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21/06/2011 | FRANCE | N°11LY00497

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 5, 21 juin 2011, 11LY00497


Vu la requête, enregistrée le 28 février 2011, présentée pour la COMMUNE DE VAL-D'ISERE (Savoie) ;

La COMMUNE DE VAL-D'ISERE demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1100156 du 10 février 2011 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à ce que soit prescrite une expertise en application de l'article R. 532-1 du code de justice administrative ;

2°) d'ordonner cette expertise ;

La commune soutient que :

- rien ne permettait au juge des référés d'affirmer implicitement que les ri

sques liés à l'état actuel de la construction, qui peuvent affecter la stabilité des édifices s...

Vu la requête, enregistrée le 28 février 2011, présentée pour la COMMUNE DE VAL-D'ISERE (Savoie) ;

La COMMUNE DE VAL-D'ISERE demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1100156 du 10 février 2011 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à ce que soit prescrite une expertise en application de l'article R. 532-1 du code de justice administrative ;

2°) d'ordonner cette expertise ;

La commune soutient que :

- rien ne permettait au juge des référés d'affirmer implicitement que les risques liés à l'état actuel de la construction, qui peuvent affecter la stabilité des édifices situés en amont, ou que le non-respect éventuel de l'ordonnance du 3 septembre 2010 suspendant le permis de construire et de l'arrêté de péril du 13 septembre 2010, ne sont susceptibles de se rattacher qu'à des litiges concernant le seul juge judiciaire ; que de multiples litiges éventuels, concernant tant la mise en cause de sa responsabilité que la légalité de l'arrêté de péril, du retrait de cet arrêté et de l'arrêté interruptif de travaux, relèvent indéniablement de la compétence de la juridiction administrative ; que l'issue de ces litiges est liée à des questions de fait, et notamment à la réalité du risque d'affaissement et à la teneur des travaux entrepris depuis la notification de ladite ordonnance ; que le juge des référés a ainsi commis une erreur de droit ;

- en rejetant sa requête au motif qu'elle ne peut invoquer ses propres fautes, fût-ce de manière hypothétique, le juge des référés a entaché sa décision d'une seconde erreur de droit ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 avril 2011, présenté pour le syndicat des copropriétaires de la résidence l'Albaron, qui demande à la Cour :

- de rejeter la requête ;

- de condamner la COMMUNE DE VAL-D'ISERE à lui verser une somme

de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le syndicat des copropriétaires soutient que :

- la commune invoque en appel la responsabilité susceptible de résulter de ses décisions ; que ce moyen nouveau, qui relève d'une cause de responsabilité distincte de celle avancée en première instance, n'est, par suite, pas recevable ;

- le maître de l'ouvrage n'est pas la COMMUNE DE VAL-D'ISERE, mais la société FD Les Alpes, personne privée ; que la demande de cette commune ne ressortit pas à la compétence du juge administratif, s'agissant de travaux privés exécutés sur un terrain privé ; que la commune n'a pas vocation à solliciter une expertise pour le compte d'autrui ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 avril 2011, présenté pour la société FD Les Apes, qui demande à la Cour de faire droit à la mesure d'expertise sollicitée par la COMMUNE DE VAL-D'ISERE, en modifiant toutefois la mission de l'expert souhaitée par cette dernière ;

La société soutient que :

- il existe bien une perspective de contentieux ayant vocation à être traités par la juridiction administrative ; qu'elle a en effet régularisé des recours gracieux à l'encontre de l'arrêté du 3 novembre 2010 retirant l'arrêté de péril et de l'arrêté interruptif de travaux

du 4 novembre 2010 ; qu'en outre, ces arrêtés sont intervenus à la suite de demandes du préfet, arguant de l'absence de risques avérés pendant la période de poursuite des travaux ; qu'elle n'a pas manqué d'attirer l'attention de l'ensemble des intervenants à de nombreuses reprises sur l'existence de risques ; qu'en conséquence, une mesure d'expertise apparaît utile ;

- la mission de l'expert devra toutefois être modifiée, l'expertise devant porter sur la question de savoir si le caractère inachevé de l'ouvrage est de nature à mettre en péril, en raison notamment des phénomènes de gel et de dégel, la paroi cloutée provisoire et, par voie de conséquence, la rampe d'accès des Carats et les immeubles qui y sont édifiés ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 avril 2011, présenté pour la COMMUNE DE VAL-D'ISERE, tendant aux mêmes fins que précédemment ;

La commune soutient, en outre, que :

