Vu la requête, enregistrée le 27 juillet 2009, présentée pour M. Jean-Claude A, domicilié 7 impasse des Caves, Benaud à Laps (63270) ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0702191 du 7 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à :
- ce que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que la Banque de France soit déclarée responsable de la rupture de ce contrat ;
- la condamnation de la Banque de France à lui verser une indemnité d'un montant total de 636 371,35 euros ;
2°) de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail du 8 octobre 1991, et de déclarer la Banque de France entièrement responsable de la rupture dudit contrat de travail ;
3°) de condamner la Banque de France à lui verser les sommes suivantes, outre les intérêts de droit à compter du dépôt de sa réclamation préalable, et la capitalisation des intérêts :
- 139 869,80 euros, au titre de pertes de salaire ;
- 47 022,40 euros au titre de pertes de droits à la retraite complémentaire ;
- 13 986 euros, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
- 251 765 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 30 000 euros au titre de dommages et intérêts pour préjudice lié à la discrimination ;
4°) de mettre à la charge de la Banque de France la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'il ne pouvait solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail, au motif que la décision réglementaire n° 79 du 27 décembre 1937 ne prévoit le licenciement que par suppression d'emploi, mesure disciplinaire ou pour incapacité physique, alors que ladite décision réglementaire ne traite de la protection des agents de la Banque de France qu'en cas de licenciement, sans faire obstacle à l'application des dispositions du code du travail quant à la résiliation judiciaire du contrat de travail pour manquements graves de l'employeur, alors qu'aucune réglementation particulière aux agents de la Banque de France ne s'oppose à l'application des dispositions du code du travail sur la résiliation judiciaire du contrat de travail ; le juge administratif considère que la faute commise par la personne publique du fait d'une modification unilatérale du contrat peut justifier la résiliation dudit contrat à ses torts ;
- dès lors qu'il fait partie du personnel du cadre latéral, et contrairement aux agents statutaires, il est un agent contractuel hors statut soumis, comme tout salarié ayant signé un contrat de travail, aux dispositions du code du travail ; aucune disposition particulière propre au statut du personnel de la Banque de France ne faisait obstacle à l'application d'une résiliation judiciaire de son contrat de travail ;
- contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, les dispositions des articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail constituent un principe général du droit ;
- la date de rupture du contrat aux torts de la Banque de France doit être fixée au 9 mars 2009, date de notification par lettre de la décision de licenciement ;
- dès lors que la Banque de France lui a volontairement retiré ses fonctions, et a procédé à une rétrogradation de fait, elle a manqué à l'exécution de ses obligations contractuelles, et ces manquements sont susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts, qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; il a droit, dès lors, à toutes les indemnités de rupture, à l'indemnisation de ses pertes de salaires et de droits à la retraite jusqu'à la date de son départ à la retraite, le 30 novembre 2010, et à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour préjudice lié à la discrimination ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 janvier 2010, présenté pour la Banque de France, représentée par son gouverneur en exercice, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- les conclusions tendant à la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. A sont irrecevables, au regard des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, à défaut d'avoir été précédées d'une demande préalable de résiliation ;
- M. A était soumis à la décision réglementaire n° 79 du 27 décembre 1937, excluant la résiliation judiciaire pour inexécution des obligations qui, selon la jurisprudence, produit les effets d'un licenciement, et il ne pouvait se prévaloir que des dispositions de cette décision réglementaire ;
- les conclusions tendant à la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. A ne sont pas fondées, dès lors que la Banque de France n'a pas manqué à ses obligations, puisque les fonctions du requérant et son positionnement hiérarchique n'ont aucunement été modifiés par la nouvelle organisation de la papeterie, l'intéressé ayant été maintenu dans ses fonctions de responsable des services techniques, sous la responsabilité de l'adjoint au directeur ; le requérant n'apporte aucun élément à l'appui de son affirmation selon laquelle le refus de le nommer aux fonctions d'adjoint au directeur aurait été motivé par son âge ; il n'établit pas davantage avoir été victime d'une discrimination en raison de sa qualité d'agent du cadre latéral ;
- il ne résulte pas des éléments du dossier que M. A aurait subi un préjudice de carrière, eu égard à sa rémunération, déterminée par son contrat de travail par référence à une catégorie du personnel titulaire ou auxiliaire, et à celle d'un agent du même âge exerçant des fonctions sur un poste sensiblement plus élevé que le sien ;
- aucune pression n'a jamais été exercée sur M. A pour l'inciter à partir plus tôt à la retraite ; le lien entre les pressions prétendument exercées sur le requérant et l'accident du travail dont il a été victime n'est pas démontré ; il n'a pas fait l'objet d'une mise à l'écart, mais l'administration a été parfois amenée à organiser des réunions hors de sa présence, du fait de l'heure de ces réunions, et ses supérieurs hiérarchiques conduits à prendre des décisions à sa place, alors que lui-même a parfois refusé d'assumer les fonctions liées à son poste ;
- c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions indemnitaires de la demande de M. A, dès lors que ce dernier avait affirmé dans ses écrits qu'il n'entendait demander des indemnités qu'à raison de la résiliation judiciaire ; en l'absence de faute imputable à la Banque de France, les conditions de mise en jeu de sa responsabilité ne sont pas réunies ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 mars 2010, présenté pour M. A, qui maintient les conclusions de sa requête, par les mêmes moyens, tout en chiffrant à 20 980,47 euros l'indemnité compensatrice de préavis réclamée ;
Il soutient, en outre, que sa demande avait bien été précédée d'une réclamation préalable, du 11 octobre 2007, comportant une demande de résiliation judiciaire et des conclusions indemnitaires chiffrées ;
