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01/02/2011 | FRANCE | N°10LY01866

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 4ème chambre, 01 février 2011, 10LY01866


Vu la requête, enregistrée au greffe le 5 août 2010, présentée pour Mme Nirina Aimée A, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002881 en date du 6 juillet 2010, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 4 mai 2010, par lequel le préfet de la Haute-Savoie a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision du même jour fixant le pays dont elle a la nationalité comme destination de la recond

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2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;

3°) d'e...

Vu la requête, enregistrée au greffe le 5 août 2010, présentée pour Mme Nirina Aimée A, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002881 en date du 6 juillet 2010, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 4 mai 2010, par lequel le préfet de la Haute-Savoie a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision du même jour fixant le pays dont elle a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale sans délai, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à tout le moins, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de son traitement médical ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les décisions en litige ont été signées par une autorité incompétente, ne lui ont pas été notifiées et sont entachées d'un défaut de motivation ; qu'il appartenait au préfet, avant de les prendre, de procéder à un véritable examen de sa situation personnelle, familiale et médicale ; que ces décisions méconnaissent les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation eu égard à son état de santé ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 janvier 2011 :

- le rapport de M. du Besset, président ;

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ;

Considérant que si Mme A, de nationalité malgache, déclare être entrée en France en 2005 munie de son passeport revêtu d'un visa, elle ne produit pas ce visa et ne justifie donc pas d'une entrée régulière sur le territoire français ; qu'elle n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité à la date de la mesure d'éloignement, le 4 mai 2010 ; qu'ainsi, elle était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que l'arrêté en litige a été signé par M. Jean-François Raffy, secrétaire général de la préfecture de la Haute-Savoie, qui, en vertu d'un arrêté préfectoral du 31 août 2009 publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, disposait d'une délégation à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département , à l'exception d'actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions relatives à la police des étrangers ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige aurait été pris par une autorité incompétente doit être écarté ;

Considérant que les conditions de notification d'un acte administratif sont sans influence sur sa légalité ; qu'ainsi Mme A ne sauraient faire valoir utilement que les décisions en litige ne lui auraient pas été notifiées ;

Considérant que Mme A soutient que l'arrêté en litige est insuffisamment motivé en ce qu'il ne fait aucune référence à la pathologie dont elle souffre ; que toutefois, si l'obligation de motiver les mesures portant reconduite à la frontière d'un étranger, qui résulte des dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, implique que ces décisions comportent l'énoncé des éléments de droit et de fait qui fondent la mise en oeuvre de la procédure d'éloignement, l'autorité administrative n'est pas tenue de préciser tous les éléments de fait spécifiques à la situation de l'étranger qui ne font pas obstacle à la mise en oeuvre de cette procédure ; qu'il ressort, en l'espèce, de l'examen de l'arrêté en litige qu'il vise notamment les dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne les circonstances justifiant de leur application et précise que la requérante n'établit pas entrer dans l'une des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement en vertu de l'article L. 511-4 du même code et que la mesure d'éloignement ne méconnaît pas les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la mesure de reconduite à la frontière prise à l'encontre de Mme A ; que, dès lors, cet arrêté répond aux exigences de motivation posées tant par les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l' entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que par celles de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Savoie se serait abstenu de procéder à un examen particulier de la situation de Mme A avant de prendre une décision de reconduite à la frontière à son encontre ;

Considérant qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière ou d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) ;

Considérant que, si des documents médicaux établis antérieurement à la date de la mesure d'éloignement contestée établissent que l'état de santé de Mme A nécessite une prise en charge médicale, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le défaut d'une telle prise en charge pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que dès lors, Mme A n'est pas fondée à soutenir qu'elle remplit les conditions pour se voir délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes raisons, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige sur sa situation personnelle ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que Mme A soutient qu'elle a tissé des liens forts avec sa famille d'accueil en France, qui lui procure un logement et des ressources, que sa présence sur le territoire français ne porte pas atteinte à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou des droits et libertés d'autrui, qu'elle n'a pas fait l'objet de poursuites pénales, qu'elle n'a pas été placée en rétention administrative ni assignée à résidence et que son âge et son état de santé ne lui interdisent pas d'exercer une activité professionnelle à temps partiel ; que, toutefois, la requérante, qui est célibataire et sans enfant à charge, n'a pas de famille en France alors qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où vit notamment sa mère ; qu'elle a toujours vécu en situation irrégulière sur le territoire national et n'apporte pas la preuve de son intégration au sein de la société française ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté de reconduite à la frontière n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une mesure de reconduite à la frontière ;

Sur la décision fixant le pays de destination

Considérant que la décision fixant le pays de renvoi de Mme A est suffisamment motivée en droit par le visa des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette décision doit, par ailleurs, être regardée comme suffisamment motivée en fait par l'indication de ce que l'intéressée est de nationalité malgache et qu'elle pourra être reconduite d'office à la frontière du pays dont elle a la nationalité dès lors qu'elle n'établit pas qu'elle serait admise dans un autre pays ni qu'elle y serait exposée à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas d'exécution de la décision ; que, dès lors, le moyen tiré d'une insuffisante motivation au regard des dispositions de la loi du 11 juillet 1979 susvisée doit être écarté ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant reconduite à la frontière de Mme A, les moyens soulevés à l'encontre de la décision désignant le pays de destination, tirés de l'incompétence de l'auteur, du défaut de notification, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés ;

Considérant que le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en examiner le bien-fondé ;

Considérant, enfin, que Mme A ne peut utilement invoquer les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre de la décision fixant le pays de destination ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Nirina Aimée A , au préfet de la Haute Savoie et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

Lu en audience publique, le 1er février 2011.

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N° 10LY01866


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 10LY01866
Date de la décision : 01/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Emmanuel du BESSET
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : MONBRISON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-02-01;10ly01866 ?
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