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09/12/2010 | FRANCE | N°10LY01345

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 2ème chambre, 09 décembre 2010, 10LY01345


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 10 juin 2010, présentée pour le PREFET DU PUY-DE-DOME ;

Le PREFET DU PUY-DE-DOME demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002685 du 5 mai 2010 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a, d'une part, annulé l'arrêté du 29 avril 2010 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Djamel et, par voie de conséquence, la décision distincte du même jour fixant le pays de destination de la reconduite, d'autre part, fait injonction de dél

ivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa ...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 10 juin 2010, présentée pour le PREFET DU PUY-DE-DOME ;

Le PREFET DU PUY-DE-DOME demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002685 du 5 mai 2010 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a, d'une part, annulé l'arrêté du 29 avril 2010 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Djamel et, par voie de conséquence, la décision distincte du même jour fixant le pays de destination de la reconduite, d'autre part, fait injonction de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation administrative ;

2°) de rejeter la demande de M. dirigée contre ces décisions ;

Il soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière édicté à l'encontre de M. ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré par télécopie au greffe de la cour le 7 septembre 2010 et régularisé le 8 septembre 2010, et le mémoire complémentaire enregistré le 23 septembre 2010, présentés pour M. Djamel Bélaïd, domicilié ..., qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1000 euros au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que sa présence aux côtés de son père, titulaire d'un certificat de résidence en qualité de retraité, est indispensable eu égard à l'état de santé de ce dernier qui nécessite, outre des soins, une assistance permanente qu'il est le seul à pouvoir lui apporter ; que la décision ordonnant sa reconduite à la frontière porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

Vu le mémoire enregistré le 23 septembre 2010, présenté par le PREFET DU PUY-DE- DOME, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ; il soutient en outre que M. se sert de son père pour justifier un séjour irrégulier ;

Vu le mémoire enregistré par télécopie le 3 novembre 2010, régularisé le 5 novembre 2010, présenté pour M. , qui conclut aux mêmes fins que précédemment ; il soutient en outre que l'arrêté omet la présence en France de son père qui devrait avoir le statut d'étranger malade ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2010 :

- le rapport de M. Chanel , président ;

- les observations de Me Prudhon, avocate de M. ;

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

- la parole ayant été donnée à nouveau à Me Prudhon ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. , de nationalité algérienne, est entré régulièrement en France le 3 août 2008, sous couvert d'un visa court séjour délivré par les autorités espagnoles, et s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 29 avril 2010, il entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. et qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ;

Considérant que, pour annuler l'arrêté de reconduite à la frontière du 29 avril 2010 et la décision subséquente du même jour édictée par le PREFET DU PUY-DE-DOME à l'encontre de M. , le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a retenu la violation, par la mesure de reconduite, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à la circonstance que l'intéressé prend en charge son père, M. Abdelkader , né en 1934, victime d'un accident vasculaire cérébral en 2001, qui souffre notamment de très importants troubles de la mémoire et d'une aphasie, d'une perte d'autonomie évaluée au niveau GIR 3 ; que titulaire d'une carte d'invalidité précisant que son taux d'incapacité est égal ou supérieur à 80 %, ce dernier a besoin de l'assistance constante d'une tierce personne que seul son fils présent en France, M. Djamel , peut lui apporter ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que si le père de M. est titulaire d'un certificat de résidence de dix ans portant la mention retraité, ce titre ne l'autorise à séjourner en France que pour des périodes qui n'excèdent pas un an, en application des stipulations de l'article 7 ter de l'accord franco-algérien ; qu'il n'est pas contesté que le père de M. est présent de façon continue en France depuis août 2008, soit depuis plus d'un an à la date de la décision contestée et qu'à cette date, il résidait donc en situation irrégulière sur le territoire français alors qu'il n'est pas établi, ni même allégué, qu'il disposerait d'un titre en qualité d'étranger malade même s'il est atteint de poly-pathologies consécutives notamment à l'accident vasculaire cérébral dont il a été victime en 2001 alors qu'il résidait en Algérie où il a alors été soigné ; qu'en tout état de cause, il n'est pas établi, alors que l'épouse de ce dernier et leurs douze autres enfants, qui résident en Algérie, que la présence en France de M. Djamel aux côtés de son père malade est indispensable, l'intéressé ayant d'ailleurs indiqué qu'il souhaitait poursuivre des études en France ; que M. est célibataire et sans enfant, a conservé des attaches en Algérie où réside toute sa famille et où il était professeur ; que, par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions de séjour de l'intéressé sur le territoire français à la date de l'arrêté du 5 mai 2010, le PREFET DU PUY-DE-DOME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé, d'une part, l'arrêté de reconduite à la frontière pour violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés, et d'autre part, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de renvoi de la mesure d'éloignement ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. , tant devant le Tribunal administratif que devant la Cour ;

