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30/11/2010 | FRANCE | N°09LY01954

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 30 novembre 2010, 09LY01954


Vu la requête, enregistrée le 7 août 2009, présentée pour la COMMUNE DE CLERMONT-FERRAND , représentée par son maire ;

La COMMUNE DE CLERMONT-FERRAND demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801062 du 3 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 553 524,21 euros, outre intérêts de droit et capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice causé par la charge financière indûment supportée pour la gestion des demandes des cartes nationales d

'identité et des passeports pour la période de 2001 à 2006 ;

2°) de condamner l'E...

Vu la requête, enregistrée le 7 août 2009, présentée pour la COMMUNE DE CLERMONT-FERRAND , représentée par son maire ;

La COMMUNE DE CLERMONT-FERRAND demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0801062 du 3 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 553 524,21 euros, outre intérêts de droit et capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice causé par la charge financière indûment supportée pour la gestion des demandes des cartes nationales d'identité et des passeports pour la période de 2001 à 2006 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 917 453,84 euros, outre intérêts et capitalisation des intérêts ou, à titre subsidiaire, les sommes de 133 519,38 euros au titre de l'année 2001, 133 178,54 euros au titre de l'année 2002, 143 151,23 euros au titre de l'année 2003 et 142 760,99 euros au titre de l'année 2004 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, elle n'a pas soulevé un moyen tiré de l'inconstitutionnalité de la loi du 30 décembre 2008, mais d'une mauvaise interprétation de cette loi par le ministre, dès lors que la loi ne peut être comprise qu'en tant qu'elle institue un montant forfaitaire pour la période postérieure à sa promulgation et ne pouvant faire obstacle à une indemnisation pour les exercices antérieures à l'année 2005 ;

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de l'inconventionnalité de la loi, qui constitue une validation législative irrégulière, en l'absence d'un impérieux motif d'intérêt général, au regard des stipulations de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, garantissant le droit à un procès équitable, alors même que le fondement de la créance trouverait son origine dans la mise à la charge illégale des communes de mission relevant de la compétence de l'Etat ;

- le délai de prescription quadriennale a été interrompu jusqu'à l'annulation, par le Conseil d'Etat, des dispositions réglementaires relatives aux conditions de délivrance des passeports et cartes nationales d'identité ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 décembre 2009, présenté par le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- les prétentions de la requérante tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une indemnité, tant au titre des années 2001 à 2004 que 2005 et 2006 sont, dans leur objet, contraires aux dispositions de l'article 103 de la loi du 30 décembre 2008, selon lesquelles les communes ne peuvent se prévaloir d'un préjudice correspondant aux dépenses relatives aux missions de réception, de saisie et de remise aux intéressés des cartes nationales d'identité et des passeports ;

- s'agissant d'un litige relatif à la répartition des ressources financières publiques entre personnes publiques, la commune ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni du protocole additionnel n°1 à ladite convention ;

- le litige, relatif à l'exercice d'une prérogative de puissance publique, est sans rapport avec des droits et obligations de caractère civil ;

- l'article 103 de la loi de finances rectificatives pour 2008 n'a pas pour objet de valider un règlement illégal ;

- le Conseil constitutionnel n'a pas censuré ces dispositions législatives ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 avril 2010, présenté pour la COMMUNE DE CLERMONT-FERRAND, qui maintient les conclusions de sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu la décision n° 2010-29/37 du 22 septembre 2010, par laquelle le conseil constitutionnel, saisi de deux questions prioritaires de constitutionnalité relatives à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des paragraphes II et III de l'article 103 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, a constaté que les dispositions contestées de ladite loi ne méconnaissent ni la garantie des droits ni la séparation des pouvoirs énoncées à l'article 16 de la déclaration de 1789 et ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 portant loi de finances rectificative pour 2008 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 novembre 2010 :

