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10/05/2011 | FRANCE | N°10LY02540

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 10 mai 2011, 10LY02540


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 15 novembre 2010, présentée pour Mlle Somayeh A, domiciliée 2, rue Pierre Delore à Lyon (69008) ;

Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002570, en date du 7 juillet 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 15 février 2010, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'exp

iration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le ...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 15 novembre 2010, présentée pour Mlle Somayeh A, domiciliée 2, rue Pierre Delore à Lyon (69008) ;

Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002570, en date du 7 juillet 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 15 février 2010, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

Elle soutient que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et désignant le pays de destination méconnaissent les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 22 décembre 2010, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que l'évocation par Mlle A des risques encourus par elle en cas de retour en Iran est inopérante pour établir la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par la décision portant refus de délivrance de titre de séjour ; que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont inopérantes pour contester la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; que la décision fixant le pays de destination ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les pièces complémentaires enregistrées à la Cour le 21 avril 2011, produites pour Mlle A ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 avril 2011 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les observations de Me Fréry, avocat de Mlle A,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée à nouveau à Me Fréry ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle A, ressortissante iranienne née le 6 mars 1980, est entrée en France le 11 août 2006 sous couvert d'un visa court séjour ; que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 18 janvier 2007, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 15 février 2008 ; que, par les décisions en litige du 15 février 2010 , le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a désigné le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que lorsque la décision lui refusant un titre de séjour a été prise, Mlle A séjournait en France depuis trois ans et demi seulement après avoir vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans en Iran où elle avait conservé des attaches familiales fortes en la personne, notamment, de ses deux parents ; qu'elle était célibataire, sans enfant à charge, et avait pour seule famille en France sa soeur, de nationalité française, et son frère, en possession d'une carte de séjour temporaire d'un an ; qu'elle ne saurait utilement invoquer les risques et menaces qui, selon elle, pèseraient sur son intégrité et sa sécurité en cas de retour en Iran pour contester la légalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour qui n'emporte pas, par elle-même, obligation pour elle de retourner dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et alors même que Mlle A manifestait une volonté d'intégration en France à travers l'apprentissage de la langue française et justifiait d'une promesse d'embauche, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant que Mlle A ne peut pas utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, des risques qu'elle allègue encourir dans son pays d'origine dès lors que cette décision ne fixe pas, par elle-même, le pays à destination duquel elle doit être éloignée ; que, par suite, les moyens tirés de ce que la mesure d'éloignement contestée a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne peuvent qu'être écartés ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. et que ce dernier texte énonce que Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que Mlle A soutient qu'elle est exposée à un risque de traitement inhumain et dégradant en cas de retour en Iran ; qu'elle fait valoir que, militante opposée au régime politique iranien, elle a participé à plusieurs manifestations, notamment celle du 11 juin 2006, pour la défense des droits de la femme, qu'elle a été arrêtée à deux reprises pour ces mêmes faits, qu'elle et sa famille ont subi des violences ainsi que des intimidations de la part des forces de l'ordre iraniennes, qu'elle a été contrainte de fuir son pays pour la France et que, suite à son départ, ses deux frères ont été placés en détention pour avoir aidé leur soeur à s'enfuir et pour ne pas avoir révélé le lieu où elle se trouvait ; qu'elle produit, au soutien de ses allégations, une lettre d'avertissement émanant des autorités iraniennes notifiée le 29 février 2008, l'obligeant à se présenter aux autorités juridictionnelles pour trouble à l'ordre public, ainsi que plusieurs témoignages de voisins sur les pressions perpétrées par la police iranienne sur sa famille ; qu'elle fait également état de ce que son frère, M. Afshin A, qui conserve des séquelles de mauvais traitements subis au cours de son incarcération dans une prison iranienne, s'est vu reconnaître le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 25 février 2010 ; qu'il résulte de ce qui précède, et alors même que sa demande d'asile a été rejetée par la Cour nationale du droit d'asile, par décision du 15 février 2008, que Mlle A établit qu'elle encourt personnellement des risques de traitements inhumains et dégradants au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Iran ; que, par suite, en désignant ce pays comme destination de la mesure d'éloignement prise à son encontre, le préfet du Rhône a méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auxquelles cet article du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile fait référence ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle A est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du préfet du Rhône, du 15 février 2010, désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1002570, du 7 juillet 2010, du Tribunal administratif de Lyon est annulé en ce qu'il a rejeté les conclusions de Mlle A tendant à l'annulation de la décision du préfet du Rhône, du 15 février 2010, désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite.

Article 2 : La décision du préfet du Rhône, du 15 février 2010, désignant le pays à destination duquel Mlle A serait reconduite, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mlle A est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Somayeh A, au préfet du Rhône et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Délibéré après l'audience du 27 avril 2011 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Givord, président-assesseur,

M. Seillet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 mai 2011,

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N° 10LY02540


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY02540
Date de la décision : 10/05/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : SCHMITT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-05-10;10ly02540 ?
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