Vu la requête, enregistrée à la Cour le 16 mars 2010, présentée pour Mme Zaza DINAR, épouse A, domiciliée ... ;
Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0906991, en date du 11 février 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 7 août 2009, portant refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention vie privée et familiale à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 196 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Elle soutient que les décisions portant refus de délivrance de certificat de résidence algérien et obligation de quitter le territoire français sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ; que la décision portant refus de délivrance de certificat de résidence algérien méconnaît les stipulations du point 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ; qu'enfin, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont illégales par voie d'exception ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire enregistré le 21 juin 2010, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que ses décisions portant refus de délivrance de certificat de résidence algérien et obligation de quitter le territoire français ne méconnaissent ni les stipulations du point 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant ; que la décision susmentionnée n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Vu les pièces complémentaires enregistrées à la Cour le 26 novembre 2010, produites pour Mme A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er décembre 2010 :
- le rapport de M. Le Gars, président,
- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;
Considérant que Mme A, née le 12 avril 1976 en Algérie, pays dont elle a la nationalité, est entrée en France le 22 novembre 2001 munie d'un passeport revêtu d'un visa D mention étudiant ; qu'elle y a régulièrement séjourné sous couvert d'un certificat de résidence algérien mention étudiant jusqu'au 20 novembre 2004 ; que par décision du 17 février 2005, le préfet du Rhône a refusé de renouveler son certificat de résidence algérien ; que le 18 mai 2009, l'intéressée qui s'était maintenue sur le territoire français, a sollicité du préfet du Rhône la délivrance d'un certificat de résidence algérien mention vie privée et familiale sur le fondement des stipulations du point 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; que, cette dernière demande a fait l'objet d'une décision préfectorale de rejet le 7 août 2009, confirmée par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 février 2010 dont Mme A demande l'annulation ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, Mme A, vivait en France depuis 8 ans, y avait effectué des études universitaires de 2002 et 2004, sanctionnées par l'obtention, le 8 mars 2005, d'une maîtrise en langues, littératures et civilisations étrangères et s'y était mariée, le 28 juin 2008, avec un compatriote résidant en France depuis 31 ans, pour y être entré dès l'âge de 7 ans, et titulaire d'un certificat de résidence algérien valable 10 ans, un enfant étant né de leur union le 11 septembre 2008 ; qu'en outre, son époux occupait un emploi à temps partiel d'agent de sécurité dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée conclu le 27 novembre 2008 ; que, dans ces circonstances, alors même que le mariage était récent et que Mme A était susceptible de bénéficier d'un regroupement familial, la décision du 7 août 2009 a porté au droit de Mme A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; qu'elle a, ainsi, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, cette décision encourt l'annulation ainsi que, par voie de conséquence, les décisions du même jour faisant obligation à Mme A de quitter le territoire français et désignant le pays à destination duquel elle serait renvoyée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ;
Considérant que le présent arrêt, qui annule la décision du préfet du Rhône du 9 août 2009 portant refus de délivrance de certificat de résidence algérien et les décisions subséquentes, implique nécessairement, eu égard au motif sur lequel il se fonde, que le préfet du Rhône délivre le titre sollicité à la requérante ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre audit préfet de délivrer à Mme A un certificat de résidence algérien portant la mention vie privée et familiale, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la requête tendant à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que Mme A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Sabatier, avocat de Mme A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au profit de Me Sabatier, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0906991, rendu le 11 février 2010 par le Tribunal administratif de Lyon, ensemble les décisions du préfet du Rhône, du 7 août 2009, portant refus de délivrance d'un certificat de résidence algérien à Mme A, faisant obligation à cette dernière de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention vie privée et familiale à Mme A, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de mille euros à Me Sabatier, avocat de Mme A, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Zaza A , au préfet du Rhône et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2010 à laquelle siégeaient :
M. Le Gars, président de la Cour,
M. du Besset, président de chambre,
M. Arbaretaz, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 décembre 2010.
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N° 10LY00599