Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2009 au greffe de la Cour, présentée pour M. Bruno A, ... ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0602570, en date du 17 mars 2009, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes dont il a été déclaré redevable au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2002 et de la période du 1er janvier au 31 décembre 2004, et, d'autre part, à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) d'ordonner la décharge de ces droits et pénalités ;
3°) de condamner le Trésor public aux dépens ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros, à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de condamner l'administration à lui rembourser la totalité des frais liés à la déclaration de cessation de paiement qu'il va devoir déposer en raison du refus que l'administration a opposé à sa demande de sursis de paiement ;
Il soutient que :
- l'administration fiscale a estimé à tort que le chiffre d'affaires servant de référence pour l'application du régime de franchise en base prévu à l'article 293 B du code général des impôts ne devait pas être diminué du montant de la taxe sur la valeur ajoutée les années où il a bénéficié de ce régime ; cette analyse repose sur une confusion entre les qualités de " non assujetti " et de " non redevable " ; il est lui-même assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée pour son activité, en application des articles 256 I et 256 A du code général des impôts et n'entre dans aucun des cas d'exonération prévus aux articles 261 à 263 du même code ;
- l'analyse de l'administration se fonde sur une " précision doctrinale " D 2-1 du 2 janvier 2003 qui ajoute à la loi ; elle ne correspond ni au texte de la loi fiscale ni à celui de la 6ème directive de la Communauté européenne, qui distingue elle-même " exonération " et " franchise " ;
- cette analyse de l'administration n'a aucune justification économique et aboutit à ne le faire bénéficier du régime de franchise qu'une année sur deux, alors même que ses tarifs sont fixés au prix du marché et que son chiffre d'affaires ne présente pas des variations significatives ; elle est en elle-même contraire à la volonté de simplification qui est à l'origine du régime de franchise ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ; le ministre conclut au rejet de la requête de M. A ; il soutient que le chiffre d'affaires servant de référence pour l'application du régime de franchise doit être déterminé distinctement selon que les opérations réalisées bénéficient ou non du régime de la franchise ; que, si la dispense de paiement de la taxe sur la valeur ajoutée résultant de ce régime n'est pas une exonération, elle en a tous les effets ; que la situation du requérant est celle de tous les contribuables confrontés à un effet de seuil ; que l'application du régime de la franchise n'a ni pour objectif ni pour effet d'introduire une distorsion de concurrence ; que le requérant avait la possibilité d'opter pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 293 F du code général des impôts ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 15 avril 2010, présenté pour M. A, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens et par les moyens supplémentaires que l'administration reconnaît que, contrairement à ce qui est dit dans le jugement attaqué, la franchise n'est pas une exonération ; qu'il ne s'agit pas en l'espèce d'un simple effet de seuil, dans la mesure où son chiffre d'affaires est resté constant ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 février 2011 :
- le rapport de M. Montsec, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;
Considérant qu'à la suite d'un contrôle sur pièces, portant sur les années 2002 à 2004, l'administration fiscale a constaté que le chiffre d'affaires réalisé au cours des années 2001 et 2003 par l'entreprise de bar que M. Bruno A exploite à titre individuel à Marcigny (Saône-et-Loire) dépassait le seuil prévu pour pouvoir bénéficier du régime dit de " franchise de base " de la taxe sur la valeur ajoutée défini aux articles 293 A et suivants du code général des impôts ; que M. A fait appel du jugement en date du 17 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée dont il a été en conséquence déclaré redevable au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2002 et de la période du 1er janvier au 31 décembre 2004 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 293 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années en litige : " I. - 1. Pour leurs livraisons de biens et leurs prestations de services, les assujettis établis en France bénéficient d'une franchise qui les dispense du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée lorsqu'ils n'ont pas réalisé au cours de l'année civile précédente un chiffre d'affaires supérieur à : / a. 76 300 euros s'ils réalisent des livraisons de biens, des ventes à consommer sur place ou des prestations d'hébergement ; / b. 27 000 euros s'ils réalisent d'autres prestations de services. / 2. Lorsqu'un assujetti réalise des opérations relevant des deux limites définies au 1, le régime de la franchise ne lui est applicable que s'il n'a pas réalisé au cours de l'année civile précédente un chiffre d'affaires global supérieur à 76 300 euros et un chiffre d'affaires afférent à des prestations de services autres que des ventes à consommer sur place et des prestations d'hébergement supérieur à 27 000 euros. / II. - 1. Les dispositions du I cessent de s'appliquer aux