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10/05/2011 | FRANCE | N°10LY02097

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 10 mai 2011, 10LY02097


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 31 août 2010, présentée pour M. Bruno A, domicilié ...

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000748, en date du 19 juillet 2010, par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Puy-de-Dôme, du 16 mars 2010, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défa

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Vu la requête, enregistrée à la Cour le 31 août 2010, présentée pour M. Bruno A, domicilié ...

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000748, en date du 19 juillet 2010, par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Puy-de-Dôme, du 16 mars 2010, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de deux mille euros, à son profit ou à celui de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation, d'une erreur de droit dès lors qu'il établit son identité, et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son état de santé et de ses attaches privées et familiales en France et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'obligation de quitter le territoire français qui lui est faite est entachée d'un défaut de motivation, est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour qui la fonde, est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'enfin, la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'incompétence et méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 28 octobre 2010, présenté par le préfet du Puy-de-Dôme, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que la décision de refus de délivrance de titre de séjour est régulièrement motivée ; qu'en se bornant à produire un passeport falsifié et un acte de naissance, document ne comportant pas de photographie, dépourvu de garantie d'authenticité, le requérant n'avait pas établi son identité de sorte que sa demande de titre de séjour pour raison de santé était irrecevable ; qu'en outre, il ne démontre pas, par les pièces qu'il produit, que les soins médicaux dont il aurait éventuellement besoin ne seraient pas accessibles en République démocratique du Congo, ni qu'un défaut de soins induirait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que la décision refusant de délivrer un titre de séjour ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation et est légale ; qu'enfin, la décision fixant le pays de renvoi a été signée par une autorité compétente et le requérant n'établit pas que sa vie ou sa sécurité seraient menacées dans son pays d'origine ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 avril 2011 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, modifiée : Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...). et qu'aux termes de l'article 3 de cette loi : La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ;

Considérant que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour indique notamment que le demandeur, déclarant se nommer Bruno A et être ressortissant de la République démocratique du Congo, d'une part, a vu sa demande d'asile rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du Droit d'asile et a ainsi perdu son droit provisoire au séjour en France en qualité de demandeur d'asile et, d'autre part, n'a pas été en mesure de justifier de son identité et de sa nationalité en produisant un passeport falsifié à l'appui de sa demande de titre de séjour formulée le 10 juillet 2009 et ne remplit donc pas les conditions fixées à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour se voir délivrer une carte de séjour temporaire vie privée et familiale ; que cette décision, qui énonce ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est régulièrement motivée au regard des dispositions de l'article 3 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 313-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'étranger qui, n'étant pas déjà admis à résider en France, sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire présente à l'appui de sa demande : 1° Les indications relatives à son état civil(...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant a présenté une demande de titre de séjour au préfet du Puy-de-Dôme en faisant valoir les problèmes de santé qu'il rencontrait consécutivement aux violences dont il avait été victime dans son pays d'origine ; qu'invité par le préfet à justifier de son identité et de sa nationalité, il a produit un passeport au nom de Bruno A, délivré par les autorités de la République démocratique du Congo qui, après examen par les services de police, s'est avéré manifestement falsifié ; qu'en se bornant à produire la copie d'une attestation de naissance établie au nom de Bruno A, né le 11 novembre 1979 à Kinshasa en République démocratique du Congo, le requérant n'établit pas, eu égard au document de voyage falsifié produit par ailleurs, posséder l'identité et la nationalité qu'il allègue ; que, par suite, le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas commis d'erreur de droit en estimant qu'il ne justifiait pas de son état civil ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant qu'en se bornant à faire valoir qu'il est dépourvu d'attaches familiales en République démocratique du Congo et qu'il dispose d'attaches privées et familiales fortes sur le territoire français, sans apporter aucune précision quant à la nature de ces attaches, alors que, selon ses déclarations, il est célibataire, sans enfant et n'est présent en France que depuis le 18 mai 2007, le requérant n'établit ni que le refus de délivrance de titre de séjour pris à son encontre porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni que ce refus repose sur une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. (...) ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français est inopérant ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'examen ci-dessus de la légalité du refus de délivrance de titre de séjour, que le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ce refus à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de délivrance de titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle du requérant ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, que cette décision du 16 mars 2010 a été signée par M. Jean-Bernard Bobin, secrétaire général de la préfecture du Puy-de-Dôme, lequel avait reçu délégation de signature du préfet du Puy-de-Dôme, par un arrêté du 12 février 2010 publié le 23 février 2010 au recueil des actes administratifs de la préfecture, lui donnant compétence pour prendre les décisions portant désignation des pays de destination des mesures obligeant les étrangers en situation irrégulière à quitter le territoire français ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision du 16 mars 2010 est entachée d'incompétence ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. et que ce dernier texte énonce que Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que le requérant soutient qu'il a dû fuir son pays en raison de son activité militante au sein du mouvement de libération du Congo, qui lui avait valu d'être interpellé à plusieurs reprises et d'être victime d'exactions de la part des forces de l'ordre, et que sa mère a été assassinée ; qu'en se bornant à produire la copie de deux attestations de représentants du mouvement de libération du Congo certifiant que M. Bruno A est membre de ce mouvement et un certificat médical, rédigé le 5 mars 2008 par un médecin du service de victimiologie clinique du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand, faisant état de ce que son corps porte un certain nombre de cicatrices, le requérant n'établit pas la réalité et le caractère actuel des menaces auxquelles il serait personnellement exposé en cas de retour en République démocratique du Congo, pays dont il se déclare originaire ; que, par suite, en désignant ce pays comme destination de la mesure d'éloignement, le préfet du Puy-de-Dôme n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Bruno A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 27 avril 2011 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Givord, président-assesseur,

M. Seillet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 mai 2011,

Le président-assesseur,

P-Y. GivordLe président de la Cour,

J-M. Le Gars

La greffière,

F. Desmoulières

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 10LY02097


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY02097
Date de la décision : 10/05/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : CABINET GUILLANEUF ET HABILES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-05-10;10ly02097 ?
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