La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/06/2011 | FRANCE | N°11LY00068

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 28 juin 2011, 11LY00068


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 14 janvier 2011, présentée pour M. Mohamed A, domicilié ...

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005835, du 14 décembre 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du 12 août 2010 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et des décisions du préfet du Rhône, du 31 août 2010, refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le dél

ai d'un mois ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 31 août 2010 po...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 14 janvier 2011, présentée pour M. Mohamed A, domicilié ...

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005835, du 14 décembre 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du 12 août 2010 par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et des décisions du préfet du Rhône, du 31 août 2010, refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 31 août 2010 portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour est entachée d'incompétence et d'une insuffisance de motivation et qu'elle a été prise aux termes d'une procédure irrégulière, en l'absence de respect du principe du contradictoire et de consultation préalable de la commission du titre de séjour ; que cette décision méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que l'obligation de quitter le territoire français qui l'accompagne est entachée d'incompétence et méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 10 mars 2011, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que la décision de refus de titre de séjour est régulièrement motivée, a été signée par une personne ayant reçu délégation de signature à cet effet et n'est pas entachée d'un vice de procédure ; que cette décision n'a pas été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'incompétence et n'a pas été prise en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le mémoire en réplique enregistré le 30 mars 2011, présenté pour M. A qui maintient les conclusions de sa requête par les mêmes moyens et demande, en outre, à la Cour, d'annuler la décision du préfet du Rhône, du 31 août 2010, fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit ;

Il soutient, en outre, que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour est entachée d'erreur de droit et que la décision fixant le pays de destination a été prise en violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la décision du 22 février 2011, par laquelle le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été accordé à M. A ;

Vu le courrier du 5 mai 2011, par lequel le président de la Cour a indiqué aux parties, sur le fondement des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination, comme nouvelles en appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 juin 2011 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les observations de Me Guezlane, avocat de M. A,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée à nouveau à Me Guezlane ;

Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi :

Considérant que M. A n'est pas recevable à présenter, pour la première fois en appel, des conclusions tendant à l'annulation de la décision du 31 août 2010 par laquelle le préfet du Rhône a désigné la Tunisie comme pays à destination duquel il serait renvoyé ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant tunisien entré régulièrement en Allemagne le 19 mars 2007, en possession d'un passeport revêtu d'un visa court séjour, est arrivé en France le même jour, à l'âge de 23 ans, selon ses déclarations ; qu'il a retrouvé en France son père, désormais retraité, qui séjourne sur le territoire français depuis 1965, ainsi que sa mère, qui a rejoint ce dernier, avec ses deux enfants mineurs, par le biais d'une procédure de regroupement familial, le 4 mai 2006 ; que ses cinq frères et sa soeur sont également présents en France, où ils sont bien intégrés ; que lui-même, qui vivait auprès de sa mère, de ses frères et soeur, et était à la charge de ses parents lorsqu'il poursuivait des études supérieures en Tunisie, et qui a été exclu du regroupement familial parce qu'il venait d'atteindre sa majorité, vit au domicile de ses parents, dispose d'une promesse d'embauche, s'est investi dans la vie associative et a noué des relations amicales sur le territoire français, où se situe désormais le centre de ses intérêts privés et familiaux ; qu'ainsi, compte tenu des circonstances particulières de l'espèce et notamment de l'intensité des attaches familiales de M. A sur le sol français, et alors même qu'il est célibataire et sans enfant, en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par sa décision du 31 août 2010, le préfet du Rhône a méconnu ces dispositions ; que la décision de refus de titre de séjour est, par suite, entachée d'illégalité ; que l'obligation de quitter le territoire français qui l'accompagne doit être annulée par voie de conséquence ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du 31 août 2010 par lesquelles le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;

Considérant que le présent arrêt, qui annule la décision portant refus de titre de séjour du 31 août 2010 du préfet du Rhône et la mesure d'éloignement subséquente, implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet du Rhône délivre le titre sollicité au requérant ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre audit préfet de délivrer à M. A une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la requête tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Guezlane, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille euros au profit de Me Guezlane, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1005835, du 14 décembre 2010, rendu par le Tribunal administratif de Lyon, est annulé en ce qu'il a rejeté les conclusions de M. A tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 31 août 2010, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois.

Article 2 : Les décisions du préfet du Rhône, du 31 août 2010, refusant à M. A la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à M. A une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera la somme de mille euros à Me Guezlane, avocat de M. A, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Mohamed A, au préfet du Rhône et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2011 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Duchon-Doris, président de chambre,

Mme Besson-Ledey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 juin 2011,

''

''

''

''

1

5

N° 11LY00068


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY00068
Date de la décision : 28/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : GUEZLANE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-06-28;11ly00068 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award