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21/06/2011 | FRANCE | N°09LY02521

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 21 juin 2011, 09LY02521


Vu la requête, enregistrée le 27 octobre 2009, présentée pour la SCI DE BATIFORT, représentée par son gérant en exercice, dont le siège social est 1, rue du Batifort à Champeix (63320) ;

La SCI DE BATIFORT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800601 du 10 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 janvier 2008 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme l'a mise en demeure de mettre en conformité avec la réglementation en vigueur la centrale hydroélectrique du lieu-d

it Le Batifort à Champeix sur la rivière La Couze Chambon ;

2°) d'annuler pour ...

Vu la requête, enregistrée le 27 octobre 2009, présentée pour la SCI DE BATIFORT, représentée par son gérant en exercice, dont le siège social est 1, rue du Batifort à Champeix (63320) ;

La SCI DE BATIFORT demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0800601 du 10 juillet 2009 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 janvier 2008 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme l'a mise en demeure de mettre en conformité avec la réglementation en vigueur la centrale hydroélectrique du lieu-dit Le Batifort à Champeix sur la rivière La Couze Chambon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges, comme le préfet du Puy-de-Dôme, ont considéré, en reprenant l'estimation, faite par l'expert désigné par les tribunaux judiciaires au regard d'un état statistique de 1863, de la hauteur théorique de la crête du barrage, fixée à 454,36 mètres, que, compte tenu de la cote actuelle du barrage, fixée à 455,02 mètres, la mise en demeure était justifiée, alors que la chute nette de l'installation hydraulique mesurée en 1863, correspondant à la hauteur de passage de l'eau dans la vanne face à la roue hydraulique à palettes, compte non tenu de la pente existant en aval de cette roue et du solde de la chute non utilisée sous la roue du moulin, était inférieure d'environ 70 centimètres à la chute brute de l'ouvrage, calculée entre le point de prise d'eau et le point de restitution ; la mise en demeure repose ainsi sur une appréciation erronée des faits, en raison d'une mesure de la chute entendue différemment en 1863, d'une part, et en 1924 ou 1946, d'autre part, lorsque les mesures réalisées par l'administration des Ponts et Chaussées ont fait état d'une chute de 3,20 mètres ; l'administration n'apporte pas la preuve que la chute soit augmentée par rapport à la consistance légale de l'ouvrage fondé en titre réputée existante en 1789 ;

- l'administration n'est pas tenue par les constatations de jugements civils, dès lors que les décisions de justice rendues en matière civile par les tribunaux judiciaires n'ont l'autorité absolue de chose jugée qu'entre les parties, et le préfet du Puy-de-Dôme, non partie aux litiges à l'occasion desquels a été rendue l'expertise de 1991, ne peut se prévaloir des constatations de ladite expertise ;

- à titre subsidiaire, eu égard au caractère fondé en titre de l'installation pour une chute de 2,72 mètres, et compte tenu d'une différence à régulariser de 0,66 mètres, elle est fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 sur l'utilisation de l'énergie hydraulique, qui autorisent l'augmentation, une fois, d'au plus 20 %, par déclaration, d'une installation d'un ouvrage concédé ou autorisé, dès lors qu'en vertu des dispositions de l'article L. 214-6-II du code de l'environnement, les ouvrages fondés en titre à l'usage de l'eau sont réputés autorisés au plan administratif ;

- l'administration avait la possibilité de réglementer l'ouvrage fondé en titre afin de lui ouvrir la faculté d'augmenter la puissance de l'ouvrage de 20 %, et ne pouvait rejeter purement et simplement sa démarche de régularisation ;

- compte tenu des engagements pris, la mise en demeure de procéder à la réalisation d'une passe à poissons migrateurs était disproportionnée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 29 juin 2010, par laquelle la date de la clôture de l'instruction a été fixée au 15 septembre 2010 ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 septembre 2010, présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable, dès lors qu'elle ne constitue qu'une reproduction littérale pure et simple du mémoire introductif d'instance enregistré au greffe du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, sans reformulation en appel des critiques adressées à la décision en litige du 30 janvier 2008 ;

