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04/10/2011 | FRANCE | N°11LY00175

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 04 octobre 2011, 11LY00175


Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 24 janvier 2011 et régularisée le 31 janvier 2011, présentée pour M. Habib A, domicilié chez CIPP, Maison des Associations, 6, rue Berthe de Boissieux à Grenoble (38000) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004192, du 16 décembre 2010, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère, du 7 septembre 2010, portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois e

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Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 24 janvier 2011 et régularisée le 31 janvier 2011, présentée pour M. Habib A, domicilié chez CIPP, Maison des Associations, 6, rue Berthe de Boissieux à Grenoble (38000) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004192, du 16 décembre 2010, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère, du 7 septembre 2010, portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros, à son profit, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la décision portant refus d'admission au séjour, qui ne mentionne pas lequel des cas envisagés à l'article L. 741-4 elle retient comme fondement, est insuffisamment motivée au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'en se fondant sur la seule circonstance qu'il n'avait pas sollicité la reconnaissance de la qualité de réfugié dès son entrée sur le territoire français pour lui refuser l'admission provisoire au séjour sur le fondement de l'article L. 741-4 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Isère a entaché sa décision d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour qui la fonde ; qu'il a formé un recours devant la Cour nationale du droit d'asile qui n'a pas encore rendu sa décision et qu'il encourt des risques en cas de retour en Algérie ; qu'ainsi, cette mesure d'éloignement est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'enfin, la décision désignant le pays de renvoi est insuffisamment motivée et entachée d'erreur de droit eu égard aux risques qu'il encourrait en cas de retour en Algérie ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations ;

Vu le mémoire enregistré le 21 février 2011 à la Cour, présenté pour M. Habib A, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Il soutient, en outre, que le Tribunal administratif a inexactement interprété la portée de la décision contestée et que le jugement attaqué doit, dès lors, être annulé pour irrégularité ; qu'en assortissant son refus d'autorisation provisoire de séjour d'une obligation de quitter le territoire français, le préfet de l'Isère a méconnu le champ d'application du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 avril 2011, présenté pour M. Habib A, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Il soutient, en outre, que les dispositions des articles L. 741-1 et L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont pour effet de le priver d'un recours effectif et sont, dès lors, contraires à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; qu'il convient, pour la Cour, de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Conseil Constitutionnel qui a été saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité sur ce point ;

Vu l'ordonnance, en date du 15 avril 2011, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Lyon a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité à la Constitution des articles L. 741-1 et L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le courrier du 15 juin 2011, par lequel le président de la Cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office la méconnaissance du champ d'application de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par la décision de refus de titre de séjour contestée du 7 septembre 2010 ;

Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 11 juillet 2011, présenté pour M. A, qui informe la Cour que, par décision du 29 juin 2011, la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 septembre 2011 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Considérant que M. A demande à la Cour de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Conseil Constitutionnel devant se prononcer sur la question prioritaire de constitutionnalité dont il a été saisi, relative à l'éventuelle méconnaissance, par les dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du droit à un recours effectif garanti par l'article 16 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; que, toutefois, par décisions n° 2003-485 DC du 4 décembre 2003 et n° 2011-120 QPC du 8 avril 2011, le Conseil Constitutionnel a déclaré l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile conforme à la Constitution ; qu'il n'y a donc pas lieu, pour la Cour, de surseoir à statuer ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ni sur les moyens de la requête et alors que la reconnaissance de la qualité de réfugié à M. A ne rend pas sans objet sa requête tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère, du 7 septembre 2010, portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays de destination, en l'absence de décision du préfet de l'Isère, portée à la connaissance de la Cour, autorisant M. A à séjourner sur le territoire français consécutivement à cette reconnaissance du statut de réfugié ;

