La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/09/2011 | FRANCE | N°10LY01817

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 22 septembre 2011, 10LY01817


Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2010, présentée pour M. Gérard A domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0603238, en date du 9 juillet 2010, en tant que le Tribunal administratif de Grenoble a limité à un montant de 2 000 euros la somme que le centre hospitalier universitaire de Grenoble a été condamné à lui verser, et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Grenoble à lui verser une somme totale de 309 000 euros ;

3°) de mettre à la c

harge du centre hospitalier universitaire de Grenoble une somme de 5 000 euros au titre des ...

Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2010, présentée pour M. Gérard A domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0603238, en date du 9 juillet 2010, en tant que le Tribunal administratif de Grenoble a limité à un montant de 2 000 euros la somme que le centre hospitalier universitaire de Grenoble a été condamné à lui verser, et a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Grenoble à lui verser une somme totale de 309 000 euros ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Grenoble une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le Tribunal a retenu à bon droit des retards de diagnostic fautifs, mais n'a pas pris en compte l'ensemble des préjudices causés par ces retards ;

- le CHU de Grenoble a en outre commis un retard fautif en ne l'opérant initialement que le 22 juillet 1998 ;

- le Tribunal a retenu à juste titre l'existence d'une infection nosocomiale au niveau de son fémur, mais n'a pas procédé à une appréciation suffisante du préjudice en résultant ;

- c'est à tort que le Tribunal n'a pas admis qu'il avait subi une infection nosocomiale au niveau de son tibia ;

- il a subi des préjudices personnels et professionnels importants du fait des douleurs supportées et de l'allongement de la période de soins ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 février 2011, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Grenoble qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- le requérant ne peut prétendre être à nouveau indemnisé pour des préjudices déjà indemnisés par le responsable de l'accident de la circulation ;

- le Tribunal n'a pas fait une appréciation insuffisante du préjudice résultant des souffrances que le requérant a endurées ;

- il n'a pas commis de retard fautif dans la prise en charge initiale du requérant ;

- le Tribunal a suffisamment apprécié les préjudices résultant de l'infection nosocomiale qui s'est développée au niveau du fémur ;

- l'infection qui s'est développée au niveau du tibia ne présente pas de caractère nosocomial de nature à engager sa responsabilité ; subsidiairement, l'ensemble des préjudices afférents a déjà été indemnisé par le juge judiciaire ;

- l'ensemble des préjudices a été suffisamment apprécié et indemnisé, la perte de chance de devenir rugbyman professionnel étant, pour sa part, trop hypothétique pour pouvoir être retenue ;

Vu les pièces dont il résulte que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère, qui n'a pas produit d'observations, a été régulièrement mise en cause ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code civil ;

Vu le code de la sécurité sociale, et notamment son article L. 376-1 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er septembre 2011 :

- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;

- les observations de Me Laroche, avocat de M. Gérard A ;

- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;

Considérant que, le 19 juillet 1998, M. A, qui circulait à moto, a été victime d'un accident de la circulation qui lui a occasionné des traumatismes sérieux et a été admis en urgence au centre hospitalier universitaire (CHU) de Grenoble ; qu'il a recherché devant le juge judiciaire la responsabilité de l'automobiliste qui l'a renversé et de l'assureur de celui-ci et, parallèlement, devant le Tribunal administratif de Grenoble, la responsabilité du CHU de Grenoble, en raison de séquelles qu'il impute aux soins qui lui ont été prodigués ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a limité à un montant de 2 000 euros la somme qu'il a condamné le CHU de Grenoble à verser à M. A ;

Considérant que, comme l'a relevé à bon droit le Tribunal, la seule circonstance que M. LOUELIS a obtenu du juge judiciaire l'indemnisation partielle, par le conducteur responsable et son assureur, des préjudices liés à l'accident de la circulation susmentionné, ne fait pas obstacle à de qu'il demande l'indemnisation, devant le juge administratif, des préjudices qu'il estime résulter des conditions de son hospitalisation ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise ordonnée par les premiers juges, que l'accident de la circulation dont M. A a été victime lui a en particulier occasionné un traumatisme crânien, un traumatisme cervical léger, une fracture du fémur gauche, une fracture ouverte déplacée du tibia et du péroné gauches, enfin une contusion du genou avec entorse du ligament latéral interne gauche ; qu'il est demeuré au service d'orthopédie du CHU de Grenoble jusqu'au 10 août 1998, date à laquelle il a été admis dans un centre de rééducation ;

