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19/10/2011 | FRANCE | N°11LY00373

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 19 octobre 2011, 11LY00373


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 14 février 2011, présentée pour Mme N'na Oumou A, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003623, du 9 novembre 2010, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère, du 8 juillet 2010, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à

défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 14 février 2011, présentée pour Mme N'na Oumou A, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003623, du 9 novembre 2010, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère, du 8 juillet 2010, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler, dans le délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient que le préfet de l'Isère, qui s'est estimé lié par le rejet de sa demande d'asile, a méconnu la plénitude de ses compétences et n'a pas procédé à un examen attentif et particulier de sa situation avant de refuser de lui délivrer un titre de séjour ; que cette décision est entachée d'une erreur de fait au regard de ses liens personnels et familiaux en France ; qu'elle pouvait bénéficier d'une régularisation à titre exceptionnel sur le fondement des énonciations contenues dans la circulaire ministérielle du 5 août 1987 ; qu'eu égard à sa situation personnelle et familiale, la décision de refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation, est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour qui la fonde, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'enfin, la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français, méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du 14 décembre 2010 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme A ;

Vu le mémoire enregistré à la Cour le 23 septembre 2011, présenté par le préfet de l'Isère qui conclut au rejet de la requête en se référant à ses observations de première instance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2011 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce qu'allègue Mme A, il ressort des mentions de la décision du 8 juillet 2010 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, que le préfet de l'Isère ne s'est pas estimé lié par le refus opposé à sa demande d'asile pour prendre cette décision et a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

Considérant, en deuxième lieu, que, par décision du 8 juillet 2010, le préfet de l'Isère a refusé le séjour sur le territoire français à Mme A, consécutivement au rejet, par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, par décision du 28 janvier 2009, confirmée le 21 décembre 2009 par la Cour nationale du droit d'asile, de la demande d'asile déposée par l'intéressée et à l'abandon, par cette dernière, de sa demande de réexamen d'admission au statut de réfugié, qui avait donné lieu à un refus d'admission provisoire au séjour, par décision du 25 mars 2010 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A ait porté à la connaissance du préfet de l'Isère, antérieurement au 8 juillet 2010, l'existence de son compagnon, avec lequel elle affirme vivre depuis le mois de mars 2010, et de son fils, né en France le 18 novembre 2008 ; qu'ainsi, la circonstance que le préfet de l'Isère a mentionné dans son arrêté du 8 juillet 2010, dans le cadre de l'examen de la situation de Mme A au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'elle ne justifie pas avoir établi des liens personnels ou familiaux intenses, stables et anciens sur le territoire français , à supposer même cette mention erronée, ne constitue pas une erreur de fait susceptible d'entacher d'illégalité la décision de refus de séjour contestée ;

Considérant, en troisième lieu, que Mme A ne peut pas utilement se prévaloir des énonciations contenues dans la circulaire ministérielle du 5 août 1987, qui n'ont pas de valeur réglementaire ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que Mme A, ressortissante guinéenne née le 27 décembre 1988, fait valoir qu'elle est orpheline, mère d'un enfant né en France, qu'elle vit en concubinage avec un compatriote en situation régulière dont l'état de santé est défaillant et qu'elle est enceinte ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme A, entrée irrégulièrement en France, au mois de mars 2008 selon ses déclarations, a passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine, où elle n'établit pas être dépourvue d'attaches ; que si elle se prévaut de sa relation avec un ressortissant guinéen arrivé en France en 2004 et titulaire d'une carte de séjour temporaire valable du 14 juin 2010 au 5 mai 2011, avec qui elle affirme vivre en concubinage depuis le mois de mars 2010, elle n'établit pas, par les pièces contradictoires qu'elle produit, une ancienneté de communauté de vie avec son compagnon de plus de deux mois à la date de la décision contestée et il ne ressort pas du seul certificat médical non circonstancié établi le 21 septembre 2010, soit postérieurement à la décision en litige, qui est produit au dossier, que l'état de santé de son concubin eût exigé sa présence à ses côtés, ni même qu'il demeurât en France pour se faire soigner ; qu'elle n'allègue pas que le père de son enfant né en France le 18 novembre 2008, également de nationalité guinéenne, et dont elle affirme au demeurant qu'il l'a abandonnée durant sa grossesse, serait en situation régulière sur le territoire français ; qu'enfin, si Mme A était enceinte à la date de l'arrêté litigieux, cette nouvelle grossesse, qui avait débuté à la fin du mois de juin 2010, n'était pas avancée ; qu'ainsi, il résulte de ce qui précède que rien ne faisait obstacle à ce que Mme A, qui n'avait acquis aucun droit au séjour du fait de la naissance en France de son premier enfant et qui ne justifiait d'aucune insertion sociale ou professionnelle particulière, puisse reconstituer sa cellule familiale en Guinée avec son enfant et son compagnon, si ce dernier le souhaitait ; que, par suite, et dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment de la durée et des conditions de séjour en France de Mme A, l'arrêté litigieux n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant enfin, que, pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : (...) L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. (...) ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire français qui a été faite à Mme A est inopérant ;

Considérant, en deuxième lieu, que, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré, par voie d'exception, de ce que l'obligation de quitter le territoire français contestée est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour sur laquelle elle se fonde, doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour, les moyens tirés de la méconnaissance, par l'obligation de quitter le territoire français, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation dont cette décision serait entachée, ne peuvent qu'être écartés ;

Considérant, enfin, qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ;

Considérant que Mme A fait valoir que l'exécution de la décision litigieuse entraînera la séparation de son enfant à naître de son père et qu'il est de l'intérêt supérieur de son premier enfant de résider en France, seul pays qu'il connaît et où il a ses repères ; que, toutefois, d'une part, Mme A ne peut pas utilement se prévaloir de l'intérêt supérieur d'un enfant qui n'était pas encore né à la date de la décision contestée et, d'autre part, la seule circonstance que son premier enfant, âgé de 20 mois à la date de la décision litigieuse, soit né en France et ne connaisse pas son pays d'origine est, par elle-même, insuffisante pour établir que le préfet de l'Isère a méconnu son intérêt supérieur en faisant obligation à Mme A de quitter le territoire français ; que, par suite, cette mesure d'éloignement n'a pas méconnu les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention sur les droits de l'enfant ;

Sur la décision désignant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, que compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré, par voie d'exception, de ce que la décision désignant le pays de destination est illégale en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français qui la fonde, n'est pas fondé ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que Mme A soutient qu'elle encourt des risques dans son pays d'origine, où elle est recherchée ; que, toutefois, Mme A n'établit pas, par les copies de pièces présentées comme un mandat d'arrêt du 8 juin 2008, ainsi qu'un avis de recherche du 14 novembre 2008 qui auraient été pris à son encontre par les autorités de son pays mais dont les mentions sont contradictoires avec le récit, par Mme A, des évènements qu'elle affirme avoir vécus dans son pays, et qui ne présentent aucune garantie d'authenticité, la réalité et le caractère actuel des risques personnels et directs qu'elle encourrait en cas de retour en Guinée ; que, par suite, en désignant ce pays comme destination de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de Mme A, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, enfin, que, pour les mêmes motifs, la décision désignant le pays de destination n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme N'na Oumou A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Clot, président de chambre,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 octobre 2011,

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N° 11LY00373


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY00373
Date de la décision : 19/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : MARCEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-10-19;11ly00373 ?
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