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Tout étranger présent sur le territoire français qui, n'étant pas déjà admis à séjourner en France sous couvert d'un des titres de séjour prévus par le présent code ou les conventions internationales, demande à séjourner en France au titre de l'asile forme cette demande dans les conditions fixées au présent chapitre. ; qu'aux termes de l'article L. 741-4 du même code : Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes. Constitue également un recours abusif aux procédures d'asile la demande d'asile présentée dans une collectivité d'outre-mer s'il apparaît qu'une même demande est en cours d'instruction dans un autre Etat membre de l'Union européenne. (...) et qu'aux termes de l'article L. 742-6 dudit code : L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. / En cas de reconnaissance de la qualité de réfugié ou d'octroi de la protection subsidiaire, l'autorité administrative abroge l'arrêté de reconduite à la frontière qui a, le cas échéant, été pris. Il délivre sans délai au réfugié la carte de résident prévue au 8° de l'article L. 314-11 et au bénéficiaire de la protection subsidiaire la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 313-13. ;

Considérant que, par l'arrêté du 7 septembre 2010 contesté, le préfet de l'Isère a expressément refusé l'admission au séjour de M. A sur le fondement de l'article L. 741-1 et du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que, le 25 mars 2010, M. A, ressortissant algérien, a sollicité son admission provisoire au séjour en qualité de demandeur d'asile, qui lui a été refusée sur le fondement du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par décision du préfet de l'Isère du 8 avril 2010 ; que, le 31 mai 2010, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui avait été saisi selon la procédure prioritaire, s'est prononcé défavorablement sur la demande d'asile présentée par M. A, lequel a formé un recours devant la Cour nationale du droit d'asile, le 2 juillet 2010 ; qu'en application de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce recours ne présentait pas de caractère suspensif et M. A ne bénéficiait du droit de se maintenir en France que jusqu'à la notification de la décision de refus de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'il ressort des écritures du préfet de l'Isère lui-même, que ce dernier, qui était implicitement mais nécessairement saisi, par M. A, d'une demande de titre de séjour en qualité de réfugié ou de bénéficiaire de la protection subsidiaire, dont la délivrance est de plein droit lorsque la demande d'asile a été accueillie favorablement, a entendu, par la décision contestée du 7 septembre 2010, non pas opposer un nouveau refus d'admission provisoire au séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, décision qui était déjà intervenue pour la même procédure d'asile, le 8 avril 2010, mais refuser le titre de séjour accordé au bénéficiaire du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire ; qu'en fondant sa décision de refus de titre de séjour, non pas sur les dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou celles de l'article L. 313-13 du même code, mais sur celles de l'article L. 741-1 et du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Isère a toutefois méconnu le champ d'application de ces deux dernières dispositions législatives ; qu'il y a lieu de relever d'office cette méconnaissance du champ d'application de la loi et d'annuler la décision de refus de titre de séjour du 7 septembre 2010 ; que les décisions du même jour par lesquelles le préfet de l'Isère a fait obligation à M. A de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a désigné le pays à destination duquel il serait éloigné s'il n'obtempérait pas à l'obligation qui lui était ainsi faite doivent être annulées par voie de conséquence ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, eu égard au motif sur lequel il se fonde, n'implique pas la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, appelée à se prononcer sur le recours formé contre la décision du 31 mai 2010 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par M. A, dès lors que ce dernier s'est vu refuser l'admission provisoire au séjour pour cette procédure d'asile, par une décision du 8 avril 2010, qui n'est pas l'objet du présent litige ; que les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. A doivent donc être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. A la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1004192, du 16 décembre 2010, du Tribunal administratif de Grenoble, ensemble, les décisions du 7 septembre 2010, par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé la délivrance d'un titre de séjour à M. A, a fait obligation à ce dernier de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a désigné le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite, sont annulés.

Article 2 : l'Etat (préfet de l'Isère) versera à M. A la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Habib A, au préfet de l'Isère et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

Mme Verley-Cheynel, président assesseur,

M. Arbaretaz, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 octobre 2011,

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N° 11LY00175


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY00175
Date de la décision : 04/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : ALDEGUER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-10-04;11ly00175 ?
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