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04/10/2011 | FRANCE | N°11LY00475

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 04 octobre 2011, 11LY00475


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 25 février 2011, présentée pour M. Qazim A, domicilié au lieudit Résidence Saint-Léger, Route des Geilles, à Oyonnax (01100) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004041 du Tribunal administratif de Lyon du 30 septembre 2010 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Ain du 3 juin 2010 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel il

serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'o...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 25 février 2011, présentée pour M. Qazim A, domicilié au lieudit Résidence Saint-Léger, Route des Geilles, à Oyonnax (01100) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004041 du Tribunal administratif de Lyon du 30 septembre 2010 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Ain du 3 juin 2010 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation administrative dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la décision du 3 juin 2010 lui refusant l'admission au séjour a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que les décisions du 3 juin 2010 en litige ont méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ; que le préfet de l'Ain n'a pas procédé à un examen attentif de sa situation au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales avant de désigner le Kosovo comme pays de destination ; que la décision désignant le pays de destination a méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au préfet de l'Ain qui n'a pas produit d'observations ;

Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 5 août 2011, présenté pour M. A, qui maintient les conclusions de sa requête, par les mêmes moyens ;

Il soutient, en outre, que la décision du 29 juin 2010 par laquelle le préfet de l'Ain lui a refusé l'admission exceptionnelle au séjour en France est insuffisamment motivée et entachée d'une erreur de droit, en l'absence d'examen des considérations humanitaires ou motifs exceptionnels qui auraient justifié que lui soit délivrée une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale ;

Vu la décision du 7 janvier 2011, par laquelle M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 septembre 2011 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les observations de Me Vibourel, avocat de M. A,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée à nouveau à Me Vibourel ;

Considérant que M. A, de nationalité kosovare, est entré irrégulièrement en France le 24 septembre 2007, selon ses déclarations, accompagné de son épouse et de leurs trois enfants ; qu'entre le 22 septembre 2008 et le 26 avril 2010, M. A a obtenu du préfet de l'Ain la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, puis de récépissés de demande de carte de séjour et, enfin, d'une carte de séjour temporaire portant la mention visiteur , en vue d'accompagner son conjoint malade ; que, le 20 mars 2010, M. A a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en qualité de conjoint d'étranger malade, ce qui lui a été refusé par décision du préfet de l'Ain du 3 juin 2010 ; que l'administration saisie a, par ailleurs, estimé que le demandeur n'entrait dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a assorti la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a désigné le pays de destination ; que M. A fait appel du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 30 septembre 2010 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Ain du 3 juin 2010 ;

Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :

Considérant que M. AA a présenté des conclusions dirigées uniquement contre les décisions du préfet de l'Ain du 3 juin 2010 ; que les moyens tirés d'une insuffisance de motivation et d'une erreur de droit qui entacheraient une décision prise par le préfet de l'Ain le 29 juin 2010 ne peuvent pas être utilement invoqués à l'appui de ces conclusions ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ;

Considérant qu'à la date du 3 juin 2010, M. A n'avait pas encore adressé au préfet de l'Ain de promesse d'embauche pour exercer une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement, et ne justifiait ni de considérations humanitaires ni de motifs exceptionnels, au sens de l'article L. 313-14, propres à ouvrir droit à la délivrance d'un titre de séjour sur son fondement ; que le préfet de l'Ain n'a donc ni méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne le faisant pas bénéficier de ces dispositions ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que M. A, né le 23 avril 1967, soutient qu'il a été contraint de fuir son pays à la suite de menaces et de persécutions dont il a fait personnellement l'objet et qu'il est entré en France, le 24 septembre 2007, accompagné de son épouse et leurs trois enfants, afin de demander l'asile, qu'ils ne peuvent pas poursuivre leur vie privée et familiale dans leur pays d'origine en raison des traumatismes qu'ils y ont subis, que ses enfants suivent avec assiduité et sérieux les cours de français langue étrangère et que son épouse doit recevoir des soins en France ; que, toutefois, M. A est entré récemment en France, sa demande d'admission au bénéfice de l'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 26 décembre 2007, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 4 juin 2008, et son épouse est également en situation irrégulière ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée n'a pas porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A ;

Sur la légalité de la décision faisant obligation de quitter le territoire français :

Considérant que, pour les motifs énoncés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour, la décision faisant obligation à M. A de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

Considérant qu'il ressort des termes de l'arrêté critiqué, des écritures en défense de l'administration et des autres pièces du dossier, que, pour désigner le pays de renvoi de M. A, le préfet de l'Ain a procédé à un examen personnel de la situation de ce dernier au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la mention dans l'arrêté en litige que la décision ne contrevient pas aux stipulations de l'article 3 , que l'examen de l'ensemble des éléments constitutifs de la demande d'asile de M. Qazin A, au regard du pouvoir du préfet, n'est pas de nature à remettre en cause, à ce jour, les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile , et qu' aucun élément dans l'examen de la situation personnelle de M. Qazim A n'est de nature à remettre en cause le principe de cet éloignement , révèle de la part du préfet l'exercice de sa compétence sur ce point ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que le préfet n'a pas procédé à un examen attentif de sa situation au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales avant de désigner le Kosovo comme pays de destination ;

Considérant que, pour les motifs énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, la décision en litige n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. et que ce dernier texte énonce que Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que M. A soutient qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine en raison des persécutions dont il a fait l'objet avant son arrivée sur le territoire français lorsqu'il était chauffeur de taxi ; qu'il fait valoir également que son père a été agressé, le 3 janvier 2008, par des hommes qui étaient à sa recherche ; que, toutefois, ni les certificats médicaux produits, qui se bornent à constater que M. A présente des cicatrices physiques et ressent un malaise général avec émotion mais n'ont pas de valeur probante quant à l'origine des constatations qu'ils énoncent dès lors qu'ils se bornent à reproduire les déclarations de l'intéressé indiquant qu'il a été victime de brutalités dans son pays d'origine, ni les traductions, d'une part, d'une déclaration faite le 3 janvier 2008 à des services de police du Kosovo et relatant l'agression dont aurait été victime le père du requérant le jour même, d'autre part, d'un certificat médical faisant état des blessures de ce dernier à la suite de cette agression, qui sont dénuées de force probante, ne sont de nature à établir la réalité des risques auxquels M. A serait personnellement exposé en cas de retour au Kosovo ; qu'ainsi et alors, au demeurant, que les autorités compétentes ont rejeté sa demande d'asile, M. A n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté fixant le Kosovo comme pays de destination a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Qazim A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

Mme Verley-Cheynel, président assesseur,

M. Arbaretaz, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 octobre 2011,

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N° 11LY00475


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY00475
Date de la décision : 04/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : VIBOUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-10-04;11ly00475 ?
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