- sa requête d'appel ne contient aucune cause juridique nouvelle ; qu'en tout état de cause, le principe d'irrecevabilité des causes juridiques nouvelles n'a pas vocation à s'appliquer dans le cadre d'une procédure de référé instruction ;

- dans l'hypothèse dans laquelle, en cas d'effondrement de la paroi supportant le quartier et la route des Carats, le maître d'ouvrage venait à être condamné à réparer les dommages subis, celui-ci pourrait intenter une action récursoire à son encontre, en évoquant, par exemple, la suspension du permis de construire qui a été délivré, l'arrêté de péril, le retrait de cet arrêté ou l'arrêté interruptif de travaux ; que la saisine du juge des référés de la juridiction administrative est donc parfaitement légitime ;

- la mesure d'expertise sollicitée ne saurait se rapporter au pouvoir d'instruction du juge du fond saisi de la légalité du permis de construire, dès lors que les modalités de réalisation de ce permis sont sans incidence sur sa légalité ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 mai 2011, présenté pour le syndicat des copropriétaires de la résidence l'Albaron, tendant aux mêmes fins que précédemment, la somme réclamée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative étant portée à 3 000 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 mai 2011, présenté pour M. A, qui demande à la Cour :

- de rejeter la requête ;

- à titre subsidiaire, de modifier la mission de l'expert souhaitée par la COMMUNE DE VAL-D'ISERE ;

- de condamner solidairement cette dernière et la société FD Les Alpes à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A soutient que :

- l'expertise demandée est inutile ; que les cycles de gel et dégel invoqués ne sauraient justifier cette expertise, de même que la responsabilité de maître de l'ouvrage et de la commune, qui ne fait aucun doute ; qu'il suffit de démolir l'ouvrage et de remettre le terrain dans son état antérieur pour éviter tous les risques ;

- à titre subsidiaire, l'expert devra déterminer l'état de la construction au 3 septembre 2010, se prononcer sur les conséquences de la poursuite des travaux après cette date et indiquer les solutions qui auraient permis de mettre fin au risque ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er juin 2011, présenté pour la COMMUNE DE VAL-D'ISERE, tendant aux mêmes fins que précédemment ;

La commune soutient, en outre, qu'elle maintient sa demande d'expertise dans tous ses éléments ; qu'elle n'entend pas s'opposer à la demande de la société FD Les Alpes, en ce qu'elle tend à ce que l'expert examine les principes et méthodes ayant présidé à la conception de l'ouvrage et donne son avis sur la nécessité d'achever la construction selon les préconisation de l'APAVE afin de stabiliser définitivement le talus ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juin 2011 :

- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;

- les observations de Me Frenoy, représentant la selarl Adamas affaires publiques, avocat de la COMMUNE DE VAL-D'ISERE, et celles de Me Tissot, représentant la SCP CDMF AVOCATS, avocat de la société FD Les Alpes ;

- les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;

- et la parole ayant à nouveau été donnée aux parties présentes ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 25 mai 2010, la société FD Les Alpes a obtenu du maire de la COMMUNE DE VAL-D'ISERE un permis de construire en vue de l'extension d'un hôtel ; que, par une ordonnance du 3 septembre 2010, à la demande d'un voisin, M. A, le juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble a suspendu l'exécution de ce permis de construire ; que, le 13 septembre 2010, estimant qu'il existait un risque d'effondrement d'une paroi cloutée installée dans le cadre du chantier, le maire de la COMMUNE DE VAL-D'ISERE a pris un arrêté de péril, mettant en demeure la société FD Les Alpes, dans un délai de 60 jours, de mettre fin au péril résultant de l'état dangereux du mur de soutènement de la voie menant au quartier des Carats, (...) en faisant procéder aux travaux de consolidation de la rampe d'accès à ce quartier ; que, toutefois, saisi par M. A, le préfet de la Savoie, estimant que le péril invoqué n'était pas justifié, a demandé au maire, par deux courriers du 27 octobre 2010, de retirer l'arrêté de péril et l'a mis en demeure de prendre un arrêté interruptif de travaux ; que, faisant droit à ces demandes, par un arrêté du 3 novembre 2010, le maire a retiré son arrêté de péril, puis, par un arrêté

du 4 novembre 2010, a mis en demeure la société FD Les Alpes de cesser immédiatement les travaux d'extension de l'hôtel ; que, par une ordonnance du 10 février 2011, le juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de la COMMUNE DE VAL-D'ISERE tendant à ce que soit prescrite une expertise en application de l'article R. 532-1 précité du code de justice administrative, pour notamment déterminer les risques résultant de l'arrêt du chantier et les travaux nécessaires à la consolidation de ladite paroi cloutée ; que cette commune relève appel de cette ordonnance ; qu'enfin, par un jugement du 23 mai 2011, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ledit permis de construire du 25 mai 2010 ;