assujettis dont le chiffre d'affaires de l'année en cours dépasse le montant de 84 000 euros s'ils réalisent des livraisons de biens, des ventes à consommer sur place ou des prestations d'hébergement, ou 30 500 euros s'ils réalisent d'autres prestations de services. / 2. Pour les assujettis visés au 2 du I, le régime de la franchise cesse de s'appliquer lorsque le chiffre d'affaires global de l'année en cours dépasse le montant de 84 000 euros ou lorsque le chiffre d'affaires de l'année en cours afférent aux prestations de services autres que les ventes à consommer sur place et les prestations d'hébergement dépasse le montant de 30 500 euros. / 3. Les assujettis visés aux 1 et 2 deviennent redevables de la taxe sur la valeur ajoutée pour les prestations de services et les livraisons de biens effectuées à compter du premier jour du mois au cours duquel ces chiffres sont dépassés (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 293 D du même code : " I. Les chiffres d'affaires mentionnés aux I, II et IV de l'article 293 B sont constitués par le montant hors taxe sur la valeur ajoutée des livraisons de biens et des prestations de services effectuées au cours de la période de référence, à l'exception des opérations exonérées (...) " ; qu'aux termes de l'article 293 E du même code : " Les assujettis bénéficiant d'une franchise de taxe mentionnée à l'article 293 B ne peuvent opérer aucune déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, ni faire apparaître la taxe sur leurs factures, notes d'honoraires ou sur tout autre document en tenant lieu. / En cas de délivrance d'une facture, d'une note d'honoraires ou de tout autre document en tenant lieu par ces assujettis pour leurs livraisons de biens et leurs prestations de services, la facture, la note d'honoraires ou le document doit comporter la mention : " TVA non applicable, article 293 B du CGI " ;
Considérant que les dispositions de l'article 293 D du code général des impôts prévoient ainsi expressément que l'appréciation du franchissement des seuils de chiffre d'affaires définis à l'article 293 B est effectuée par rapport à un chiffre d'affaires constitué par le montant hors taxe sur la valeur ajoutée des livraisons de biens et des prestations de services effectuées au cours de la période de référence ; que, cependant, en instaurant une interdiction de déduire la taxe sur la valeur ajoutée grevant les opérations réalisées par les bénéficiaires de la franchise de taxe sur la valeur ajoutée, en prohibant toute mention de la taxe sur la valeur ajoutée sur les factures délivrées et en prescrivant de faire figurer sur ces factures la mention " taxe sur la valeur ajoutée non applicable ", les dispositions précitées de l'article 293 E créent un régime qui, sans constituer une exonération de taxe sur la valeur ajoutée, en a les mêmes effets, à savoir en particulier que les bénéficiaires ont l'avantage d'être dispensés du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle il sont en principe assujettis, mais, en compensation, ne peuvent pas déduire la taxe sur la valeur ajoutée d'amont ; que, dans ces conditions, M. A n'est pas fondé à soutenir qu'en cas d'application de ce régime de franchise, le montant du chiffre d'affaires servant de référence pour l'appréciation de la condition de plafond fixée par la loi fiscale devrait être diminué d'une taxe sur la valeur ajoutée virtuelle à laquelle le contribuable resterait ainsi assujetti tout en étant dispensé de son paiement ; qu'en définitive, seule la taxe sur la valeur ajoutée effectivement payée peut être déduite du chiffre d'affaires devant être pris en considération ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise individuelle de M. A, qui s'établit à 89 966 euros pour l'année 2001 et à 88 721 euros pour l'année 2003, excède pour ces deux années le seuil de 76 300 euros fixé par les dispositions précitées du a du 1 du I de l'article 293 B du code général des impôts, et même le plafond de 84 000 euros défini au 1 du II de ce même article ; qu'au titre de ces deux années, pendant lesquelles M. A bénéficiait du régime de franchise de la taxe sur la valeur ajoutée, ce chiffre d'affaires doit être considéré en lui-même comme étant hors taxe sur la valeur ajoutée, puisqu'aucune taxe n'était payée par l'intéressé et ne pouvait même être mentionnée sur ses factures ; que, dès lors, M. A, qui ne peut utilement faire valoir ni que ses tarifs sont constants et conformes au marché, ni que l'application de cette règle complique la gestion de son entreprise en faisant alterner les périodes pendant lesquelles il peut bénéficier du régime de franchise et celles où il doit payer la taxe sur la valeur ajoutée, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration lui a refusé le bénéfice du régime de franchise en base de taxe sur la valeur ajoutée pour les années 2002 et 2004 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 17 mars 2009, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées, ainsi, en tout état de cause, que ses conclusions tendant à la condamnation du Trésor aux dépens, qui sont sans objet, aucun dépens n'ayant été exposé ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Bruno A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Délibéré après l'audience du 3 février 2011, à laquelle siégeaient :
M. Duchon-Doris, président de chambre,
M. Montsec, président-assesseur
Mme Besson-Ledey, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 mars 2011.
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N° 09LY01158