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07/03/2011 | FRANCE | N°10LY02637

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 07 mars 2011, 10LY02637


Vu le recours, enregistré le 26 novembre 2010, présenté par le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002359 en date du 21 septembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions en date du 17 novembre 2009 et du 19 janvier 2010 par lesquelles la commission de médiation droit au logement opposable du département du Rhône a rejeté la demande de classement prioritaire et urgent de M. et Mme Jean-Pierre A en vue de l'accès à un logement ;



2°) de confirmer les décisions prises par la commission de médiation du...

Vu le recours, enregistré le 26 novembre 2010, présenté par le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002359 en date du 21 septembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions en date du 17 novembre 2009 et du 19 janvier 2010 par lesquelles la commission de médiation droit au logement opposable du département du Rhône a rejeté la demande de classement prioritaire et urgent de M. et Mme Jean-Pierre A en vue de l'accès à un logement ;

2°) de confirmer les décisions prises par la commission de médiation du département du Rhône en date des 17 novembre 2009 et 19 janvier 2010 ;

Le ministre soutient que le Tribunal administratif a commis une erreur de droit en estimant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit que les personnes responsables d'une procédure d'expulsion diligentée à leur encontre seraient, pour ce motif, inéligibles au dispositif institué par la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable ; qu'en effet, la loi comme le règlement ont posé comme condition la bonne foi du demandeur ; qu'il y a lieu de se référer sur ce point aux dispositions de l'article L. 441-2-3 II et de l'article R. 441-14-1 du code de construction et de l'habitation ; que plusieurs décisions de jurisprudence ont admis qu'une demande pouvait être rejetée en raison de la mauvaise foi du demandeur ; qu'en l'espèce, les requérants n'ont pas usé paisiblement des locaux qui leur avaient été loués ; qu'ils étaient, par conséquent, de mauvaise foi ; qu'il suffit à cet égard de se reporter au jugement du Tribunal d'instance de Villeurbanne en date du 14 mai 2009 qui a prononcé l'expulsion ; que c'est en raison des faits qui leur sont reprochés que la commission de médiation a pu estimer, le 17 novembre 2009, à bon droit que les requérants qui disposaient d'un logement social n'ont pas su s'y maintenir et qu'ils sont directement à l'origine de cette situation, que, dans sa décision du 19 janvier 2010, en réponse au recours gracieux de M. A, la commission a relevé que le comportement de la famille demeurait inchangé et qu'une plainte avait été déposée à leur encontre ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 février 2011 :

- le rapport de M. Bézard, président ;

- et les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;

Considérant que, par jugement en date du 21 septembre 2010, le Tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions en date du 17 novembre 2009 et du 19 janvier 2010 par lesquelles la commission de médiation droit au logement opposable du département du Rhône a rejeté la demande de classement prioritaire et urgent de M. et Mme A en vue de l'accès à un logement ; que le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT relève appel de ce jugement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 300-1 du code de la construction et de l'habitation : Le droit à un logement décent et indépendant, mentionné à l'article 1er de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement, est garanti par l'Etat à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définies par décret en Conseil d'Etat, n'est pas en mesure d'y accéder par ses propres moyens ou de s'y maintenir. Ce droit s'exerce par un recours amiable puis, le cas échéant, par un recours contentieux dans les conditions et selon les modalités fixées par le présent article et les articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1. ; qu'aux termes de l'article L. 441-2-3 de ce même code relatif aux attributions de la commission de médiation : II.-La commission de médiation peut être saisie par toute personne qui, satisfaisant aux conditions réglementaires d'accès à un logement locatif social, n'a reçu aucune proposition adaptée en réponse à sa demande de logement dans le délai fixé en application de l'article L. 441-1-4. Elle peut être saisie sans condition de délai lorsque le demandeur, de bonne foi, est dépourvu de logement, menacé d'expulsion sans relogement, hébergé ou logé temporairement dans un établissement ou un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, logé dans des locaux impropres à l'habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux. Elle peut également être saisie, sans condition de délai, lorsque le demandeur est logé dans des locaux manifestement suroccupés ou ne présentant pas le caractère d'un logement décent, s'il a au moins un enfant mineur, s'il présente un handicap au sens de l'article L. 114 du code de l'action sociale et des familles ou s'il a au moins une personne à charge présentant un tel handicap. (...). ; qu'aux termes de l'article R. 441-14-1 du code précité : La commission, saisie sur le fondement du II ou du III de l'article L. 441-2-3, se prononce sur le caractère prioritaire de la demande et sur l'urgence qu'il y a à attribuer au demandeur un logement ou à l'accueillir dans une structure d'hébergement, en tenant compte notamment des démarches précédemment effectuées dans le département ou en Ile-de-France dans la région. Peuvent être désignées par la commission comme prioritaires et devant être logées d'urgence en application du II de l'article L. 441-2-3 les personnes de bonne foi qui satisfont aux conditions réglementaires d'accès au logement social qui se trouvent dans l'une des situations prévues au même article et qui répondent aux caractéristiques suivantes : (...)- avoir fait l'objet d'une décision de justice prononçant l'expulsion du logement ;(...). ;