- il résulte d'une manière certaine de l'expertise judiciaire, en vertu de décisions revêtues de l'autorité de la chose jugée et opposables à la requérante, que celle-ci n'a pas respecté les caractéristiques du droit fondé en titre ;

- dès lors qu'en vertu des dispositions de l'article 29 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydro-électrique, les usines ayant une existence légale ne sont pas soumises aux dispositions du titre I de ladite loi, les dispositions de l'article 2 de cette loi, insérées dans le titre I, ne sont pas applicables au cas d'espèce ; les dispositions de l'article L. 214-6-II du code de l'environnement, selon lesquelles les installations et ouvrages fondés en titre sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section, impliquent seulement que ces installations et ouvrages sont réputés déclarés ou autorisés au titre de la loi sur l'eau ;

- dès lors que l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 était inapplicable, il ne pouvait être fait droit à la demande tendant à ce que le préfet réglemente l'ouvrage afin de lui rendre applicables ces dispositions ; le moyen tiré de ce que ledit préfet était tenu d'inviter la SCI DE BATIFORT à présenter une demande de régularisation doit être écarté ;

- la requérante, tenue à la réalisation d'une passe à poissons eu égard au caractère impératif inhérent à la mise en place d'un dispositif de franchissement pour les poissons migrateurs, en vertu de l'article L. 432-6 du code de l'environnement, ne peut se prévaloir d'un simple engagement de réaliser l'ouvrage, sans aucune garantie quant à sa réalisation effective, ni d'une simple attestation, par le maire de Champeix, de la réalisation de travaux, qui ne peut avoir de caractère probant quant à la réalisation conforme de l'installation, alors que le projet est inséparable des travaux à réaliser concernant la hauteur de la crête du barrage et la fixation subséquente du débit réservé ;

Vu l'ordonnance en date du 28 septembre 2010, par laquelle la date de la clôture de l'instruction a été reportée au 30 octobre 2010 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi du 16 octobre 1919 modifiée relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mai 2011 :

- le rapport de M. Seillet, premier conseiller ;

- les observations de Me Remy, pour la SCI DE BATIFORT ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Remy ;

Considérant que, par un arrêté du 30 janvier 2008, le préfet de la région Auvergne, préfet du Puy-de-Dôme a mis en demeure la SCI DE BATIFORT, exploitante de la centrale électrique du lieudit Le Batifort à Champeix, située sur la rivière la Couze Chambon, de mettre en conformité ladite installation avec la réglementation en vigueur, en procédant, en premier lieu, avant la fin du mois d'août 2008, soit à l'arasement de la crête du barrage à la cote de 454,36 mètres NGF, considérée comme constitutive du droit fondé en titre attaché à l'ouvrage, soit au dépôt d'un dossier d'autorisation pour la puissance supplémentaire induite par le rehaussement du barrage au titre de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique et conformément à l'article R. 214-71 du code de l'environnement, en deuxième lieu en aménageant, dans le même délai, une passe à poissons fonctionnelle au droit du barrage, et en installant, en dernier lieu, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêté, un dispositif permettant de garantir en permanence la restitution du débit réservé ; que la SCI DE BATIFORT fait appel du jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 10 juillet 2009 par lequel ledit Tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté du 30 janvier 2008 du préfet du Puy-de-Dôme en tant qu'il l'a mise en demeure, d'une part, de procéder à l'arasement de la crête du barrage ou de déposer un dossier d'autorisation pour la puissance supplémentaire induite par le rehaussement dudit barrage et, d'autre part, d'aménager une passe à poissons ;

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête en défense :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la SCI DE BATIFORT a présenté une requête qui ne constitue pas la seule reproduction intégrale et exclusive de son mémoire de première instance ; que cette motivation répond aux exigences posées à l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que la requête serait entachée d'un défaut de motivation doit être écartée ;

Sur la légalité de l'arrêté en litige en tant qu'il porte sur la consistance du droit fondé en titre :