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté par lequel le PREFET DU PUY-DE-DOME a décidé la reconduite à la frontière de M. , en relevant que l'intéressé s'était maintenu au-delà de la durée de validité de son visa et en visant le 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comporte l'exposé des faits et des considérations de droit sur lequel il se fonde et qu'il est ainsi suffisamment motivé, quand bien même il n'indique pas la présence de son père en France ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. , le 29 avril 2010, est signé par M. Jean-Bernard , secrétaire général de la préfecture du Puy-de-Dôme, lequel avait régulièrement reçu délégation de signature du PREFET DU PUY-DE-DOME, par arrêté du 12 février 2010, régulièrement publié le 23 février 2010 au recueil des actes administratifs de la préfecture, l'autorisant à signer, notamment, les arrêtés de reconduite à la frontière, les décisions fixant le pays de renvoi ;

Considérant, en troisième lieu, que M. ne saurait utilement exciper de l'illégalité de la décision de refus implicite de délivrance de titre de séjour, née du silence gardé pendant quatre mois par le PREFET DU PUY-DE-DOME à sa demande de délivrance d'un titre de séjour vie privée et familiale présentée le 18 décembre 2009 dès lors qu'elle ne constitue pas le fondement de la mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant, en quatrième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés dans le cadre de l'examen du motif tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le PREFET DU PUY-DE-DOME n'a pas entaché la décision de reconduite à la frontière d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ladite décision sur la vie privée et familiale de M. ;

Considérant, en cinquième et dernier lieu, que le moyen tiré de l'irrégularité des conditions d'interpellation d'un étranger est inopérant au soutien d'un recours dirigé contre un arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière ; que, par suite, M. ne saurait utilement se prévaloir d'un détournement de pouvoir pour contester la légalité de la mesure de reconduite à la frontière ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, que, comme il a été précédemment indiqué, la décision fixant le pays de destination n'est pas entachée d'un vice d'incompétence ;

Considérant, en deuxième lieu, que contrairement à ce que soutient M. , la décision fixant le pays de destination doit être regardée comme suffisamment motivée en droit notamment par le visa des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en fait par l'indication que l'intéressé est de nationalité algérienne et qu'il pourra être reconduit d'office à la frontière du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays où elle établirait être légalement admissible ;

Considérant, en troisième et dernier lieu, que pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés dans le cadre de l'examen de la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière, l'exception d'illégalité de la décision de refus implicite de délivrance de titre de séjour, de la violation des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 6-5 de l'accord franco-algérien ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut être accueillie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU PUY-DE-DOME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 29 avril 2010 ordonnant la reconduite à la frontière de M. fixant le pays à destination duquel cette mesure de police serait exécutée ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit de M. ou de son conseil, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les articles 3 et 4 du jugement n° 1002685 du 5 mai 2010 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon sont annulés.

Article 2 : La demande de M. relative aux décisions du 29 avril 2010 du PREFET DU PUY-DE-DOME portant reconduite à la frontière et fixant le pays de destination ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU PUY-DE-DOME, à M. Djamel et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Lu en audience publique, le 9 décembre 2010.

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N° 10LY01345

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 10LY01345
Date de la décision : 09/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christian CHANEL
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : PRUDHON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-12-09;10ly01345 ?
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