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31/05/2011 | FRANCE | N°10LY02751

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 5, 31 mai 2011, 10LY02751


Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 14 décembre 2010 et régularisée le 3 janvier 2011, présentée pour Mme Aïssatou A, de nationalité guinéenne, domiciliée c/ ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002071, en date du 24 juin 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône du 9 décembre 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant le pay

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Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 14 décembre 2010 et régularisée le 3 janvier 2011, présentée pour Mme Aïssatou A, de nationalité guinéenne, domiciliée c/ ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002071, en date du 24 juin 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône du 9 décembre 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient qu'elle bénéficie en France d'une prise en charge médicale indisponible en Guinée et dont l'arrêt l'exposerait à des conséquences graves et que, dès lors, la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du même code ; que compte tenu de son état de santé ainsi que de l'ancienneté de son séjour en France, et nonobstant la présence d'attaches familiales en Guinée, tant la décision portant refus de titre de séjour que la mesure d'éloignement qui l'accompagne et la décision fixant le pays de renvoi méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont, en outre, entachées d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'eu égard aux risques qu'elle encourt en Guinée, la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 mars 2011, présenté pour le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que Mme A peut bénéficier d'une prise en charge médicale appropriée dans son pays d'origine et qu'un défaut de soins n'entraînerait pas pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que donc, les moyens tirés de la violation des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés ; qu'eu égard aux attaches que la requérante a conservées dans son pays d'origine, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; qu'elle n'apporte pas la preuve des risques qu'elle encourt en cas de retour dans son pays d'origine et que, dans ces conditions, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; que les conclusions de la requérante aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 5 novembre 2010, accordant l'aide juridictionnelle totale à Mme A ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mai 2010 :

- le rapport de M. Bézard, président ;

- et les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Aïssatou A, de nationalité guinéenne, a sollicité, le 17 juillet 2009, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision du 9 décembre 2009 par laquelle le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour a été prise au vu d'un avis du 14 octobre 2009, par lequel le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales du Rhône a estimé que, si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale, d'une part, son défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et, d'autre part, elle pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'il ressort des certificats médicaux versés au dossier que Mme A souffre de drépanocytose, d'infection urinaire et de problèmes gynécologiques ainsi que de troubles psychologiques ; que, toutefois, ces pièces se bornent à évoquer la nécessité pour Mme A de bénéficier d'un traitement et d'un suivi régulier et à indiquer qu'une absence de prise en charge médicale exposerait l'intéressée à des conséquences d'une exceptionnelle gravité sans assortir cette affirmation d'aucune précision ; que, dès lors, la requérante ne contredit pas utilement l'appréciation portée par le médecin inspecteur de santé publique quant à la gravité des conséquences induites par une absence de prise en charge médicale sur l'évolution de son état ; qu'en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que, par suite, Mme A n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Aïssatou A, ressortissante guinéenne née le 1er janvier 1974, est entrée en France le 24 mai 2001 sous couvert d'un visa de court séjour ; que, si la requérante se prévaut de l'ancienneté de son séjour en France, où elle réside depuis 9 ans à la date de la décision en litige, et des démarches qu'elle a effectuées afin de régulariser sa situation, il ressort toutefois des pièces du dossier que la requérante a vécu l'essentiel de son existence en Guinée, pays qu'elle a quitté à l'âge de 27 ans et où elle n'est pas dépourvue d'attaches puisque s'y trouvent ses trois enfants et son frère ; que la seule attestation produite, datée du 22 juin 2006, témoignant de l'apprentissage de la langue française par la requérante, est insuffisante pour démontrer une insertion d'une particulière qualité ; qu'elle n'établit pas, par les pièces qu'elle produit, que son état de santé rendrait indispensable son maintien en France ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de l'intéressée ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi . ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un défaut de prise en charge médicale entraînerait pour Mme A des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni même qu'elle ne pourrait pas disposer de traitements appropriés à son état de santé dans son pays d'origine ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu que, pour les motifs précédemment énoncés dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour, la mesure d'éloignement prise à l'encontre de Mme A ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. et que ce dernier texte énonce que Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ; que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que Mme A soutient avoir été contrainte de quitter son pays d'origine du fait des violences qu'elle y a subies de la part de son ex-mari, ainsi que des autorités guinéennes en raison de sa prétendue appartenance à un groupe rebelle et qu'elle risque d'encourir actuellement des risques de persécutions en cas de retour dans son pays d'origine ; que, toutefois, si les pièces médicales versées au dossier indiquent que Mme A présente des séquelles physiques consécutifs à des mauvais traitements, la requérante n'établit pas, par la seule production d'un article de presse concernant des événements survenus en 2001, l'existence de menaces personnelles et actuelles auxquelles elle serait exposée en cas de retour en Guinée ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu que, pour les motifs précédemment énoncés dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour, la décision fixant le pays de renvoi ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence ;

Sur l'application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que Mme B étant la partie succombante à l'instance, son conseil ne peut se prévaloir à son profit des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Aïssatou A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2011, à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Bézard, président,

M. Fontbonne, président-assesseur,

M. Chenevey et Mme Chevalier-Aubert, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 31 mai 2011.

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N° 10LY02751


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 10LY02751
Date de la décision : 31/05/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Alain BEZARD
Rapporteur public ?: M. BESSON
Avocat(s) : PROUST

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-05-31;10ly02751 ?
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