Vu la requête, enregistrée le 29 décembre 2010, présentée pour la COMMUNE DE VILLARD-SUR-DORON (Savoie) ;
La COMMUNE DE VILLARD-SUR-DORON demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0904688 du 29 octobre 2010 par lequel, sur la demande de M. et Mme A, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 11 août 2009 par lequel son maire a décidé de préempter le bien cadastré 0A n° 2189 et 2193 appartenant à Mme B épouse C ;
2°) de rejeter la demande de M. et Mme A devant le Tribunal ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- les époux A, qui n'avaient aucun droit de préférence sur les parcelles et n'ont pas exercé ce droit en conformité avec les stipulations du pacte de préférence alors qu'il n'est pas établi que Mmes C et D ont pu exercer leur droit de préférence, ne justifient d'aucun intérêt à agir ;
- le Tribunal n'a pas répondu à ces deux derniers moyens ;
- les intéressés, qui n'ont pas la qualité d'acquéreurs évincés, sont dépourvus d'intérêt à agir ;
- les parcelles sont situées dans une zone d'aménagement concerté, ayant vocation à servir à l'aménagement du centre de la station Bisanne 1500 ;
- elle justifie, à la date de la décision en litige, d'un projet réel d'aménagement, précis et certain dès lors qu'elle a engagé des études pour la restructuration de la station ;
- la motivation générale mentionnée dans l'acte créant la zone était suffisante ;
- le maire bénéficiait d'une délégation régulière pour prendre la décision en litige ;
- il n'est pas justifié que l'avis du service des domaines était nécessaire et, en toute hypothèse, il a donné son avis ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 20 mai 2011, présenté pour M. et Mme A, demeurant ..., Belgique, qui concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à sa charge de la COMMUNE DE VILLARD-SUR-DORON au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- la requête est irrecevable, faute de comporter une critique du jugement ;
- ils avaient intérêt à agir dès lors qu'ils avaient la qualité d'ayants droit ou ayants cause en vertu du pacte de préférence ;
- le droit de préemption ne saurait primer sur un pacte de préférence ;
- le maire ne bénéficiait d'aucune délégation du conseil municipal à l'effet de prendre une mesure de préemption ;
- la décision est insuffisamment motivée ;
- le fait que la parcelle en litige appartient à une ZAC ne permet pas de regarder l'exigence de motivation comme satisfaite ;
- l'absence de consultation du service des domaines entache la mesure d'irrégularité ;
Vu l'ordonnance en date du 18 mai 2011 fixant au 3 juin 2011 la date de clôture de l'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 septembre 2011 :
- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
Considérant que par un arrêté du 11 août 2009, le maire de Villard-sur-Doron a exercé le droit de préemption de la commune sur deux parcelles cadastrées A 2189 et 2193 que leur propriétaire, Mme E, envisageait de céder à M. F et Mme G selon un compromis de vente du 9 avril 2009 ; que M. et Mme A, qui avaient manifesté le 15 mai 2009 leur intention d'acquérir ce bien sur le fondement d'un pacte de préférence du 5 novembre 1998, ont contesté cet arrêté devant le Tribunal administratif de Grenoble ; que, par un jugement du 29 octobre 2010 le Tribunal a annulé cet arrêté en retenant qu'il était insuffisamment motivé ;
Sur la fin de non recevoir opposée par la COMMUNE DE VILLARD-SUR-DORON à la demande de M. A devant le tribunal administratif :
Considérant que le compromis de vente conclu le 9 avril 2009 comportait la condition suspensive que M. A renonce au droit de préférence que lui conférait un pacte préférence signé le 5 novembre 1998 ; que le 15 mai 2009, soit dans le délai d'un mois qui lui était imparti, M. A a déclaré exercer ce droit ; que si la commune fait valoir que le droit de préférence invoqué par M. A n'a pas été valablement stipulé en faveur de celui-ci et, subsidiairement, qu'il ne l'a pas régulièrement exercé, elle n'établit pas que l'intéressé ne pouvait pas se prévaloir d'un tel droit le 9 octobre 2009, date à laquelle il a saisi le tribunal administratif ; qu'à cette date, M. A justifiait, en tant qu'acquéreur évincé, d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre la décision du maire d'exercer le droit de préemption de la commune, cette décision l'ayant empêché de se porter acquéreur du terrain ; que, dès lors, c'est à bon droit que le tribunal administratif a écarté la fin de non recevoir opposée par la COMMUNE DE VILLARD-SUR-DORON à la demande présentée par M. et Mme A ;
Sur la légalité de la décision de préemption :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) /Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. Toutefois, lorsque le droit de préemption est exercé à des fins de réserves foncières dans la cadre d'une zone d'aménagement différé, la décision peut se référer aux motivations générales mentionnées dans l'acte créant la zone. / Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat ou, en l'absence de programme local de l'habitat, lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme de construction de logements locatifs sociaux, la décision de préemption peut, sauf lorsqu'il s'agit d'un bien mentionné à l'article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine. ; qu'aux termes de l'article L. 300-1 du même code : Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ;
Considérant que si les parcelles dont s'agit se trouvent dans le périmètre de la zone d'aménagement concerté de Bisanne 1500, l'arrêté en litige ne vise pas la délibération du 10 novembre 1988 portant création de cette zone ; que cet arrêté a été pris en vue de la restructuration de la station Bisanne 1500 en permettant la réalisation d'équipements nécessaires au développement de l'activité touristique et de loisirs ; qu'il se réfère à deux délibérations du conseil municipal du 29 septembre 2006 et du 28 mai 2009, se bornant, l'une à approuver la vente de parcelles par dation en vue de la rétrocession à la commune d'une superficie de 280 mètres carrés de locaux commerciaux ou à vocation d'espace public et l'autre à indiquer qu'un projet d'aménagement en concertation avec la mission d'un urbaniste sera mené dans la station Bisanne 1500 ; qu'il vise également un permis de construire et une déclaration de chantier du 8 juin 2009 pour la réalisation du projet ayant fait l'objet de la délibération du 29 septembre 2006, indiquant qu'il est situé en face des parcelles préemptées ; que par ces seules mentions, l'arrêté contesté ne fait pas apparaître la nature du projet pour lequel le droit de préemption a été exercé ; qu'ainsi cet arrêté ne répond pas aux exigences qu'imposent des dispositions précitées du code de l'urbanisme ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir qu'elle oppose à la requête, la COMMUNE DE VILLARD-SUR-DORON n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui répond à l'ensemble des moyens invoqués, le Tribunal a annulé l'arrêté du 11 août 2009 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les conclusions présentées, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par la COMMUNE DE VILLARD-SUR-DORON, qui est la partie perdante dans la présente instance, ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ladite commune le paiement à M. et Mme A d'une somme de 1 500 euros au titre de ces mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE VILLARD-SUR-DORON est rejetée.
Article 2 : La COMMUNE DE VILLARD-SUR-DORON versera à M. et Mme A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE VILLARD-SUR-DORON et à M. et Mme A.
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2011 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
Mme Steck-Andrez, président-assesseur,
M. Picard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 octobre 2011.
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N° 10LY02930