Vu le mémoire, enregistré le 15 avril 2010, présenté pour la Banque de France, qui maintient ses conclusions pour les mêmes motifs ;
Vu l'ordonnance en date du 29 juin 2010, par laquelle la date de la clôture de l'instruction a été fixée au 1er septembre 2010 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code monétaire et financier, notamment son article L. 144-3 ;
Vu le code civil, et notamment son article 1134 ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 décembre 2010 :
- le rapport de M. Seillet, premier conseiller ;
- les observations de Me Delvolvé, pour la Banque de France ;
- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la partie présente ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par la Banque de France ;
Considérant que M. A, recruté par la Banque de France, par un contrat de travail du 8 octobre 1991, en qualité d'agent du cadre latéral permanent de la fabrication des billets, pour y occuper un emploi d'ingénieur chef de service maintenance électrique, a été affecté, initialement, à l'imprimerie de Chamalières ; que ce contrat a fait l'objet de plusieurs avenants ; qu'en particulier, par un avenant du 21 juin 1999, il a été stipulé que M. A prendrait ses fonctions à la papeterie de Vic-le-Comte en qualité d'adjoint au directeur chargé du Technique, à compter du 28 juin suivant ; que, par un avenant ultérieur, il a été mentionné que la fonction confiée à M. A était celle de responsable des services techniques ; que M. A fait appel du jugement du 7 mai 2009 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant, d'une part, à ce que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que la Banque de France soit déclarée responsable de la rupture de ce contrat et, d'autre part, à la condamnation de la Banque de France à lui verser diverses indemnités ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 142-1 du code monétaire et financier : La Banque de France est une institution dont le capital appartient à l'Etat ; qu'elle constitue une personne publique chargée par la loi de missions de service public qui, ayant principalement pour objet la mise en oeuvre de la politique monétaire, le bon fonctionnement des systèmes de compensation et de paiement et la stabilité du système bancaire, sont pour l'essentiel de nature administrative ; qu'elle n'a pas le caractère d'un établissement public mais revêt une nature particulière et présente des caractéristiques propres ; qu'au nombre des caractéristiques propres à la Banque de France figure l'application à son personnel des dispositions du code du travail qui ne sont incompatibles ni avec son statut, ni avec les missions de service public dont elle est chargée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1134 du code civil : Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que l'article L. 121-1 du code du travail, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 1221-1 du même code, dispose que : Le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être constaté dans les formes qu'il convient aux parties contractantes d'adopter ; que le principe général du droit dont s'inspirent ces dispositions implique que toute modification des termes d'un contrat de travail recueille l'accord à la fois de l'employeur et du salarié ;
Considérant qu'il résulte des stipulations du contrat du 8 octobre 1991, par lequel M. A a été recruté en qualité d'agent du cadre latéral permanent de la fabrication des billet, que sa situation était régie par les dispositions de décisions réglementaires, et notamment de l'article 27 de la décision réglementaire n° 79 du 27 décembre 1937 selon lesquelles : - Les agents permanents comptant plus de deux ans de présence dans le cadre latéral ne peuvent être licenciés avant la limite d'âge prévue, en conformité de l'article 44, que par suppression d'emploi, par mesure disciplinaire ou pour incapacité physique ; que si l'existence de telles dispositions n'est pas, par elle-même, incompatible avec le principe général du droit énoncé ci-dessus, il convient cependant d'appliquer ce principe en tenant compte notamment des limitations que lesdites dispositions peuvent apporter à la possibilité pour l'employeur de mettre fin au contrat ;
Considérant que M. A affirme qu'il a fait l'objet d'un déclassement, et qu'il a été privé, à partir du mois de juin 2007, de la plupart de ses attributions, soit par un retrait pur et simple de celles-ci, soit par la suppression des moyens nécessaires à leur exercice, et, en particulier, que sa qualité d'adjoint au directeur de la papeterie, figurant sur l'avenant à son contrat de travail du 25 mai 1994, a été remise en cause ; qu'il affirme également qu'il n'aurait été ni informé de la tenue de certaines réunions, ni convoqué auxdites réunions relevant de son domaine de compétence, et que des décisions relevant de sa compétence auraient été prises par ses supérieurs hiérarchiques ; qu'il ne résulte, toutefois, pas de l'instruction, et notamment des organigrammes produits par le requérant lui-même, que les modifications apportées par la Banque de France aux conditions d'exercice des fonctions confiées par son contrat d'engagement, à M. A, qualifié, ainsi qu'il a été dit, dans un avenant à son contrat de travail antérieur aux faits qu'il évoque, de responsable des services techniques, seraient excessives au regard du principe général de droit énoncé ci-dessus, eu égard au fait que les dispositions précitées de la décision réglementaire n° 79 du 27 décembre 1937 limitent strictement les cas dans lesquels la Banque de France pouvait mettre fin à ce contrat de travail ; qu'il n'en résulte pas davantage que M. A aurait subi une discrimination à raison de son âge ou de son appartenance au cadre latéral ; que, dès lors, M. A ne peut se prévaloir, en tout état de cause, de manquements à l'exécution des obligations contractuelles de la Banque de France, susceptibles de justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de ladite personne publique ni demander, par suite, la condamnation de la Banque de France à lui verser les indemnités afférentes à ladite résiliation judiciaire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ; que doivent être également rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions de la Banque de France tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par la Banque de France et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : M. A versera à la Banque de France la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Claude A et à la Banque de France.
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2010 à laquelle siégeaient :
M. Givord, président,
M. Seillet et Mme Dèche, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 7 janvier 2011.
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N° 09LY01803