La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/12/2010 | FRANCE | N°10LY00043

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 17 décembre 2010, 10LY00043


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 13 janvier 2010, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0906069, en date du 15 décembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 19 juin 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour à Mme Karine A, faisant obligation à cette dernière de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obte

mpérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) ...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 13 janvier 2010, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0906069, en date du 15 décembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 19 juin 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour à Mme Karine A, faisant obligation à cette dernière de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme Karine A devant le Tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de Mme A la somme de 1000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que Mme A a fait l'objet d'un signalement Schengen suite à une condamnation pour un vol commis en Suède, pays où elle a toujours contesté avoir résidé ; qu'elle ne justifie pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, alors que ses déclarations quant à sa situation en Arménie ont été jugées non crédibles par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ; qu'elle n'apporte aucune preuve quant au lien de filiation qui la lierait avec les deux enfants qu'elle présente comme ses deux filles ; qu'ainsi, les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation quant à la situation de Mme A ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 31 août 2010, présenté pour Mme Karine A, domiciliée 12, place Croix-Paquet à Lyon (69001), qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1196 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient que la décision de refus de délivrance de titre de séjour est insuffisamment motivée et révèle un défaut d'examen préalable de sa situation ; que le PREFET DU RHONE aurait dû, au vu des informations qu'elle avait portées à sa connaissance au sujet de son état de santé et de celui de sa fille aînée, consulter préalablement le médecin inspecteur de santé publique et se prononcer au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette décision de refus méconnaît les dispositions du 7° et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 et des articles 7 et 8 de la convention internationale des droits de l'enfant ; qu'elle est, enfin, entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination sont illégales en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour qui les fonde ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er décembre 2010 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les observations de Me Pochard, substituant Me Fréry, avocat de Mme A,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée à nouveau à Me Pochard ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Karine A, ressortissante arménienne née le 17 décembre 1974, est, selon ses déclarations, entrée irrégulièrement en France le 18 mars 2004 ; que sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 4 novembre 2004, confirmée par la Commission des recours des réfugiés le 29 juin 2005 ; que sa demande de réexamen de sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 octobre 2005, confirmée par la Commission des recours des réfugiés le 4 juillet 2006 ; que, par jugement en date du 24 novembre 2006, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de Mme A tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 13 octobre 2006, ordonnant la reconduite à la frontière de l'intéressée ; que, par jugement en date du 7 février 2008, le Tribunal administratif de Lyon a annulé, pour défaut de motivation, la décision du PREFET DU RHONE du 31 août 2006 rejetant la demande d'admission exceptionnelle au séjour de Mme A et a enjoint audit préfet de procéder au réexamen de la situation de cette dernière ; qu'après avoir procédé au réexamen qui lui avait ainsi été prescrit, le PREFET DU RHONE a, par arrêté du 28 mars 2008, refusé la délivrance d'un titre de séjour à Mme A et assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ; que, par courrier de son conseil en date du 31 mars 2009, reçu le 3 avril 2009 par le PREFET DU RHONE, Mme A a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou son admission exceptionnelle au séjour à titre humanitaire ; que, par décisions en date 19 juin 2009, le PREFET DU RHONE a refusé de délivrer à Mme A un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a désigné le pays à destination duquel elle serait reconduite si elle n'obtempérait pas à cette obligation ; que, par jugement du 15 décembre 2009, le Tribunal administratif de Lyon a annulé ces dernières décisions ; que le PREFET DU RHONE fait appel de ce jugement ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A, ressortissante arménienne, est entrée irrégulièrement en France le 18 mars 2004, selon ses déclarations, accompagnée de deux petites filles nées en Arménie les 12 avril 1997 et 11 août 1998, qu'elle présente comme étant les enfants qu'elle a eues de sa relation avec son compagnon, d'origine azérie, décédé en Russie au mois de janvier 2005 ; que Mme A élève seule en France, depuis cinq ans, ces deux fillettes, qui, après plusieurs années d'errance, étaient, à la date de la décision en litige, scolarisées depuis quatre ans et respectivement, en cours moyen première année et en cours moyen deuxième année ; qu'en outre, l'aînée des enfants était suivie médicalement pour des troubles anxieux qui nécessitaient qu'elle bénéficie d'une situation stable et sécurisante ; qu'ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, et compte tenu de la volonté et des efforts d'apprentissage de la langue française et d'insertion sociale réalisés par Mme A et les deux enfants dont elle a la charge, la décision par laquelle le PREFET DU RHONE a refusé à Mme A la délivrance d'un titre de séjour a méconnu l'intérêt supérieur des deux fillettes protégé par les stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ; que cette décision est, par suite, illégale et que cette illégalité entraîne celle des décisions prises le même jour afin d'éloigner Mme A du territoire français à destination de l'Arménie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 19 juin 2009 portant refus de délivrance d'un titre de séjour à Mme A ainsi que, par voie de conséquence, ses décisions du même jour faisant obligation à cette dernière de quitter le territoire français et désignant l'Arménie comme pays de destination de la mesure d'éloignement ;

Sur les conclusions du PREFET DU RHONE tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit du PREFET DU RHONE, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Sur les conclusions de Mme A tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que Mme A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Frery, avocat de Mme A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat une somme mille euros au profit de Me Frery, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DU RHONE est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera la somme de mille euros à Me Fréry, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DU RHÔNE, à Mme Karine A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. du Besset, président de chambre,

M. Arbaretaz, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 décembre 2010.

''

''

''

''

1

5

N° 10LY00043


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY00043
Date de la décision : 17/12/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : TOMASI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-12-17;10ly00043 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award