d'un refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien en date du 21 décembre 2001, puis d'un arrêté de reconduite à la frontière du 5 avril 2002, auquel il a déféré le 2 mai 2002 ; que, M. A est de nouveau entré sur le territoire français le 27 mars 2003, sous couvert d'un visa portant la mention famille de français , frauduleusement obtenu auprès des autorités consulaires françaises en Algérie par dissimulation du décès de son épouse ; que, le 26 juin 2003, l'intéressé a fait l'objet d'un second refus de certificat de résidence algérien assorti d'une invitation à quitter le territoire français qu'il a exécutée le 9 juillet suivant ; que M. A est entré pour la dernière fois en France le 23 décembre 2009, muni d'un visa long séjour portant la mention visiteur ; que s'il se prévaut de l'hébergement dont il bénéficie en France au domicile de son cousin, de la rente qu'il perçoit, qu'il évalue à 803 euros mensuels et qui lui permet de subvenir à ses besoins, de ses capacités d'insertion dans la société française ainsi que des liens entretenus avec les enfants de sa défunte épouse, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé, célibataire, présent en France depuis seulement huit mois à la date des décisions attaquées et qui n'avait effectué auparavant que de courts séjours sur le territoire français, où il n'établit pas avoir conservé des contacts avec les enfants de feue son épouse avec laquelle son union n'a duré que quelques mois, alors qu'il n'allègue pas être dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine, où il a nécessairement conservé de solides liens dès lors qu'il y a vécu la majeure partie de sa vie ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France, les décisions contestées n'ont pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis ; qu'elles n'ont, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, enfin, qu'il résulte de ce qui précède qu'en ne procédant pas à la régularisation de sa situation administrative à titre exceptionnel et en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le PREFET DE LA SAVOIE n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle de M. A ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 10 septembre 2010 en litige, lui a enjoint de délivrer à M. A un certificat de résidence algérien valable 10 ans et a mis à sa charge la somme de mille euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Sur les conclusions présentées par M. A devant la Cour, tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire, quelque somme que ce soit au profit du conseil de M. A, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1004982, du 28 janvier 2011, du Tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DE LA SAVOIE, à M. Mabrouk A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Clot, président de chambre,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 octobre 2011,

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N° 11LY00588


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY00588
Date de la décision : 19/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : AHDJILA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-10-19;11ly00588 ?
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