Considérant que pour annuler la décision de la commission de médiation droit au logement opposable du département du Rhône, en date du 17 novembre 2009, qui a déclaré irrecevable la demande de classement prioritaire et urgent présentée par M. A, au motif que l'intéressé était à l'origine de la menace d'expulsion dont il faisait alors l'objet pour cause de troubles de jouissance, et la décision de cette même commission en date du 19 janvier 2010 rejetant le recours gracieux de l'intéressé au motif que les troubles du voisinage qui lui étaient reprochés s'étaient poursuivis au-delà du 17 novembre 2009 et avaient fait l'objet de dépôts de plaintes pénales, les premiers juges ont estimé qu'il ne résultait d'aucune disposition législative ou réglementaire que les personnes responsables d'une procédure d'expulsion diligentée à leur encontre seraient, pour ce motif, inéligibles au dispositif institué par la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 de laquelle sont issues les dispositions législatives précitées ; que le ministre soutient que le tribunal administratif a commis une erreur de droit dans la mesure où M. A, dont il a été constaté judiciairement qu'il n'a pas usé paisiblement des locaux qui lui avaient été loués, ne peut être regardé comme étant de bonne foi au sens des dispositions susrappelées ;

Considérant qu'il ressort des travaux préparatoires de la loi, qui font expressément référence à l'évolution de la législation écossaise en la matière, que le législateur a pris acte de ce que l'autorité compétente dans cette partie du Royaume-Uni, n'est plus tenue de s'assurer que le demandeur se trouve privé de logement du fait de son propre comportement et que sa condition sociale, vis-à-vis de la nécessité de se loger, est la résultante d'une situation intentionnelle ; qu'en l'espèce, si les troubles du voisinage et les incivilités reprochés à la famille de M. A, qui sont à l'origine de leur expulsion, ont été sanctionnés civilement par la résiliation judiciaire de leur bail, ces mêmes agissements font l'objet ou sont susceptibles de faire l'objet de poursuites devant les tribunaux répressifs et passibles des peines prévues par le code pénal ; qu'ainsi, en opposant, dans ce contexte, à l'intéressé son propre comportement regardé implicitement comme une absence de bonne foi, par référence à l'article L. 441-2-3 II et à l'article R. 441-14-1 du code de la construction et de l'habitation, la commission de médiation droit au logement opposable du département du Rhône a, par ces décisions du 17 novembre 2009 et du 19 janvier 2010 rejetant les demandes de M. A, édicté, de facto, à l'encontre de l'intéressé une déchéance ou une sanction accessoire ne reposant formellement sur aucun texte législatif ou réglementaire, et, par suite, commis une erreur de droit, alors même qu'il s'agit d'un cas particulièrement difficile à traiter qui doit, néanmoins, être abordé dans le respect de la dignité humaine, avec le souci de ne pas aggraver le sort du demandeur et de sa famille en les plaçant dans une situation de précarité et d'errance, facteurs destructeurs de toute socialisation ; qu'il s'ensuit que le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions de la commission de médiation droit au logement opposable du département du Rhône en date du 17 novembre 2009 et du 19 janvier 2010 ; que son recours doit, en conséquence, être rejeté.

DECIDE :

Article 1er : Le recours n° 10LY02637 du MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT est rejeté.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT et à M. et Mme Jean-Pierre A.

Délibéré après l'audience du 15 février 2011 à laquelle siégeaient :

M. Bézard, président de chambre,

M. Chenevey et Mme Chevalier-Aubert, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 7 mars 2011.

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N° 10LY02637

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY02637
Date de la décision : 07/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

38-07 LOGEMENT. - DROIT AU LOGEMENT OPPOSABLE. CONDITION DE BONNE FOI EXIGÉE DU DEMANDEUR. HYPOTHÈSE OÙ LE DEMANDEUR A FAIT L'OBJET D'UNE MESURE D'EXPULSION JUDICIAIRE EN RAISON DE TROUBLES CAUSÉS AU VOISINAGE. COMPORTEMENT NE POUVANT CARACTÉRISER UNE ABSENCE DE BONNE FOI. DÉCISION DE LA COMMISSION DROIT AU LOGEMENT OPPOSABLE ENTACHÉE D'ERREUR DE DROIT (LOI N° 2007-290 DU 5 MARS 2007 CODIFIÉE SOUS L'ARTICLE L. 441-2-3 II) ET L'ARTICLE R. 441-14-1 DU CODE DE LA CONSTRUCTION ET DE L'HABITATION.

38-07 Le législateur ayant pris acte au cours des travaux préparatoires de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007, codifiée dans le code de la construction et de l'habitation, de ce qu'une législation étrangère ne prenait plus en compte la situation résultant des agissements du demandeur aboutissant à une privation de logement, d'une part, et, d'autre part, les agissements du demandeur, sanctionnés civilement par la résiliation de son bail, étant également susceptibles de faire l'objet de poursuites devant les tribunaux répressifs et passibles des peines édictées par le code pénal commet une erreur de droit, la commission droit au logement opposable qui, pour fonder sa décision rejetant la demande de classement prioritaire et urgent présentée par l'intéressé lui oppose son propre comportement, assimilé à une absence de bonne foi, dans la mesure où ce motif constitue en fait une déchéance ou une sanction accessoire ne reposant formellement sur aucun texte législatif ou réglementaire.


Composition du Tribunal
Président : M. BEZARD
Rapporteur ?: M. Alain BEZARD
Rapporteur public ?: M. BESSON

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-03-07;10ly02637 ?
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