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09/12/2010 | FRANCE | N°10LY01385

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 2ème chambre, 09 décembre 2010, 10LY01385


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 17 juin 2010, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002952 du 14 mai 2010, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon, d'une part, a annulé son arrêté du 11 mai 2010 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Alain Sylvestre A, ainsi que les décisions du même jour fixant le Cameroun comme pays de destination et ordonnant son placement en rétention administrative, d'autre par

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 17 juin 2010, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002952 du 14 mai 2010, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon, d'une part, a annulé son arrêté du 11 mai 2010 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Alain Sylvestre A, ainsi que les décisions du même jour fixant le Cameroun comme pays de destination et ordonnant son placement en rétention administrative, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A au regard de son droit au séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification dudit jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon ;

Il soutient que la décision ordonnant la reconduite à la frontière de M. A a une base légale et n'a pas porté une atteinte excessive au droit de celui-ci au respect de sa vie privée et familiale ; que M. A ne pouvait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires, enregistrés le 22 juillet 2010 et le 10 août 2010, présentés pour le PREFET DU RHONE, qui maintient les conclusions de sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée à M. A qui n'a pas produit d'observations ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2010 :

- le rapport de M. Chanel, président ;

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Considérant que, par la requête susvisée, le PREFET DU RHONE fait appel du jugement du 14 mai 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 11 mai 2010 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A, ainsi que ses décisions du même jour fixant le pays de destination de cette mesure de police et ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé, au motif que la décision de reconduite à la frontière méconnaissait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ;

Considérant que, pour annuler la mesure d'éloignement du PREFET DU RHONE susmentionnée, le Tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur l'atteinte excessive au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant camerounais, vit en concubinage avec Mme Achta Mohamed, de nationalité française, depuis juillet 2007 ; que si, à la date de la décision attaquée, un enfant était attendu de cette relation, M. A a toutefois été interpellé le 10 mai 2010 à la suite de violences qu'il avait commises à l'encontre de sa compagne, alors enceinte, laquelle au demeurant a affirmé, dans deux courriers datés du 18 juin 2010 et du 12 juillet 2010, adressés à la préfecture du Rhône, que M. A était infidèle et était très souvent absent de leur domicile ; qu'eu égard à la nature de ces faits, le PREFET DU RHONE, en prenant la décision de reconduite à la frontière en litige, n'a pas porté une atteinte excessive à la vie privée et familiale de M. A ; que, par suite, le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 11 mai 2010 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A, au motif qu'elle était contraire aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 précité et, par voie de conséquence, ses décisions du même jour fixant le pays de destination de cette mesure de police et ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé ;

Considérant qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A en première instance ;

Sur la décision ordonnant la reconduite à la frontière de l'intéressé :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ;

Considérant que si M. A a déclaré aux services de police, le 10 mai 2010, qu'il est arrivé en France en 2003 sous couvert d'un passeport et d'un visa suisse, il ne produit aucun visa l'ayant autorisé à entrer en France ; que, par ailleurs, il n'était titulaire d'aucun titre de séjour en cours de validité ; qu'ainsi, il entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant, en deuxième lieu, que Mme Marie-Thérèse Delaunay, qui a signé la décision en litige ordonnant la reconduite à la frontière de M. A, bénéficiait d'une délégation de signature du PREFET DU RHONE en date du 29 mars 2010, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture, lui permettant de signer cette décision ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit, par suite, être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort, en l'espèce, de l'examen de l'arrêté en litige qu'il mentionne les dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 du même code ainsi que les circonstances justifiant de leur application ; que l'arrêté vise le procès-verbal d'audition de M. A par les services de police, en date du 10 mai 2010, au cours de laquelle l'intéressé a exposé sa situation familiale ; que l'arrêté précise également qu'il n'est porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée dès lors qu'il ne justifie pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine et qu'il ne démontre pas la stabilité de sa relation avec sa compagne ni une intégration significative au sein de la société française ; que, dès lors, cet arrêté répond aux exigences de motivation posées tant par les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l' entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que par celles de la loi susvisée du 11 juillet 1979 ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés ci-dessus, le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ;

Considérant que si M. A soutient que la décision du 11 mai 2010 privera l'enfant à naître de la présence de son père, en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention précitée, l'enfant dont il s'agit n'était pas encore né lorsque la décision critiquée a été prise ; que, par suite, M. A ne peut utilement se prévaloir de ces stipulations ;

Sur la décision fixant le pays de destination de l'intéressé :

Considérant, en premier lieu, que Mme Marie-Thérèse Delaunay, qui a signé la décision en litige fixant le pays de destination de M. A, bénéficiait d'une délégation de signature du PREFET DU RHONE en date du 29 mars 2010, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture, lui permettant de signer cette décision ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit, par suite, être écarté ;

Considérant, en second lieu, que la décision contestée, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, notamment sa nationalité, est suffisamment motivée ;

Sur la décision ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé :

Considérant, en premier lieu, que Mme Marie-Thérèse Delaunay, qui a signé la décision en litige ordonnant le placement en rétention administrative de M. A, bénéficiait d'une délégation de signature du PREFET DU RHONE en date du 29 mars 2010, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture, lui permettant de signer cette décision ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit, par suite, être écarté ;

Considérant, en second lieu, que la décision contestée, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 11 mai 2010 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. A au regard de son droit au séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification dudit jugement ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1002952 du 14 mai 2010 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DU RHONE, à M. A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Lu en audience publique, le 9 décembre 2010.

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N° 10LY01385


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 10LY01385
Date de la décision : 09/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christian CHANEL
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : TOMASI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-12-09;10ly01385 ?
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