Vu la requête, enregistrée le 16 juillet 2010, présentée pour le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU 62 RUE SAINT-LAURENT, à Grenoble ;
Le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU 62 RUE SAINT-LAURENT demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 0600347 du 4 juin 2010 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a limité à la somme de 101 571,99 euros l'indemnité allouée en réparation de son préjudice ;
2°) de condamner ACTIS à lui verser une somme complémentaire de 44 455,21 euros ;
3°) de mettre à la charge d'ACTIS une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que la prescription n'a pas été régulièrement opposée par la présidente d'ACTIS ; que la prescription n'a pu courir avant le dépôt du rapport d'expertise en novembre 2006 ; que la réalisation d'un drain était impossible ; qu'aucune faute ne lui est imputable ; que l'ensemble des sommes engagées correspond aux dépenses effectuées pour remédier au dommage ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 7 janvier 2011, présenté pour l'établissement public Acteur de l'immobilier social (ACTIS) et le société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL), tendant au rejet de la requête, à l'annulation du jugement, à la condamnation du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES à rembourser à ACTIS et à la SMACL les sommes de, respectivement, 28 412,48 euros et 140 461,49 euros et à la mise à la charge du syndicat requérant d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que la présidente d'ACTIS avait qualité pour opposer la prescription ; que le fait générateur de l'effondrement résulte des travaux de 1960 (mise en place des remblais), de 1978 (surélévation de la terrasse), et de la carence de la copropriété qui n'a pas réalisé le drain imposé par l'arrêté préfectoral de 1985 ; qu'il n'est pas à l'origine du remblai ; que l'altération des schistes est en relation avec l'inexécution des travaux préconisés en 1986 ; que la copropriété n'a pas réalisé le drain préconisé par l'arrêté du 7 juin 1986 ; que le mur était en ruine ;
Vu les lettres du 12 mai 2011 informant les parties, en application de l'article R. 611-7, de que la formation de jugement était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions incidentes d'ACTIS et de la SMACL, qui soulèvent un litige distinct de l'appel principal ;
Vu le mémoire, enregistré le 26 mai 2011, présenté pour le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU 62 RUE SAINT-LAURENT, tendant aux mêmes fins que la requête, selon les mêmes moyens en les précisant sur certains points ; il demande aussi à la Cour de déclarer irrecevables les conclusions de l'appel incident formé par ACTIS et la SMACL ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er septembre 2011 :
- le rapport de Mme Steck-Andrez, président-assesseur ;
- les observations de Me Harel, avocat du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU 62 RUE SAINT LAURENT ;
- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;
Considérant que le 14 décembre 2002, le mur nord à l'arrière de l'immeuble situé au 62, rue Saint Laurent à Grenoble s'est effondré à hauteur du premier étage ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble, en se fondant sur un rapport d'expertise, a estimé que l'établissement public ACTIS, qui avait construit en 1978 à l'arrière de cet immeuble un bâtiment à usage de foyer de personnes âgées, dont la terrasse recouvre le remblai comblant l'espace situé entre un contrefort rocheux et le mur de l'immeuble, était intégralement responsable de ce dommage, occasionné par l'existence de l'ouvrage public ; que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble fait appel du jugement en tant qu'il limite l'indemnisation du préjudice subi à la somme de 101 571,99 euros ; que l'établissement public ACTIS demande l'annulation du jugement et, par la voie de l'appel incident, ACTIS et son assureur, la SMACL, demandent la condamnation du syndicat des copropriétaires à leur rembourser les sommes de, respectivement, 28 412,48 euros et 140 461,49 euros versées, dans le cadre des travaux de confortement des parties communes de l'immeuble ;
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968 susvisée : La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ; qu'il résulte de ces dispositions que la connaissance par la victime de l'existence d'un dommage ne suffit pas à faire courir le délai de prescription ; que le point de départ de cette dernière est la date à laquelle la victime est en mesure de connaître l'origine du dommage ou du moins de disposer d'indications suffisantes selon lesquelles ce dommage pourrait être imputable au fait de l'administration ; qu'en l'espèce, la prescription quadriennale n'a pu courir à l'égard du syndicat des copropriétaires requérant, dont le dommage était susceptible d'être imputable à plusieurs causes possibles, qu'à compter du début de l'exercice qui suit celui au cours duquel l'origine du dommage a été révélée à la victime de manière suffisamment nette, soit à compter du dépôt du rapport d'expertise en novembre 2006, lequel a identifié les origines de l'effondrement du mur survenu le 14 décembre 2002 ; que, dans ces conditions, alors même que les faits générateurs de la créance du syndicat des copropriétaires dateraient des travaux de mise en place du remblai, en 1960, de la surélévation, en 1978, de la terrasse couvrant le remblai lors de la construction du foyer de personnes âgées, et de l'arrêté d'insalubrité du préfet de l'Isère du 7 janvier 1985, l'exception de prescription quadriennale doit être écartée ;