Considérant que le préfet du Puy-de-Dôme a motivé les dispositions de l'arrêté en litige par lesquelles la SCI DE BATIFORT a été mise en demeure de procéder à l'arasement de la crête du barrage ou de déposer un dossier d'autorisation pour la puissance supplémentaire induite par le rehaussement dudit barrage par la circonstance qu'il avait été procédé à un rehaussement du barrage, à une altitude de 455,02 mètres NGF alors que l'altitude lui permettant de bénéficier du statut fondé en titre était fixée à 454,36 mètres ; qu'il ressort des pièces du dossier que la détermination de cette dernière altitude résulte d'un rapport déposé en 1991 par un expert désigné par une ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand du 26 septembre 1991 ; que la cote de 454,36 mètres, retenue par ledit expert, correspond au total de la cote du point de restitution de l'eau en aval de l'établissement, mesurée lors de l'expertise à 451,64 mètres, et non contestée, d'une part, et de la hauteur, chiffrée à 2,72 mètres, de la chute d'eau utilisée pour faire fonctionner deux des paires de meules du moulin du Batifort, mentionnée dans un état statistique des usines sur cours d'eau de 1863, dans la colonne chute en eaux ordinaires, d'autre part ; que le même état mentionnait, par ailleurs, une hauteur de 2,49 mètres pour la chute d'eau utilisée pour faire fonctionner les trois autres paires de meules alors en service dans le moulin ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un schéma établi par les Ponts et Chaussées en 1906, que si la hauteur de passage de l'eau dans la vanne face à la roue hydraulique à palettes, équivalente à la chute nette, était mesurée à 2,75 mètres, l'altitude de la retenue, mesurée par rapport à la cote du point de restitution de l'eau, et compte tenu du solde de la chute non utilisée sous la roue du moulin, était chiffrée à 455,10 mètres, mesure également mentionnée dans le nivellement général de la France NGF de 1924, et sensiblement égale à celle de l'altitude du barrage mesurée par l'expert ; que, dès lors, et alors qu'il n'est pas établi par les pièces du dossier que des modifications, résultant d'une élévation du barrage de l'ouvrage fondé en titre, auraient été apportées dans la consistance dudit ouvrage de la retenue d'eau entre 1863 et 1924 ou en 1988, les dispositions de l'arrêté préfectoral en litige, qui imposent à la SCI DE BATIFORT l'obligation d'abaisser le seuil du barrage de retenue jusqu'à la cote 454,36 mètres (NGF), sont fondées sur un motif entaché d'inexactitude et, par suite, entachées d'excès de pouvoir ;

Sur la légalité de l'arrêté en litige en tant qu'il porte sur l'édification d'une passe à poissons :

Considérant que la seule circonstance que, par une lettre du 21 décembre 2007, la SCI DE BATIFORT s'était engagée à déposer les plans d'exécution de l'ouvrage au printemps 2008 n'est pas de nature à entacher d'illégalité la mise en demeure de procéder à la réalisation d'une passe à poissons avant le mois d'août 2008 ; que la SCI DE BATIFORT, qui n'allègue pas avoir procédé à la mise en place, sur le barrage, d'un dispositif permettant de garantir en permanence la restitution du débit réservé de la rivière, ne justifie pas de la conformité de la passe à poissons édifiée à ce jour avec le débit réservé réglementaire minimal ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI DE BATIFORT est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 30 janvier 2008 du préfet du Puy-de-Dôme par lesquelles elle a été mise en demeure de procéder, avant la fin du mois d'août 2008, soit à l'arasement de la crête du barrage à la cote de 454,36 mètres NGF, soit au dépôt d'un dossier d'autorisation pour la puissance supplémentaire induite par le rehaussement du barrage au titre de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique et conformément à l'article R. 214-71 du code de l'environnement ;

Sur les conclusions de la SCI DE BATIFORT tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SCI DE BATIFORT et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 de l'arrêté du 30 janvier 2008 du préfet du Puy-de-Dôme est annulé.

Article 2 : Le jugement n° 0800601 du 10 juillet 2009 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la SCI DE BATIFORT au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI DE BATIFORT et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2011, à laquelle siégeaient :

M. Givord, président de formation de jugement,

M. Reynoird et M. Seillet, premiers conseillers.

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N° 09LY02521

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02521
Date de la décision : 21/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

29-02 Energie. Énergie hydraulique.


Composition du Tribunal
Président : M. GIVORD
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : STE D'AVOCAT FILOR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-06-21;09ly02521 ?
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