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12/07/2011 | FRANCE | N°11LY00169

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 3ème chambre, 12 juillet 2011, 11LY00169


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 21 janvier 2011, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1007612 du 24 décembre 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 22 décembre 2010 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Jeanne A, ainsi que ses décisions distinctes du même jour fixant le pays de destination de cette mesure de police et ordonnant le placement en rétention administrati

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 21 janvier 2011, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1007612 du 24 décembre 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 22 décembre 2010 ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Jeanne A, ainsi que ses décisions distinctes du même jour fixant le pays de destination de cette mesure de police et ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressée, et lui a enjoint de délivrer à Mlle Jeanne A une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours suivant la notification dudit jugement et de réexaminer sa situation au regard de son droit au séjour en France, dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement ;

2°) de rejeter la demande de Mlle Jeanne A tendant à l'annulation des décisions susmentionnées ;

Il soutient que Mlle Jeanne A entrait dans le champ d'application des dispositions du 4° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le premier juge a donc commis une erreur de droit ; que, contrairement à ce qu'a retenu le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon, les décisions susmentionnées n'ont pas porté au droit de Mlle Jeanne A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 avril 2011 à la Cour, présenté pour Mlle Jeanne A, domiciliée ... (69005) ;

Mlle Jeanne A demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête du PREFET DU RHONE ;

2°) d'enjoindre au PREFET DU RHONE de lui délivrer une carte de séjour portant la mention vie privée et familiale ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation, dans le délai de deux jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient que le premier juge, qui a estimé que la mesure d'éloignement avait une base légale mais n'était pas fondée, n'a pas commis d'erreur de droit ; que l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 18 mars 2011 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mlle Jeanne A ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juillet 2011 :

- le rapport de M. Fontanelle, président ;

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) / 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois suivant l'expiration de ce titre ; (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle Jeanne A, de nationalité sénégalaise, entrée en France le 18 septembre 2004 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa portant la mention étudiant , a obtenu un titre de séjour, en qualité d'étudiante, valable du 18 septembre 2004 au 17 septembre 2005, qui a été renouvelé jusqu'au 17 septembre 2007 ; que l'intéressée n'a pas sollicité le renouvellement de son dernier titre de séjour ; qu'ainsi, à la date de la mesure d'éloignement contestée, le 22 décembre 2010, elle était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 4° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement :

Considérant que, pour annuler la décision du 22 décembre 2010 par laquelle le PREFET DU RHONE a ordonné la reconduite à la frontière de Mlle Jeanne A et les décisions subséquentes, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a retenu que la mesure d'éloignement a porté au droit de Mlle Jeanne A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et a, ainsi, méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que l'intéressée, entrée en France à l'âge de 19 ans après avoir passé les huit premières années de sa vie au Sénégal, puis onze ans au Burkina Faso, a vécu six années en France, dont trois en situation régulière ; qu'au cours de ces six années, elle a exercé différentes activités salariées pour subvenir à ses besoins et dispose d'une promesse d'embauche ; qu'elle maîtrise parfaitement la langue française et que ses deux soeurs sont présentes sur le territoire français, l'aînée ayant achevé son doctorat en droit à l'université de Nancy et la cadette étant titulaire d'un titre de séjour portant la mention étudiante ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant qu'il ressort toutefois du procès-verbal d'audition dressé le 22 décembre 2010 par les services de la police aux frontières que Mlle Jeanne A est célibataire et sans enfant à charge et n'est pas dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine où résident ses parents ; qu'elle ne conteste pas davantage qu'elle s'est maintenue délibérément en situation irrégulière en France au moyen d'un titre de séjour falsifié ; que, dans ces conditions, l'arrêté du 22 décembre 2010 par lequel le PREFET DU RHONE a ordonné la reconduite à la frontière de Mlle Jeanne A n'a pas porté au droit de celle-ci au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; que, par conséquent, cette décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que le PREFET DU RHONE est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté de reconduite à la frontière pour violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, par voie de conséquence, les décisions du même jour fixant le pays de destination de cette mesure de police et ordonnant le placement en rétention administrative de Mlle Jeanne A ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par Mlle Jeanne A, tant devant le Tribunal administratif que devant la Cour ;

Sur l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de Mlle Jeanne A, le 22 décembre 2010, a été signé par Mme Josiane Chevalier, secrétaire générale de la préfecture du Rhône, laquelle avait régulièrement reçu délégation de signature du PREFET DU RHONE, par arrêté du 1er décembre 2010, publié le lendemain au recueil des actes administratifs de la préfecture, l'autorisant à signer, notamment, les arrêtés de reconduite à la frontière ;

Considérant que l'arrêté en date du 22 décembre 2010 du PREFET DU RHONE comporte les éléments de fait, notamment ceux relatés par l'intéressée lors de son audition le 22 décembre 2010 par un agent de police judiciaire et reproduits dans le procès-verbal dressé le même jour, et les considérations de droit qui le fondent ; qu'il est ainsi suffisamment motivé ;

Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière ou d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés dans le cadre de l'examen du moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la décision ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle Jeanne A n'a pas méconnu les dispositions du paragraphe 7 de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

Considérant que la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de Mlle Jeanne A, le 22 décembre 2010, a été signée par Mme Josiane Chevalier, secrétaire générale de la préfecture du Rhône, laquelle avait régulièrement reçu délégation de signature du PREFET DU RHONE ;

Considérant que la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée en droit par le rappel des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette décision est par ailleurs suffisamment motivée en fait par l'indication que Mlle A est de nationalité sénégalaise et qu'elle pourra être reconduite d'office à la frontière du pays dont elle a la nationalité ou de tout autre pays où elle établirait être légalement admissible ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés ci-dessus lors de l'examen de la légalité de la décision ordonnant la reconduite à la frontière de Mlle A, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination de cette mesure de police a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que Mlle A ne peut pas utilement invoquer la violation des dispositions du paragraphe 7 de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ;

Sur la décision décidant le maintien de Mlle Jeanne A en rétention administrative :

Considérant que la décision décidant le maintien de Mlle Jeanne A en rétention administrative en date du 22 décembre 2010 a été signée par Mme Josiane Chevalier, secrétaire générale de la préfecture du Rhône, laquelle avait régulièrement reçu délégation de signature du PREFET DU RHONE ;

Considérant que la décision attaquée indique les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 22 décembre 2010 portant reconduite à la frontière de Mlle Jeanne A, ainsi que ses décisions du même jour fixant le pays de destination de cette mesure de police et ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressée, et lui a enjoint de délivrer à Mlle A une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours suivant la notification dudit jugement et de réexaminer sa situation au regard de son droit au séjour en France, dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens, dans les conditions prévues par les dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, présentées en appel par Mlle Jeanne A ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1007612 du 24 décembre 2010 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mlle Jeanne A devant le Tribunal administratif de Lyon et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DU RHONE, à Mlle Jeanne A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2011.

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N° 11LY00169

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 11LY00169
Date de la décision : 12/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guy FONTANELLE
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : TOMASI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-07-12;11ly00169 ?
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