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29/03/2011 | FRANCE | N°10LY00852

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 29 mars 2011, 10LY00852


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 19 avril 2010, présentée par le PREFET DE L'ISERE ;

Le PREFET DE L'ISERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905848, en date du 23 mars 2010, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions, du 30 novembre 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour à M. El Mostapha A, obligation pour celui-ci de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer

à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite, et lui a e...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 19 avril 2010, présentée par le PREFET DE L'ISERE ;

Le PREFET DE L'ISERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905848, en date du 23 mars 2010, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions, du 30 novembre 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour à M. El Mostapha A, obligation pour celui-ci de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite, et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour d'un an portant la mention vie privée et familiale à M. El Mostapha A, dans le délai d'un mois à compter de la notification dudit jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. El Mostapha A devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

Il soutient que sa décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. El Mostapha A n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que celui-ci est entré en France pour la dernière fois en 2005, qu'il n'a plus de vie commune avec son épouse et qu'il n'établit pas exercer l'autorité parentale sur la fille mineure de cette dernière ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 9 octobre 2010 à la Cour et régularisé le 18 octobre 2010, présenté pour M. El Mostapha A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que les décisions du PREFET DE L'ISERE en litige sont entachées d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation et ont méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant ; qu'en effet, il réside habituellement en France depuis au moins 2002, il vit avec son épouse depuis plus de sept ans, il est titulaire de l'autorité parentale sur la fille de son épouse, il a noué des liens avec cet enfant et il contribue à ses besoins ;

Vu la décision du 1er juillet 2010, par laquelle M. El Mostapha A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mars 2011 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les observations de Me Aboudahab, avocat de M. A,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée à nouveau à Me Aboudahab ;

Considérant que, pour annuler la décision du 30 novembre 2009 par laquelle le PREFET DE L'ISERE a refusé le renouvellement de la carte de séjour délivrée à M. A en qualité de conjoint de française et, par voie de conséquence, les décisions du même jour lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination, le Tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'autorité administrative a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant marocain né en 1952, s'est vu remettre un passeport par le Consul général du Royaume du Maroc en France le 5 septembre 2002, qu'il a présenté une demande de titre de séjour au préfet de l'Hérault le 23 septembre 2002, qui a été rejetée, qu'il a épousé une ressortissante française, en France, le 9 août 2003 et a déposé une demande de titre de séjour à la préfecture de l'Isère le 12 août suivant, qui a été rejetée, qu'il a été immatriculé au Consulat général du Maroc à Lyon le 30 juin 2004, qu'il a déposé une nouvelle demande de titre de séjour à la préfecture de l'Isère le 10 octobre 2005, qui a été rejetée, qu'il était présent lors de l'audience du 23 janvier 2006 devant le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Grenoble, saisi d'une demande de délégation de l'autorité parentale sur l'enfant mineur de son épouse, qui a été accordée par jugement du 6 février 2006, qu'il s'est vu délivrer, en sa qualité de conjoint d'une ressortissante française, une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale valable du 3 avril 2007 au 2 avril 2008, qui a été renouvelée une fois, et qu'il a travaillé en tant qu'ouvrier polyvalent palettes du 1er septembre 2007 au 31 août 2008 et en tant qu'ouvrier espaces verts, du 5 mai au 31 décembre 2009 ; que si ces éléments permettent d'établir que M. A séjournait en France depuis sept ans à la date de décision en litige, à l'exception d'un voyage au Maroc durant le mois d'août de l'année 2005, il est arrivé sur le territoire national à l'âge de cinquante ans et a passé la majeure partie de sa vie au Maroc ; que si M. A produit les cartes d'identité française de ses trois soeurs et la carte de résident de son frère afin d'établir qu'ils résidaient en France depuis longtemps, les membres de sa famille vivaient dans le département du Var alors qu'il résidait dans le département de l'Isère ; que M. A ne conteste pas la réalité de la rupture de la communauté de vie avec son épouse à la date de la décision en litige ; que s'il soutient que cette rupture a été passagère et qu'il est retourné vivre avec son épouse le 1er décembre 2009, cette circonstance, à la supposer établie, serait postérieure à la date de la décision de refus de séjour et donc sans incidence sur sa légalité ; que s'il soutient encore qu'il était titulaire de l'autorité parentale sur la fille de son épouse, la mère partageait l'exercice de l'autorité parentale avec lui et il n'établit pas qu'il entretenait des liens réguliers avec cet enfant depuis la rupture de la communauté de vie avec son épouse ni qu'il contribuait à ses besoins ; que, dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision de refus de séjour contestée ait porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision du PREFET DE L'ISERE, du 30 novembre 2009, refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. A au motif qu'elle a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, par voie de conséquence, les décisions du même jour faisant obligation pour celui-ci de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays de destination ;