- le rapport de M. Seillet, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

Considérant que par un décret en date du 25 novembre 1999, le traitement des demandes de cartes nationales d'identité, et par un décret du 26 février 2001, celui des passeports, ont été transférés au maire, en qualité d'agent de l'Etat ; que par deux décisions, le Conseil d'Etat a constaté l'illégalité du premier décret susmentionné, et annulé le second, au motif que le pouvoir réglementaire n'était pas compétent pour imposer une charge nouvelle aux communes ; que la COMMUNE DE CLERMONT-FERRAND a demandé à l'Etat l'indemnisation des préjudices résultant de ces illégalités ; que par la présente requête, elle demande l'annulation du jugement du 3 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à la rembourser des charges qui lui ont été illégalement imposées pour la gestion des demandes de cartes nationales d'identité et de passeports pour la période 2001-2006 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 103 de la loi susvisée du 30 décembre 2008 : (...) II. Sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, les communes ne peuvent se prévaloir, sur le fondement de l'incompétence du pouvoir réglementaire à mettre à leur charge les dépenses résultant, postérieurement au 25 novembre 1999, de l'exercice par les maires des missions de réception et de saisie des demandes de cartes nationales d'identité ainsi que de remise aux intéressés de ces titres, d'un préjudice correspondant à ces dépenses. Sous réserve des décisions passées en force de chose jugée, les communes ne peuvent se prévaloir, sur le fondement de l'incompétence du pouvoir réglementaire à mettre à leur charge les dépenses résultant, postérieurement au 26 février 2001, de l'exercice par les maires des missions de réception et de saisie des demandes de passeports ainsi que de remise aux intéressés de ces titres, d'un préjudice correspondant à ces dépenses. III. - En contrepartie de l'application du II, une dotation exceptionnelle est attribuée aux communes au titre de l'indemnisation des charges résultant pour elles, jusqu'au 31 décembre 2008, de l'application du décret n° 99-973 du 25 novembre 1999 modifiant le décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955 instituant la carte nationale d'identité et du décret n° 2001-185 du 26 février 2001 relatif aux conditions de délivrance et de renouvellement des passeports, pour le recueil des demandes et la remise aux intéressés des cartes nationales d'identité et des passeports. (...) ;

Considérant qu'aux termes des stipulations du § 1 de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi et qui décidera (...) des contestations sur des droits et obligations de caractère civil (...) ;

Considérant en premier lieu, que les dispositions précitées de l'article 103 ne font pas obstacle à ce qu'une commune demande au juge l'indemnisation de l'intégralité du préjudice qui résulterait pour elle de l'illégalité des décrets susvisés du 25 novembre 1999 et du 26 février 2005 ; qu'en second lieu, le présent litige est relatif à la répartition entre l'Etat et les communes de la charge de l'établissement de documents administratifs, et à la détermination de la participation versée par l'Etat aux communes pour cette mission ; que ce litige ne présente pas un caractère civil au sens des stipulations précitées de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que dès lors, la commune requérante ne peut utilement invoquer les stipulations de l'article 6 de ladite Convention pour demander au juge d'écarter l'application des dispositions précitées de l'article 103 de la loi du 30 décembre 2008 ;

Considérant que la commune requérante ne fait valoir aucun autre motif que l'incompétence du pouvoir réglementaire à l'appui de son moyen tiré de l'illégalité des décrets des 25 novembre 1999 et 26 février 2001 ; que dès lors, en application des dispositions précitées de l'article 103 de la loi du 30 décembre 2008, qui font obstacle, ainsi qu'il résulte du texte même dudit article, à ce que les communes se prévalent, sur ce fondement, d'un préjudice correspondant aux dépenses résultant, postérieurement, respectivement au 25 novembre 1999 ou au 26 février 2001, de l'exercice par les maires des missions de réception et de saisie des demandes de cartes nationales d'identité et des passeports ainsi que de remise aux intéressés de ces titres, ses conclusions susvisées tendant à ce que l'Etat l'indemnise des préjudices résultant des dépenses de traitement des demandes de cartes nationales d'identité et de passeports, et de remise de ces documents aux intéressés, durant la période de 2001 à 2006, doivent être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE CLERMONT-FERRAND n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande susvisée ; que par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE CLERMONT-FERRAND est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE CLERMONT-FERRAND et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2010, à laquelle siégeaient :

M. Fontanelle, président de chambre,

M. Givord, président-assesseur,

M. Seillet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 novembre 2010.

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N° 09LY01954


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY01954
Date de la décision : 30/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GIVORD
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : SCP MICHEL - ARSAC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-11-30;09ly01954 ?
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