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03/02/2011 | FRANCE | N°09LY00967

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 03 février 2011, 09LY00967


Vu la requête enregistrée le 6 mai 2009, présentée pour le SYNDICAT UNICINE, UNION DES CINEMAS dont le siège est 15 rue de Berri à Paris (75008) ;

Le SYNDICAT UNICINE, UNION DES CINEMAS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0608175 du 24 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation, d'une part, de la décision du 27 juillet 2005 par laquelle la directrice du Centre national de la cinématographie a alloué une aide de 600 000 euros à la société Plein Champ pour la rénovation du cinéma le Comoedia que cette s

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Vu la requête enregistrée le 6 mai 2009, présentée pour le SYNDICAT UNICINE, UNION DES CINEMAS dont le siège est 15 rue de Berri à Paris (75008) ;

Le SYNDICAT UNICINE, UNION DES CINEMAS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0608175 du 24 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation, d'une part, de la décision du 27 juillet 2005 par laquelle la directrice du Centre national de la cinématographie a alloué une aide de 600 000 euros à la société Plein Champ pour la rénovation du cinéma le Comoedia que cette société exploite à Lyon, en vue de l'ouverture d'un complexe d'art et d'essai de six salles, d'autre part, de la décision par laquelle la directrice du Centre a signé la convention relative aux conditions de versement de la subvention ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir lesdites décisions ;

3°) de mettre à la charge du Centre national de la cinématographie et de la société Plein Champ une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le SYNDICAT UNICINE, UNION DES CINEMAS soutient que le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation et d'une omission à statuer sur le moyen tiré de l'appréciation erronée de la viabilité économique du projet ; que Lyon n'est pas sous-équipé en capacité de fauteuils de cinémas ; que l'appréciation de cette capacité ne doit pas être limitée, d'une part, aux salles d'art et d'essai mais doit intégrer les établissements qui diffusent de telles oeuvres, d'autre part, doit s'appliquer à la ville et non au seul quartier d'implantation de l'opération subventionnée, enfin ne doit pas se faire par comparaison avec des villes mieux dotées présentant une offre tarifaire nettement moins élevée ; que la décision est entachée d'erreur d'appréciation des conséquences de l'ouverture d'un complexe d'art et essai sur la viabilité économique des cinémas concurrents qui, s'ils subissent une baisse de fréquentation de 10 % à 20 %, ne seront plus rentables ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 17 septembre 2009, par lequel le SYNDICAT UNICINE, UNION DES CINEMAS conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; il soutient, en outre, que des membres suppléants de la commission d'aide sélective à la création et à la modernisation des salles de cinéma ont irrégulièrement pris part à l'émission de l'avis favorable d'aide au projet de rénovation du Comoedia, ce qui a abouti à une surreprésentation de l'association française des cinémas d'art et d'essai et des directions régionales des affaires culturelles ;

Vu le mémoire enregistré le 25 mars 2010 et régularisé le 20 avril 2010, présenté pour le Centre National du Cinéma et de l'Image Animée, dont le siège est 12 rue de Lübeck à Paris Cedex 16 (75784) ;