Sur la prise en charge initiale de M. A au CHU de Grenoble :

Considérant, en premier lieu, que si le CHU de Grenoble n'a pas diagnostiqué immédiatement quelques lésions secondaires, ayant touché l'odontoïde, la pointe extra-articulaire de la rotule et le ligament croisé postérieur, l'expert souligne que ces omissions ont été en réalité sans conséquences, l'intervention chirurgicale nécessaire ayant pu être réalisée postérieurement sans aucune incidence fonctionnelle ; que le Tribunal n'a pas fait une insuffisante appréciation du préjudice personnel en résultant en allouant à M. A une somme de 2 000 euros ;

Considérant, en second lieu, que l'expert relève que M. A, admis en urgence le 19 juillet 1998 comme il a été dit, n'a été opéré que le 22 juillet 1998 ; qu'il estime que ce retard de soins peut être à l'origine de l'infection dont M. A a été victime au niveau de son fémur gauche et dont le caractère nosocomial est constant ; qu'il ne constate en revanche aucune séquelle fonctionnelle qui résulterait de ce retard ; qu'aucune séquelle ne peut davantage être rattachée à l'infection nosocomiale elle-même ; que cette infection s'est développée alors que M. A suivait une rééducation, et a conduit à une hospitalisation du 16 janvier au 1er février 1999, pour une intervention le 20 janvier et une antibiothérapie, avant que M. LOUELIS ne reprenne sa rééducation ; qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice personnel ayant résulté de cette infection nosocomiale et des soins complémentaires qu'elle a appelés, en allouant à M. A une somme de 3 000 euros ;

Sur l'infection ultérieure :

Considérant que, si M. A a été par ailleurs victime d'une infection au niveau de son tibia gauche, celle-ci n'a été constatée qu'en décembre 1999, plusieurs mois après sa sortie du CHU de Grenoble, alors qu'il avait entretemps fait l'objet de plusieurs interventions dans un cadre libéral ; que le germe identifié est en outre différent de celui à l'origine de l'infection nosocomiale susmentionnée au fémur gauche ; qu'ainsi, comme l'a retenu à juste titre le Tribunal, cette infection ne peut être rattachée aux conditions de son hospitalisation au CHU de Grenoble ;

Sur les préjudices personnels et professionnels :

Considérant que si M. A soutient que l'ensemble de ses préjudices personnels et professionnels n'ont pas été intégralement indemnisés devant le juge judiciaire, l'expert souligne que les séquelles dont l'intéressé demeure atteint et la durée des soins nécessaires sont, pour l'essentiel, imputables à la gravité de l'accident de la circulation dont il a été victime, ainsi qu'à certains incidents liés à sa prise en charge médicale postérieurement à sa sortie du CHU de Grenoble, notamment la migration d'un clou tibial mis en place dans le cadre d'une prise en charge dans une clinique privée ; qu'en revanche, ni les retards susmentionnés, ni l'infection nosocomiale survenue au niveau du fémur gauche n'ont influé de façon significative sur les séquelles dont M. A est atteint ; que celui-ci n'est, dès lors, pas fondé à rechercher la responsabilité du CHU de Grenoble à ce titre ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est uniquement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble n'a pas porté la somme que le CHU de Grenoble a été condamné à lui verser à un montant total de 5 000 euros ;

Sur les dépens :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de maintenir les frais d'expertise à la charge du CHU de Grenoble ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Grenoble une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A à l'occasion du litige et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que le centre hospitalier universitaire de Grenoble a été condamné à verser à M. A est portée au montant total de 5 000 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 9 juillet 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Grenoble versera à M. A la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Gérard A, au centre hospitalier universitaire de Grenoble et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 septembre 2011.

''

''

''

''

1

4

N° 10LY01817


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier - Existence d'une faute - Retards.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Caractère direct du préjudice - Existence.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Gérard POITREAU
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : SCP BRUMM ET ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 22/09/2011
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 10LY01817
Numéro NOR : CETATEXT000024585106 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-09-22;10ly01817 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award