La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/01/2011 | FRANCE | N°10LY00404

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 04 janvier 2011, 10LY00404


Vu, I, sous le numéro 10LY00404, la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 19 février 2010 et régularisée le 22 février 2010, présentée pour M. Hajrulah A, domicilié chez CADA ADOMA, 19, rue du 14 juillet 1789 à Villeurbanne (69100) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904452, en date du 13 octobre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 27 mars 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire f

rançais dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel il sera...

Vu, I, sous le numéro 10LY00404, la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 19 février 2010 et régularisée le 22 février 2010, présentée pour M. Hajrulah A, domicilié chez CADA ADOMA, 19, rue du 14 juillet 1789 à Villeurbanne (69100) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904452, en date du 13 octobre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 27 mars 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient qu'il justifie d'une parfaite intégration en France, où il résidait depuis deux ans et demi à la date de la décision en litige en compagnie de son épouse et de leurs enfants, et qu'il ne peut pas poursuivre une vie privée et familiale normale en Serbie de sorte que la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est, en outre, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'eu égard aux risques de persécution qu'il encourt dans son pays d'origine, la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 21 juillet 2010, présenté pour le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que M. A ne peut pas se prévaloir d'une vie privée et familiale ancienne enracinée en France et qu'il n'établit pas davantage l'impossibilité pour lui de mener une vie familiale en Serbie de sorte que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés ; qu'en se bornant à produire une documentation relative au contexte général de tensions entre albanais et serbes dans sa région d'origine, le requérant ne démontre pas la réalité des risques qu'il prétend encourir en cas de retour en Serbie et ne peut pas se prévaloir d'une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les pièces complémentaires, produites pour M. A, enregistrées à la Cour les 8 novembre et 9 décembre 2010 ;

Vu II, sous le numéro 10LY00405, la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 19 février 2010 et régularisée le 22 février 2010, présentée pour Mme Florije SELMANI, épouse A, domiciliée chez CADA ADOMA, 19, rue du 14 juillet 1789 à Villeurbanne (69100) ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904453, en date du 13 octobre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 27 mars 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle invoque, à l'appui de sa requête, les mêmes moyens que ceux soulevés par son mari dans sa propre requête et soutient, en outre, qu'elle ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié en Serbie, pays où elle a vécu les événements traumatisants qui sont à l'origine de sa pathologie de sorte que la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 21 juillet 2010, présenté pour le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;

Il reprend, au soutien de ses conclusions, les mêmes moyens que ceux, indiqués précédemment, qu'il a exposés en réponse à la requête enregistrée sous le n° 10LY00404 et soutient, en outre, que Mme A ne démontre pas la réalité des violences qu'elle allègue avoir subies en Serbie et ne peut donc pas se prévaloir d'une violation du 11° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu les pièces complémentaires, produites pour Mme A, enregistrées à la Cour les 8 novembre et 9 décembre 2010 ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2010 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les observations de Me Delbes, avocat de M. et Mme A,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée à nouveau à Me Delbes ;

Considérant que les requêtes susvisées sont présentées par des époux et présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;

Sur la légalité des décisions portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, de nationalité serbe, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en faisant notamment état du syndrome de stress post-traumatique dont elle est atteinte ; que la décision du 27 mars 2009 par laquelle le préfet du Rhône lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour a été prise au vu d'un avis en date du 27 janvier 2009, par lequel le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales du Rhône a estimé que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, Mme A peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que les pièces médicales produites au dossier, et notamment les certificats médicaux établis les 6 juillet 2007, 20 octobre 2008, 14 janvier 2009 et 23 janvier 2009 par un praticien hospitalier du Centre hospitalier spécialisé Le Vinatier, ne permettent pas de remettre en cause la teneur de cet avis quant à la possibilité, pour Mme A A, à la date de la décision contestée, de bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Serbie ; que, par suite, Mme A n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Rhône a méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour par sa décision du 27 mars 2009 ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A, ressortissants serbes nés respectivement les 1er décembre 1971 et 18 octobre 1974, sont, selon leurs déclarations, entrés irrégulièrement sur le territoire français le 3 septembre 2006, accompagnés de leurs deux enfants nés en Serbie, respectivement les 4 juin 1998 et 18 avril 2001 ; qu'ils font valoir qu'ils ont été contraints de quitter la Serbie du fait des violences qu'ils allèguent avoir subies dans ce pays en raison de l'engagement de M. A au sein du Parti démocratique albanais ; qu'ils se prévalent également de leur bonne intégration au sein de la société française, M. A bénéficiant d'une promesse d'embauche en qualité d'agent d'entretien et Mme A suivant avec assiduité des cours de français ; qu'ils font encore valoir que leurs deux enfants, âgés de 8 et 5 ans à la date des décisions en litige, sont scolarisés en France depuis janvier 2007 et parlent couramment le français ; que, toutefois, les deux époux, entrés récemment en France, deux ans et demi seulement avant que ne soient prises les décisions attaquées, ont vécu en Serbie l'essentiel de leur existence, respectivement jusqu'à l'âge de 35 et 32 ans ; que rien ne fait obstacle à ce qu'ils repartent ensemble, dans leur pays d'origine, où la cellule familiale s'est constituée, où leurs enfants sont nés, où ces derniers pourront poursuivre leur scolarité et où Mme A pourra avoir accès au traitement qui lui est nécessaire ; que, dans ces conditions, les décisions contestées portant refus de titre de séjour à M. et Mme A n'ont pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus et n'ont, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il résulte également de ce qui précède que les décisions contestées ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation personnelle des intéressés ;

Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (...) : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi (...) ; que, pour les motifs qui ont été précédemment énoncés dans le cadre de l'examen de la légalité des refus de titre concernant l'état de santé de Mme A, le préfet du Rhône n'a pas méconnu les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant une mesure d'éloignement à l'encontre de l'intéressée ;

Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ; que ces stipulations font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que M. et Mme A, dont les demandes d'asile ont été rejetées par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 25 avril 2007, confirmées par la Cour nationale de droit d'asile le 26 novembre 2008, font valoir les risques de persécution auxquels les exposeraient, en cas de retour en Serbie, leurs origines albanaises ainsi que l'activité politique de M. A au sein du Parti démocratique albanais ; que ce dernier soutient avoir été victime de violences répétées de la part des autorités de police serbes à partir de l'année 2004 et faire l'objet de poursuites judiciaires ; que Mme A soutient qu'elle a été victime d'une agression sexuelle alors qu'elle tentait de s'interposer lors d'une interpellation de son époux par les policiers serbes ; que, toutefois, les pièces qu'ils produisent à l'appui de leurs récits, consistant en une attestation émanant du tribunal municipal de Presovo, dont l'authenticité n'est pas avérée, ainsi qu'une documentation de caractère général relative aux tensions existant dans leur région d'origine entre serbes et albanais, ne sont pas de nature à établir la réalité des menaces encourues par les intéressés en cas de retour dans leur pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes ; que leurs conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par eux et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme A sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Hajrulah et Mme Florije A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet du Rhône

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Segado, premier conseiller,

M. Levy Ben Cheton, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 janvier 2011.

''

''

''

''

1

6

N° 10LY00404-10LY00405


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY00404
Date de la décision : 04/01/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Avocat(s) : DELBES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-01-04;10ly00404 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award