Le Centre National du Cinéma et de l'Image Animée conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que le SYNDICAT UNICINE, UNION DES CINEMAS qui a pour objet statutaire de défendre les intérêts professionnels des exploitants de cinémas au niveau national, n'a pas intérêt à agir contre une décision de subvention qui n'a que des incidences locales ; que la signature de la convention, n'ayant pas de caractère décisoire, n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir ; que la décision attributive de subvention étant créatrice de droits, devait être retirée en cas d'illégalité dans les quatre mois ; que ne l'ayant pas été, elle est devenue définitive, ce qui entache de tardiveté la demande de première instance ; subsidiairement, que la directrice générale de l'établissement avait compétence pour allouer la subvention ; que s'il est d'usage de convoquer tous les membres titulaires et suppléants aux séances de la commission d'aide sélective à la création et à la modernisation des salles de cinéma, les suppléants n'ont pas pris part aux débats en présence des titulaires ; que la comparaison de Lyon avec Nice et Marseille ne peut être retenue, précisément en raison du sous-équipement notable de ces deux villes en cinémas d'art et d'essai ; que le secteur d'implantation du Comoedia est sous-équipé ; qu'à l'échelle de la ville, le sous-équipement apparaît lorsqu'est mesurée la capacité en nombre de fauteuils, plutôt qu'en nombre d'établissements ou d'écrans ; que la capacité de l'Institut Lumière n'a pas été prise en compte en raison de l'objet particulier de cette institution ; que les établissements diffusant des films porteurs ne peuvent être pris en compte dans l'appréciation de l'offre dès lors que ces films ne représentent qu'une des cinq catégories d'oeuvres que doivent diffuser les cinémas d'art et essai ; que la viabilité économique du projet ressort des objectifs de fréquentation de l'exploitant et de l'absence de concurrence dans le secteur d'implantation ; que, pour le même motif, les cinémas concurrents ne subiront pas d'effets néfastes sur leur rentabilité ; que la fermeture récente à Lyon d'un cinéma d'art et essai est imputable à la gestion de l'exploitant et à la vétusté de l'équipement ;

Vu le mémoire enregistré le 2 juin 2010, présenté pour la société Plein Champ exploitant le cinéma Comoedia, dont le siège est 13 avenue Berthelot à Lyon (69007) ;

La société Plein Champ conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :

1°) de condamner le Centre National du Cinéma et de l'Image Animée à la garantir à hauteur de la somme qu'elle aurait à restituer en cas d'annulation de la décision de subvention litigieuse ;

2°) de mettre à la charge du SYNDICAT UNICINE, UNION DES CINEMAS une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Plein Champ soutient que le SYNDICAT UNICINE, UNION DES CINEMAS qui a pour objet statutaire de défendre les intérêts professionnels des exploitants de cinémas au niveau national, n'a pas intérêt à agir contre une décision qui bénéficie à l'un de ses membres et qui n'a que des incidences locales ; que la signature de la convention, n'ayant pas de caractère décisoire, n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir ; subsidiairement, qu'il n'est pas établi que les suppléants auraient pris part aux débats de la commission en présence des titulaires ;

Vu la lettre par laquelle la Cour a, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, informé les parties de ce qu'elle est susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité du moyen tiré de l'irrégularité qui entacherait l'avis émis par la commission d'aide sélective à la création et à la modernisation des salles de cinéma, appartenant à la cause juridique de la légalité externe qui n'a pas été articulée dans le délai d'appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 91-1131 du 25 octobre 1991 portant définition et classement des salles de spectacles cinématographiques d'art et essai ;

Vu le décret n° 98-750 du 24 août 1998 relatif au soutien financier et à la diffusion de certaines oeuvres cinématographiques ;

Vu le décret n° 2002-568 du 22 avril 2002 portant définition et classement des établissements de spectacles cinématographiques d'art et essai ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 janvier 2011 :

- le rapport de M. Arbarétaz, premier conseiller ;

- les observations de Me Arrighi de Casanova, représentant le SYNDICAT UNICINE, UNION DES CINEMAS et celles de Me Abati, représentant la société Plein Champ ;

- et les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée à Me Arrighi de Casanova et à Me Abati ;

Sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par les intimés à la demande de première instance ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne conditionne l'allocation d'une aide à la création ou à la modernisation de cinémas d'art et d'essai à la rentabilité des projets à subventionner ; qu'il suit de là que le Tribunal n'a pu entacher le jugement attaqué d'irrégularité en écartant sans y statuer expressément le moyen, inopérant, tiré de l'absence de viabilité économique du projet de rénovation du Comoedia présenté par la société Plein Champ ;

Sur le fond du litige :