Considérant qu'il y a lieu, toutefois, pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel de l'ensemble du litige, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A tant devant le Tribunal administratif de Grenoble que devant elle ;

Sur la légalité de la décision du 30 novembre 2009 et de la décision confirmative du 21 janvier 2010 par lesquelles le PREFET DE L'ISERE a refusé le renouvellement du titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) restreignent l'exercice des liber tés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) et qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a demandé le renouvellement de son titre de séjour en qualité de conjoint de française le 19 mars 2009, lequel lui a été refusé par le PREFET DE L'ISERE, par décision du 30 novembre 2009, en raison de la cessation de la communauté de vie avec son épouse ; que M. A a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision le 29 décembre 2009, lequel a été rejeté par une décision du PREFET DE L'ISERE du 21 janvier 2010 ; que la décision de refus de séjour du 30 novembre 2009, qui contient l'exposé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée au regard des dispositions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 susvisée ; que si M. A soutient que cette rupture a été passagère et qu'il est retourné vivre avec son épouse le 1er décembre 2009, la seule production d'une attestation de son épouse faisant état d'un retour au domicile conjugal, ne suffit pas à l'établir ; qu'en l'absence de modification de droit ou de fait de la situation de l'intéressé entre le 30 novembre 2009, date du refus d'octroi du titre de séjour sollicité, et le 21 janvier 2010, date de la décision rejetant le recours gracieux alors formé, cette dernière ne constitue qu'une simple décision confirmative de la première, et est suffisamment motivée ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ces décisions doit être écarté ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) et qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du même code : Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé. (...) ;

Considérant que, dès lors que M. A ne conteste pas la réalité de la rupture de la communauté de vie avec son épouse à la date du 30 novembre 2009 et n'établit pas qu'il est retourné vivre avec son épouse le 1er décembre 2009, le PREFET DE L'ISERE n'a ni commis d'erreur de fait, ni méconnu les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant les décisions en litige ;

Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ;

Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, si M. A établit qu'il était titulaire de l'autorité parentale sur la fille de son épouse, la mère partageait l'exercice de l'autorité parentale avec lui et il n'établit pas qu'il entretenait des liens réguliers avec cet enfant depuis la rupture de la communauté de vie avec son épouse ni qu'il contribuait à ses besoins ; que, par suite, le PREFET DE L'ISERE n'a pas méconnu les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant en prenant les décisions en litige ;

Considérant que, pour l'ensemble des raisons qui viennent d'être exposées, il ne saurait être tenu pour établi que le PREFET DE L'ISERE a commis une erreur manifeste d'appréciation en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant que, compte tenu de ce qui vient d'être dit, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de ce que la décision faisant obligation à M. A de quitter le territoire français serait illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour du 30 novembre 2009 sur laquelle elle se fonde, doit être écarté ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux retenus ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de titre de séjour, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est entachée ni d'erreur de fait ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A, et n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant que M. A n'a soulevé aucun moyen à l'encontre de la décision fixant le pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration du délai d'un mois, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ; que, par suite, ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi ne peuvent qu'être écartées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE L'ISERE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 30 novembre 2009 portant refus de délivrance d'un titre de séjour à M. A, obligation pour celui-ci de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays de destination, et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour d'un an portant la mention vie privée et familiale à M. El Mostapha A, dans le délai d'un mois à compter de la notification dudit jugement ;

Sur les conclusions de M. A tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit du conseil de M. A, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0905848 du 23 mars 2010 du Tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande de M. A présentée devant le Tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DE L'ISERE, à M. El Mostapha A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2011 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Montsec, président assesseur,

M. Raisson, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 mars 2011.

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N° 10LY00852


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY00852
Date de la décision : 29/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : ABOUDAHAB

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-03-29;10ly00852 ?
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