La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/01/2011 | FRANCE | N°10LY01543

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 3ème chambre, 03 janvier 2011, 10LY01543


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon, le 6 juillet 2010, et le mémoire complémentaire enregistré le 10 décembre 2010, présentés pour M. Eduar A, domicilié chez son conseil, maître Petit, 11 rue Royale à Lyon (69001) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001913 en date du 31 mars 2010, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 28 mars 2010, par lequel le préfet de la Haute-Savoie a ordonn

sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon, le 6 juillet 2010, et le mémoire complémentaire enregistré le 10 décembre 2010, présentés pour M. Eduar A, domicilié chez son conseil, maître Petit, 11 rue Royale à Lyon (69001) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001913 en date du 31 mars 2010, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 28 mars 2010, par lequel le préfet de la Haute-Savoie a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer une carte de séjour mention vie privée et familiale ou, à défaut, une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Il soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre est insuffisamment motivé, qu'il est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur de droit dès lors que le préfet de la Haute-Savoie n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ; que cette même décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants, alors qu'il est titulaire de l'autorité parentale sur ces derniers, en violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention sur les droits de l'enfant ainsi que des dispositions des articles L. 112-4 du code de l'action sociale et des familles ; que la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de l'arrêté de reconduite à la frontière ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observations ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2010 :

- le rapport de M. Fontanelle, président ;

- les observations de Me Petit, avocat de M. A ;

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

- la parole ayant été donnée à nouveau à Me Petit ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant du Kosovo, est entré irrégulièrement en France pour la dernière fois, selon ses propres déclarations, en mars 2009, et n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité à la date de la mesure d'éloignement, le 28 mars 2010 ; qu'ainsi, il entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant, en premier lieu, que la circonstance que l'arrêté de reconduite à la frontière qui énonce les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles il est fondé, et les éléments de fait qui justifient la mesure d'éloignement édictée à l'encontre de M. A, ne mentionne pas, dans ses visas, la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant et la présence en France de l'ex-épouse de M. A et de leurs deux enfants, alors même que l'intéressé a déclaré, lors de son audition par les services de police de 27 mars 2010, que toute sa famille résidait au Kosovo, n'est pas de nature à faire regarder ledit arrêté comme insuffisamment motivé ; qu'il ressort, en outre, des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Savoie qui n'était pas tenu de préciser en quoi la situation particulière de l'intéressé ne faisait pas obstacle à la mise en oeuvre de la procédure d'éloignement, a effectivement procédé à l'examen préalable de la situation personnelle des intéressés ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. et

Considérant que M. A se prévaut de ce qu'il a repris, depuis décembre 2009, une vie commune avec son ex épouse, en situation régulière en France, et leurs deux enfants, qu'il participe à l'éducation et à l'entretien de ces derniers, qu'il lui est impossible de reconstituer la cellule familiale au Kosovo, que l'exécution de la mesure litigieuse le séparerait de son ex épouse et de ses enfants alors qu'il ne peut prétendre au regroupement familial ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A, éloigné du territoire en novembre 2008, est irrégulièrement revenu, en mars 2009 selon ses dires ; qu'à la demande de son ex-épouse, leur divorce a été prononcé, le 10 mars 2008, par le Tribunal de grande instance d'Annecy, aux torts exclusifs de M. A en raison de violations graves et renouvelées des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune et alors que l'intéressé avait abandonné le foyer conjugal ; que l'attestation de l'ex-épouse de l'intéressé, Mme Krasniqi, entrée en France en 2005, seule avec ses deux enfants, selon laquelle la vie commune du couple a repris depuis décembre 2009, établie postérieurement à la date de la décision litigieuse, est dépourvue de valeur probante et n'est étayée par aucune autre pièce du dossier de nature à confirmer la réalité de la communauté de vie à compter de cette date ; que M. A ne peut être regardé comme entretenant avec son ex épouse une relation stable et durable qui, en tout état de cause, si elle était avérée, ne daterait que de quelques mois à la date de la décision litigieuse ; que M. A, qui se déclare sans emploi et sans ressources, n'établit pas subvenir aux besoins matériels et affectifs de ses deux filles, âgées de 12 et 9 ans, avec lesquelles il n'a entretenu aucune relation pendant plusieurs années ; que si M. A produit une attestation d'un psychologue, en charge du suivi de sa fille aînée, faisant état de l'amélioration de l'état psychologique de cette dernière due à la présence de l'intéressé auprès d'elle, la seule production d'un rapport général datant de 2007 ne peut établir que ce suivi ne pourrait être réalisé au Kosovo ; que, dès lors, rien ne fait obstacle à ce que M. A, qui fait l'objet d'un signalement aux fins de non admission par les autorités suisses pour trafic de stupéfiants, puisse reconstituer la cellule familiale avec son ex-épouse, si elle le souhaite, et leurs deux filles au Kosovo, pays dont ils ont la nationalité ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions d'entrée et de séjour du requérant en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 112-4 du code de l'action sociale et des familles : L'intérêt de l'enfant, la prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes décisions le concernant. et qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que s'il ressort des pièces produites par M. A et notamment d'une attestation d'un psychologue, que l'état de sa fille aînée s'est amélioré du fait de la présence de l'intéressé auprès d'elle, à la supposer avérée, il n'est cependant pas établi que M. A, qui ne s'est pas occupé de ses filles pendant plusieurs années et a vécu séparé d'elles, subvient aux besoins de celle-ci et entretient désormais avec elles de réels liens affectifs et matériels ; qu'aucune circonstance ne fait obstacle, ainsi qu'il a été précédemment indiqué, à ce que la cellule familiale se reconstruise au Kosovo ; que, par suite, et nonobstant la circonstance que l'intéressé soit titulaire de l'autorité parentale, le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté ;

Sur la décision distincte fixant le pays de destination

Considérant que M. A ne peut utilement exciper de l'illégalité de l'arrêté de reconduite à la frontière en date du 28 mars 2010 édicté à son encontre par le préfet de la Haute-Savoie pour contester la décision fixant le pays de destination ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Eduar A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Lu en audience publique, le 3 janvier 2011.

''

''

''

''

1

2

N° 10LY01543.DOC

**


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 10LY01543
Date de la décision : 03/01/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guy FONTANELLE
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : PETIT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-01-03;10ly01543 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award