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24/02/2011 | FRANCE | N°10LY02014

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 24 février 2011, 10LY02014


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 18 août 2010, présentée pour Mme Nour El Houda , épouse , domiciliée ... ;

Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001636, en date du 15 juillet 2010, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère, du 15 février 2010, portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ainsi qu'à l'annulation de la décision du préfet de l'Isère du 23 mars 2010 rejetant so

n recours gracieux ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmention...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 18 août 2010, présentée pour Mme Nour El Houda , épouse , domiciliée ... ;

Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001636, en date du 15 juillet 2010, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère, du 15 février 2010, portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ainsi qu'à l'annulation de la décision du préfet de l'Isère du 23 mars 2010 rejetant son recours gracieux ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour temporaire portant la mention étudiant ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de huit jours et de réexaminer sa situation administrative dans le délai d'un mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient que la décision de refus de séjour et celle rejetant son recours gracieux sont entachées d'erreur de droit, d'erreur de fait et d'insuffisance de motivation dès lors qu'elle a sollicité à deux reprises un titre de séjour en qualité d'étudiante et non en tant que conjointe de français et que le préfet de l'Isère a omis de statuer sur sa demande de titre de séjour en qualité d'étudiante ; que, pour les mêmes raisons, les premiers juges ont méconnu les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ont dénaturé les faits et n'ont pas suffisamment motivé leur décision ; que l'obligation de quitter le territoire français et celle rejetant son recours gracieux ont méconnu les stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle est convoquée en mai 2010 à une audience dans l'instance de demande d'annulation de son mariage, en application des articles 252-1, 252-2, 252-3 et 255 du code civil, et que l'exécution de la mesure d'éloignement l'empêcherait d'assurer sa défense ; que les mêmes décisions sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle est convoquée en avril, mai et juin 2010 à des épreuves de l'examen de brevet d'études professionnelles métiers du secrétariat et que l'exécution de la mesure d'éloignement l'empêcherait d'y participer ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 27 janvier 2011, présenté par le préfet de l'Isère, qui conclut au rejet de la requête en se référant à ses observations formulées devant le Tribunal administratif ;

Vu les pièces complémentaires, enregistrées à la Cour le 4 février 2011, produites pour Mme ;

Vu la pièce complémentaire, enregistrée à la Cour le 7 février 2011, soit après la clôture d'instruction de l'affaire, produite pour Mme ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 février 2011 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme , ressortissante algérienne née le 22 septembre 1990, a épousé un ressortissant français en Algérie le 10 mai 2006 et est entrée en France le 16 juin 2007 munie de son passeport revêtu d'un visa ; qu'elle a obtenu un titre de séjour en qualité de conjointe de français, valable du 17 octobre 2008 au 16 octobre 2009 ; que, le 15 février 2010, le préfet de l'Isère a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a désigné le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ; qu'il ressort des termes mêmes de la décision de refus de séjour du 15 février 2010 et d'un courrier de la préfecture de l'Isère du 22 octobre 2009 adressé en recommandé à Mme en vue de faire compléter la demande de titre de séjour déposée par celle-ci, le 19 août 2009, que cette demande, à laquelle a répondu le préfet par la décision attaquée du 15 février 2010, était faite en qualité de conjointe de français ; que Mme ne justifie pas du dépôt, le 19 août 2009, d'une demande de titre de séjour en qualité d'étudiante ; que la lettre, en date du 27 octobre 2009, par elle adressée aux services de la préfecture de l'Isère, qui précise qu'elle a des attaches familiales en Algérie et en France, qu'elle est étudiante en terminale du brevet d'études professionnelles métiers du secrétariat, qu'elle a obtenu le diplôme d'études en langue française A2, qu'elle a réalisé des stages professionnels et dispose de promesses d'embauche pendant les vacances scolaires, qu'elle est intégrée et qu'elle a des amis, ne constitue pas une demande de titre de séjour en qualité d'étudiante, au sens du chapitre II de la loi du 12 avril 2000 susvisée ; que Mme a adressé au préfet de l'Isère, par l'intermédiaire de son conseil, le 8 mars 2010, un recours gracieux dirigé contre les décisions du 15 février 2010 portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français, lequel a été rejeté le 23 mars 2010 ; que si elle a précisé, dans le courrier du 8 mars 2010 précité, qu'elle a demandé le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiante et non en qualité de conjointe de français, et en admettant même que ce courrier puisse être regardé, dans son second volet, comme une demande de titre de séjour en qualité d'étudiante, cette nouvelle demande, postérieure à la décision de refus de séjour contestée, n'est pas l'objet du litige dont la Cour est présentement saisie ; que, dans ces conditions, Mme n'est pas fondée à soutenir que la décision de refus de séjour et celle rejetant son recours gracieux sont entachées d'erreur de droit, d'erreur de fait et d'insuffisance de motivation au motif qu'elle a sollicité à deux reprises un titre de séjour en qualité d'étudiante et non en tant que conjointe de français et que le préfet de l'Isère a omis de statuer sur sa demande de titre de séjour en qualité d'étudiante ; que, pour les mêmes raisons, elle n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges ont méconnu les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ont dénaturé les faits et n'ont pas suffisamment motivé leur décision ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Considérant que, comme il a été dit plus haut, dans une lettre du 27 octobre 2009 adressée par Mme aux services de la préfecture de l'Isère, il était précisé que l'intéressée était alors étudiante en terminale du brevet d'études professionnelles métiers du secrétariat ; que la requérante produit un certificat établissant qu'elle poursuivait sa scolarité, au cours de l'année 2009-2010, au lycée polyvalent de Vienne à Saint Romain en Gal ; qu'ainsi, en lui faisant obligation, le 15 février 2010, de quitter le territoire français, alors qu'elle était en dernière année d'études en vue de l'obtention, quelques mois plus tard, du brevet d'études professionnelles des métiers du secrétariat, diplôme qu'elle obtiendra au demeurant le 6 juillet 2010, le préfet de l'Isère a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de la requérante ; que, dès lors, Mme est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision rejetant son recours gracieux en tant qu'il est dirigé contre la mesure d'éloignement ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme est seulement fondée à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre celles-ci ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (... ) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé et qu' aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ;

Considérant, qu'à la suite de l'annulation d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressée d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'une décision portant obligation de quitter le territoire français et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressée doit être réexaminée au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prescrire au préfet de l'Isère de délivrer, dans le délai de quinze jours, à Mme une autorisation provisoire de séjour et de se prononcer sur sa situation dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que Mme a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Aboudahab, avocat de Mme , renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat une somme mille euros au profit de Me Aboudahab, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 15 juillet 2010 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de Mme tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Isère du 15 février 2010 l'obligeant à quitter le territoire français et de la décision du 23 mars 2010 rejetant son recours gracieux en tant qu'il est dirigé contre la mesure d'éloignement.

Article 2 : La décision du préfet de l'Isère du 15 février 2010 faisant obligation à Mme de quitter le territoire français et celle du 23 mars 2010 rejetant son recours gracieux en tant qu'il est dirigé contre la mesure d'éloignement sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à Mme une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours et de se prononcer sur sa situation dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera la somme de mille euros à Me Aboudahab, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Nour El Houda , épouse , et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 10 février 2011 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Fontanelle, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 février 2011.

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N° 10LY02014


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY02014
Date de la décision : 24/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : ABOUDAHAB

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-02-24;10ly02014 ?
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