Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 18 février 2010 et régularisée le 22 février 2010, présentée pour Mme Kadire A, domiciliée 61, avenue Hector Berlioz à La Côte Saint-André (38260) ;
Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0903422, en date du 13 octobre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère, du 15 mai 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer, à titre principal, un titre de séjour mention vie privée et familiale dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, et dans les mêmes conditions, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Elle soutient que le préfet de l'Isère a entaché la décision de refus de titre de séjour d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation dès lors qu'elle justifie de circonstances exceptionnelles lui permettant de bénéficier des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette même décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît également les stipulations de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant dès lors que ses enfants sont scolarisés et bien intégrés en France ; que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet de l'Isère s'est estimé en situation de compétence liée par sa décision de refus de titre de séjour, qu'il n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle, n'a pas pris en compte les conséquences de sa décision sur la situation personnelle et familiale eu égard aux risques qu'elle encourt en cas de retour en Macédoine, méconnaissant ainsi les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée tant en fait qu'en droit ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 22 novembre 2010, le mémoire présenté par le préfet de l'Isère qui conclut au rejet de la requête et s'en rapporte à ses écritures de première instance ;
Vu le mémoire enregistré à la Cour le 29 novembre 2010, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, présenté pour Mme A ;
Vu les pièces complémentaires, enregistrées à la Cour le 30 novembre 2010, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, produites pour A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er décembre 2010 :
- le rapport de M. Le Gars, président,
- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;
Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l' entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L 311-7.(...) ;
Considérant qu'il ressort de l'arrêté contesté que le préfet de l'Isère a examiné la demande de titre de séjour de Mme A au regard des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l' entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a fondé son refus sur le fait que la demande ne s'appuyait pas sur des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens de ces dispositions ; que si Mme A fait valoir la parfaite intégration de sa famille en France et les progrès scolaires accomplis par ses enfants dont la scolarisation n'avait, selon elle, pas été possible jusqu'à leur arrivée en France en 2007, ce faisant elle ne se prévaut ni de considérations humanitaires ni de motifs exceptionnels ; que le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut, par suite, être accueilli ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui.
Considérant que Mme A, ressortissante macédonienne née le 13 décembre 1969, qui déclare être entrée sur le territoire national en février 2007, en provenance d'Italie, fait valoir qu'elle-même et sa famille sont pleinement intégrées en France où ses enfants sont scolarisés ; qu'elle soutient également qu'ayant vécu, de 1994 à 2007, en Italie où sont nés ses trois enfants, elle n'est pas retournée en Macédoine depuis 1994 et ne possède plus d'attaches dans ce pays dont ses enfants ne parlent pas la langue ; que ces allégations sont toutefois contraires aux mentions qu'elle a portées sur le formulaire de demande d'asile qu'elle a rempli le 31 mars 2007, déclarant Skopje comme lieu de naissance de ses enfants et Tetovo comme lieu de résidence de son compagnon ; que Mme A ne justifie pas de son séjour en Italie ; que, quoiqu'il en soit, Mme A, âgée de 38 ans lors de son entrée en France, a vécu l'essentiel de son existence en Macédoine où elle a conservé des attaches, notamment en la personne de sa mère et de ses sept frères et soeurs ; que son compagnon, également en situation irrégulière, fait l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'ainsi, rien n'empêche Mme A, dont la demande d'asile a été rejetée, de reconstituer la cellule familiale en Macédoine, avec son compagnon et leurs enfants, âgés de 14, 12 et 10 ans, qui pourront y poursuivre leur scolarité ; que, dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté au droit de Mme A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
Considérant que la circonstance que les trois filles de Mme A sont scolarisées et bien intégrées ne saurait, par elle-même, suffire à démontrer que le préfet de l'Isère a méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant en refusant à Mme A la délivrance d'un titre de séjour, cette décision n'ayant pour conséquence ni de séparer les membres du foyer ni de priver les enfants de la possibilité de poursuivre leur scolarité ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Isère se soit estimé lié par sa décision de refus de titre de séjour édictée à l'encontre de Mme A et ait entaché sa décision portant obligation de quitter le territoire français d'une erreur de droit ;
Considérant, en deuxième lieu, que si Mme A soutient que le préfet de l'Isère n'a pas tenu compte des conséquences de sa décision portant obligation de quitter le territoire français sur sa situation personnelle et familiale, elle ne saurait utilement se prévaloir des prétendus risques résultant de sa seule appartenance à la communauté Rom dont elle ferait l'objet en cas de retour en Macédoine et de la circonstance que ses enfants, nés en Italie, ne connaissent pas la langue de ce pays pour contester la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui n'a pas, par elle-même, pour objet de fixer le pays de destination ;
Considérant, en troisième et dernier lieu, que pour les mêmes motifs que ceux qui ont été précédemment exposés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, la décision contestée portant obligation, pour Mme A, de quitter le territoire français, n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 du la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s' il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. et que ce dernier texte énonce que Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;
Considérant, en deuxième lieu, que la décision attaquée, en tant qu'elle fixe la République de Macédoine comme pays de destination, est suffisamment motivée en droit par le visa des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient que la décision portant obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire ; que cette décision doit par ailleurs être regardée comme suffisamment motivée en fait par l'indication que l'intéressée est de nationalité macédonienne et qu'elle pourra être reconduite d'office à la frontière du pays dont elle a la nationalité ou de tout autre pays où elle établirait être légalement admissible ; que, par suite, et nonobstant la circonstance qu'elle ne vise pas l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le moyen tiré de sa motivation insuffisante doit, en tout état de cause, être écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Kadire A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2010 à laquelle siégeaient :
M. Le Gars, président de la Cour,
M. du Besset, président de chambre,
M. Arbaretaz, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 décembre 2010.
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N° 10LY00378