En ce qui concerne le principe de la responsabilité :
Considérant que, même sans faute de sa part, le maître de l'ouvrage est intégralement responsable des dommages causés aux tiers par les ouvrages publics dont il a la garde, en raison tant de leur existence que de leur entretien ou de leur fonctionnement ; qu'il n'en va différemment que si ces dommages sont, au moins partiellement, imputables à une faute de la victime ou à un cas de force majeure ; que si les dommages sont également imputables, pour partie, au fait d'un tiers, cette circonstance n'est pas de nature à atténuer la responsabilité encourue par le maître de l'ouvrage public, qui peut seulement, s'il s'y croit fondé, exercer devant les juridictions compétentes tels recours que de droit contre le tiers responsable du fait qu'il invoque ;
Considérant que, pour s'exonérer de sa responsabilité, l'établissement public ACTIS ne peut utilement faire valoir qu'il ne serait pas à l'origine du remblai ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'effondrement du mur est dû aux effets conjugués de la charge du remblai mis en place en 1960 et qui supporte la terrasse du bâtiment appartenant à ACTIS, ainsi que de l'action des eaux d'infiltration en provenance de cette terrasse ; que selon l'expert, l'essentiel des arrivées d'eaux provient de la partie supérieure du terrain, au droit de la terrasse, ce qui exclut que la dégradation des schistes de la paroi rocheuse sous l'effet de l'eau d'origine phréatique, soit directement à l'origine de l'effondrement ; que, dans ces conditions, il n'est pas établi que l'état de vétusté du mur constatée par l'expert ne serait pas imputable à l'action des eaux en provenance de la terrasse ; que par application des principes rappelés ci-dessus qui régissent la responsabilité sans faute du maître de l'ouvrage public vis-à-vis des tiers, dans de telles circonstances, l'établissement public doit être regardé comme intégralement responsable du dommage subi par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 62, rue Saint Laurent, sous la seule réserve, éventuellement, d'une faute de la victime ou d'un cas de force majeure ;
Considérant que si ACTIS soutient que la copropriété n'a pas réalisé le drain préconisé par l'arrêté d'insalubrité du 7 janvier 1985, il résulte de l'instruction que la réalisation d'un tel drain à la base du mur était impossible compte tenu de la hauteur des remblais ; qu'aucune faute ne peut donc être retenue à la charge du syndicat ; qu'il s'ensuit que doit être mise à la charge de l'établissement public ACTIS la réparation de la totalité du dommage subi par le syndicat des copropriétaires requérant ;
En ce qui concerne le préjudice :
Considérant que les travaux de mise en sécurité de l'immeuble, préfinancés par la copropriété, ainsi que les frais divers et honoraires du syndic en lien avec le dommage, dont il était justifié à la date du rapport d'expertise, s'élèvent à la somme de 101 571,99 euros que le Tribunal a allouée au syndicat des copropriétaires de l'immeuble du 62 rue Saint Laurent, majorée des intérêts à compter du 25 janvier 2006, ceux-ci étant capitalisés à compter du 25 janvier 2007 et à chaque échéance annuelle ;
Considérant que, devant la Cour, le syndicat requérant justifie avoir supporté des frais supplémentaires liés à la remise en état de l'immeuble pour un montant de 42 539,42 euros ; qu'il y a lieu de lui attribuer cette somme et de réformer dans cette mesure le jugement attaqué ;
Sur l'appel incident :
Considérant que l'appel incident de l'établissement public ACTIS et de la SMACL, tendant à la condamnation du syndicat des copropriétaires à leur rembourser les sommes de, respectivement, 28 412,48 euros et 140 461,49 euros versées dans le cadre des travaux de confortement des parties communes de l'immeuble soulève un litige distinct de l'appel principal dirigé contre ACTIS ; qu'il n'est, par suite, pas recevable ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU 62 RUE SAINT-LAURENT, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'établissement public ACTIS et la SMACL demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'établissement public ACTIS une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU 62 RUE SAINT-LAURENT et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : L'établissement public ACTIS est condamné à payer au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU 62 RUE SAINT-LAURENT une somme complémentaire de 42 539,42 euros.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 4 juin 2010 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les conclusions de l'appel incident de l'établissement public ACTIS et de la SMACL sont rejetées.
Article 4 : L'établissement public ACTIS versera au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU 62 RUE SAINT-LAURENT la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DU 62 RUE SAINT-LAURENT, à l'établissement public ACTIS et à la SMACL.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2011 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
Mme Steck-Andrez, président-assesseur,
M. Poitreau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 septembre 2011.
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N° 10LY01683