Considérant, en premier lieu, que le SYNDICAT UNICINE, UNION DES CINEMAS n'ayant pas articulé de moyen de légalité externe dans le délai d'appel, n'est plus recevable à invoquer dans son mémoire en réplique enregistré le 17 septembre 2009, l'irrégularité qui entacherait l'avis émis par la commission d'aide sélective à la création et à la modernisation des salles de cinéma ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 19 du décret du 24 août 1998, dans sa rédaction alors en vigueur : Des subventions peuvent être accordées pour la modernisation et la création d'établissements de spectacles cinématographiques implantés (...) dans les agglomérations insuffisamment équipées en établissements de spectacles cinématographiques dont la ou les salles sont classées dans la catégorie prévues par le décret du 25 octobre 1991 susvisé. / L'octroi des subventions est subordonné à la conclusion d'une convention entre le Centre national de la cinématographie et l'exploitant bénéficiaire, qui fixe notamment les modalités de versement de l'aide ainsi que les cas dans lesquels celle-ci est sujette à répétition. / Les décisions relatives à l'octroi des subventions sont prises par le directeur général du Centre national de la cinématographie (...) ; qu'en vertu de l'article 1er du décret du 25 octobre 1991 auquel avait été substitué l'article 1er du décret du 22 avril 2002, en vigueur à la date des décisions litigieuses, ne peuvent obtenir de classement dans la catégorie art et essai que les cinémas qui diffusent 1°) des oeuvres de recherche et de nouveauté, 2°) des oeuvres de qualité dépourvues de l'audience que méritent leurs qualités, 3°) des oeuvres reflétant la vie de pays dont la production est peu diffusée en France, 4°) oeuvres classiques de l'histoire du cinéma, 5°) des courts métrages expérimentaux, 6°) occasionnellement, des oeuvres récentes à la fois exigeantes et populaires ainsi que des oeuvres d'amateurs présentant une qualité exceptionnelle ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que ne sont éligibles à l'aide publique que les exploitants qui proposent de diffuser exclusivement des films appartenant aux cinq premières catégories d'oeuvre définies par les articles 1er des décrets du 25 octobre 1991 et du 22 avril 2002 ; qu'en conséquence, l'offre locale préexistante, dont l'insuffisance conditionne l'octroi de l'aide, doit être appréciée en fonction du niveau d'équipement des salles qui diffusent exclusivement des oeuvres relevant d'une ou plusieurs catégories d'oeuvres justifiant un classement en art et essai ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte des données collationnées dans le rapport sur lequel s'est appuyé le directeur général du Centre National de la Cinématographie pour accorder à la société Plein Champ une aide à la reconversion du Comoedia, que l'agglomération lyonnaise est dotée de salles d'art et essai de petite capacité, souvent vétustes, dont la dispersion ne permet pas d'offrir à la clientèle un niveau de choix et de confort conformes aux normes actuelles ; que cette circonstance suffit à caractériser le sous-équipement de l'agglomération en cinémas d'art et essai sans qu'il y ait lieu d'intégrer l'offre des complexes généralistes ou de l'Institut Lumière qui, s'ils diffusent soit des oeuvres populaires de recherche ou de nouveauté soit des oeuvres appartenant au patrimoine historique du cinéma, ne sont pas classés art et essai ;

Considérant, d'autre part, que la circonstance que certaines grandes agglomérations françaises sont encore moins bien dotées que Lyon en cinémas d'art et essai est sans incidence sur la légalité des décisions litigieuses qui n'ont pas eu pour effet de désavantager un projet présenté dans l'une de ces agglomérations ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le SYNDICAT UNICINE, UNION DES CINEMAS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions du SYNDICAT UNICINE, UNION DES CINEMAS doivent être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge du SYNDICAT UNICINE, UNION DES CINEMAS une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Plein Champ et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du SYNDICAT UNICINE, UNION DES CINEMAS est rejetée.

Article 2 : Le SYNDICAT UNICINE, UNION DES CINEMAS versera à la société Plein Champ

une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au SYNDICAT UNICINE, UNION DES CINEMAS, au Centre National du Cinéma et de l'Image Animée, à la société Plein Champ et au ministre de la culture et de la communication.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2011 à laquelle siégeaient :

M. du Besset, président de chambre,

Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

M. Arbarétaz, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 février 2011.

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N° 09LY00967


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY00967
Date de la décision : 03/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. Philippe ARBARETAZ
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : BACHELLIER - POTIER DE LA VARDE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-02-03;09ly00967 ?
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