Vu la requête, enregistrée le 10 mai 2010 au greffe de la Cour, présentée pour Mme Dalila , domiciliée 434 ter cours Emile Zola à Villeurbanne (69100) ;
Mme demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1002115 du 7 avril 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er avril 2010, par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière et des décisions distinctes du même jour fixant le pays de destination et la mettant en demeure de quitter le territoire national dans un délai de sept jours ;
2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Elle soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre, a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celles de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant et celles du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; qu'à la date du 1er avril 2010, son état de grossesse l'empêchait de voyager ; qu'il lui est impossible de retourner dans son pays d'origine qui est en état de trouble ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 10 juin 2010, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que son arrêté du 1er avril 2010 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis ; que la requérante pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine à la date de la mesure d'éloignement contestée ; que l'intéressée n'a pas demandé de titre de séjour en vue de faire soigner son enfant en France et que celui-ci peut bénéficier en Algérie des soins adaptés à son état de santé ; que, par suite, l'arrêté en litige n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant ; que Mme n'établissant pas que son enfant et elle-même seraient exposés à des risques pour leur vie en cas de retour en Algérie, la décision attaquée n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la demande de titre de séjour de Mme n'est motivée par aucun élément nouveau ;
Vu le mémoire en réponse, enregistré par télécopie le 2 juillet 2010 et régularisé le 5 juillet 2010, présenté pour Mme , qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du :
- le rapport de M. Chanel, président de chambre ;
- les observations de Me Caron, avocat de Mme ;
- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée à nouveau à Me Caron ;
Sur la légalité de la décision de reconduite à la frontière :
Considérant qu'aux termes du II. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme , de nationalité algérienne, est entrée régulièrement en France le 11 septembre 2003, sous couvert d'un visa, et s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 1er avril 2010, elle était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'une étrangère à la frontière ;
Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment de certificats médicaux produits par Mme , dont le fils de cinq ans était pris en charge médicalement, qu'à la date de la décision en litige, elle était enceinte de presque sept mois ; que, dans ces conditions, en ordonnant la reconduite à la frontière de Mme , le préfet du Rhône a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la santé de l'intéressée ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme est fondée à en demander l'annulation ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
Considérant que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de reconduite à la frontière ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que le présent arrêt implique que le préfet du Rhône procède au réexamen de la situation de la requérante dans un délai qu'il y a lieu de fixer à deux mois ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que Mme a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Caron, avocate de Mme , renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au profit de Me Caron, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1002115 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon du 7 avril 2010 et les décisions du préfet du Rhône du 1er avril 2010 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de réexaminer la situation administrative de Mme au regard de son droit au séjour, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : L'Etat versera une somme de huit cents euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative à Me Caron, avocate de Mme , sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Dalila , au préfet du Rhône et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Lu en audience publique, le 9 décembre 2010.
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N° 10LY01044