Considérant que, dans la présente instance en référé, le syndicat des copropriétaires de la résidence l'Albaron ne peut utilement soutenir que certains moyens que la COMMUNE DE VAL-D'ISERE soulève en appel relèveraient d'une cause juridique distincte des moyens qui ont été invoqués en première instance par cette commune ; que l'expertise demandée par la COMMUNE DE VAL-D'ISERE, qui porte sur des questions susceptibles de se rattacher à un litige relevant de la compétence de la juridiction administrative et présente une utilité, notamment en vue de déterminer les risques résultant de la paroi cloutée et les solutions qui peuvent être envisagées pour mettre en sécurité le chantier, entre dans le champ d'application des dispositions de l'article R. 532-1 précité du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dès lors, d'annuler l'ordonnance attaquée, de faire droit à la demande et de fixer la mission de l'expert comme il est dit à l'article 2 du présent arrêt ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la COMMUNE DE VAL-D'ISERE et la société FD Les Alpes, qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, soient condamnées à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence l'Albaron et à M. A les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance du 10 février 2011 du juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble est annulée.

Article 2 : M. Serge CURVAT, domicilié 9 place Maréchal Lyautey à Lyon (69006), est désigné comme expert avec pour mission :

- de se transporter sur place, visiter les lieux, se faire communiquer tous les documents nécessaires ;

- de déterminer les risques résultant du maintien de la paroi cloutée, qui est normalement conçue pour un avoir caractère provisoire, et l'évolution de ces risques au cours du temps, en donnant notamment son avis sur leur étendue aux dates auxquelles l'ordonnance du 3 septembre 2010 suspendant les travaux et l'arrêté de péril sont intervenues ;

- de déterminer si ces risques résultent de l'arrêt du chantier avant la fin de la construction ou d'un manquement des constructeurs aux règles de l'art ;

- de dire si des dommages existent déjà et, le cas échéant, de les décrire, en indiquant leur origine, leur étendue et leurs causes ;

- de déterminer les solutions qui pouvaient être envisagées pour mettre en sécurité le chantier après l'ordonnance du 3 septembre 2010, et notamment les autres solutions que celle résultant de la poursuite de la construction, et décrire ces solutions ;

- de déterminer les conséquences de la poursuite de la construction sur la mise en oeuvre de ces solutions et déterminer et décrire les solutions qui peuvent désormais être envisagées compte

tenu de l'état d'avancement de celle-ci, s'agissant notamment d'une éventuelle remise en état du site ;

- de déterminer si les travaux qui ont été réalisés après la suspension qui a été ordonnée et l'arrêté de péril étaient strictement nécessaires à la confortation de la paroi cloutée et, le cas échéant, de décrire les travaux superflus qui ont été effectués.

L'expert pourra entendre tous sachants, se faire communiquer tous documents et renseignements, faire toutes constatations ou vérifications propres à faciliter l'accomplissement de sa mission et éclairer la Cour.

Article 3 : Après avoir prêté serment, l'expert accomplira la mission définie à l'article 2 dans les conditions prévues par les articles R. 621-1 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable du président de la Cour.

Article 4 : Le rapport sera déposé au greffe en deux exemplaires. Des copies seront notifiées par l'expert aux parties, avant le 31 octobre 2011.

Article 5 : Les frais de l'expertise seront mis à la charge de la ou des parties désignées dans l'ordonnance par laquelle le président de la Cour liquidera et taxera les frais et honoraires.

Article 6 : Les conclusions du syndicat des copropriétaires de la résidence l'Albaron et de M. A tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE VAL-D'ISERE, à M. Antoine A, au syndicat des copropriétaires de l'Immeuble de l'Albaron et à la société F.D. Les Alpes.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2011, à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Bézard, président,

M. Fontbonne, président-assesseur,

M. Chenevey et Mme Chevalier-Aubert, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 21 juin 2011.

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N° 11LY00497


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 11LY00497
Date de la décision : 21/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-03-011 Procédure. Procédures d'urgence. Référé tendant au prononcé d'une mesure d'expertise ou d'instruction.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean-Pascal CHENEVEY
Rapporteur public ?: M. BESSON
Avocat(s) : SELARL ADAMAS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-06-21;11ly00497 ?
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