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04/11/2010 | FRANCE | N°10LY00111

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 04 novembre 2010, 10LY00111


Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 25 janvier 2010 et régularisée le 26 janvier 2010, présentée pour Mme Marie-Noëlle A, domiciliée ...

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901254, en date du 16 juin 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 3 février 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel elle serait

reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation...

Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 25 janvier 2010 et régularisée le 26 janvier 2010, présentée pour Mme Marie-Noëlle A, domiciliée ...

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901254, en date du 16 juin 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 3 février 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale , sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Elle soutient qu'elle souffre d'une affection pathologique chronique qui nécessite un traitement quotidien et qu'elle ne peut avoir accès, dans son pays d'origine, à ce traitement du fait de son coût élevé ; que, par conséquent, la décision du préfet du Rhône du 3 février 2009 a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du 10° de l'article L. 511-4 du même code ; qu'elle ne peut plus vivre au Congo compte tenu des violences qu'elle y a subies et des risques auxquels elle s'y trouverait exposée et que le centre de sa vie privée et familiale est désormais en France ; que, par suite, les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ont méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'elle a été persécutée au Congo en raison de l'engagement politique de son compagnon et qu'elle s'y trouverait exposée à un risque réel pour sa personne ; que, par suite, la décision fixant le pays de destination a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 juillet 2010, présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que Mme A ne démontre pas qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine ; que, par suite, ses décisions du 3 février 2009 n'ont pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni celles du 10° de l'article L. 511-4 du même code et ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation ; que la requérante est célibataire, n'a pas de famille en France et n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Congo ; que, par suite, les décisions attaquées n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne sont pas entachées d'erreur manifeste d'appréciation ; que la requérante ne prouve pas qu'elle se trouverait exposée à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, sa décision fixant le pays de destination n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 octobre 2010 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les observations de Mme A,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée à nouveau à Mme A ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin inspecteur ou le médecin chef peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 11 mai 1998, dont elles sont issues, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui s'en prévaut, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du même code, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

Considérant que la décision par laquelle le préfet du Rhône a refusé à Mme A, ressortissante de la République démocratique du Congo, le titre de séjour qu'elle demandait en raison de son état de santé, a été prise au vu d'un avis du médecin inspecteur de la santé publique, rendu le 19 septembre 2008, indiquant que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut aurait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel elle peut voyager sans risque avec son traitement éventuel ; que Mme A, qui ne conteste pas, dans sa requête, que des possibilités de traitement approprié de l'asthme dont elle souffre, existent dans son pays d'origine, fait valoir qu'elle ne peut en bénéficier du fait de ses coûts élevés et produit une attestation, établie en mai 2009 par un médecin de l'hôpital militaire régional de Kinshasa, indiquant qu'elle a été suivie par les services de médecine interne dudit hôpital du mois d'avril de l'année 2001 jusqu'au mois de juin de la même année afin de soigner des hémicrânies et une broncho-pneumopathie obstructive à l'aide de bêta-mimétiques à longue durée d'action, qui sont très onéreux, et qu'un transfert de la patiente vers un pays où la prise en charge aurait été plus accessible était alors envisagé ; que, toutefois, la requérante déclare, dans son mémoire introductif d'instance, qu'elle a quitté son pays, d'une part, en janvier 2007, soit presque six ans après les problèmes de santé évoqués ci-dessus, d'autre part, parce qu'elle se trouvait exposée, selon elle, à un risque réel pour sa personne du fait des autorités de la République démocratique du Congo et non pour des raisons médicales ; qu'ainsi, il résulte de ce qui précède que Mme A, qui a souffert d'une broncho-pneumopathie obstructive en 2001, a pu bénéficier d'un traitement approprié de l'asthme dont elle souffrait jusqu'en 2007 en dépit de ses coûts élevés ; que l'autre attestation médicale versée au dossier, établie le 22 juillet 2009 par trois médecins de l'hôpital général de Kinshasa, qui évoquent le suivi médical de la requérante pour une pathologie médicale sans qualifier celle-ci, n'apporte aucune information utile ; que, dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A serait dans l'impossibilité d'accéder effectivement à un traitement approprié à sa pathologie au Congo ; que, par suite, Mme A n'est pas fondée à soutenir que la décision du préfet du Rhône lui refusant le titre de séjour qu'elle demandait en raison de son état de santé, a méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que Mme A, qui déclare être entrée en France irrégulièrement en janvier 2007, a rempli, lors d'un entretien, qui s'est déroulé le 16 janvier 2007, dans les services de la préfecture du Rhône, un questionnaire de demande d'asile ; qu'elle a alors déclaré, en réponse aux questions, qu'elle était célibataire et que ses quatre filles résidaient à Kinshasa ; qu'elle n'est donc pas dépourvue d'attaches familiales au Congo ; que si elle soutient que M. TITI, son conjoint, vit en France à ses côtés, elle n'établit pas qu'elle était mariée avec cette personne ni qu'elle vivait avec celle-ci à la date de la décision attaquée ; que la décision du préfet du Rhône, du 3 février 2009, lui refusant un titre de séjour n'ayant ni pour objet, ni pour effet de la renvoyer dans son pays d'origine, l'intéressée ne peut utilement invoquer les risques encourus par elle en cas de retour au Congo ; que, dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté au droit de Mme A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, ladite décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, la décision susmentionnée n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour, la mesure d'éloignement n'a pas méconnu les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. et que ce dernier texte énonce que Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que Mme A fait valoir qu'elle a été persécutée au Congo en raison de l'engagement politique de son compagnon, M. TITI, et qu'elle s'y trouverait exposée à un risque réel pour sa personne ; que, toutefois, elle ne produit aucun élément permettant d'établir que M. TITI est son compagnon et qu'elle encourrait, de ce fait, un risque réel pour sa personne en cas de retour au Congo ; que, par ailleurs, sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 juillet 2007, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 21 novembre 2008 ; que, par suite, le moyen tiré de la violation, par la décision désignant le Congo comme destination de la mesure d'éloignement, des stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Marie-Noëlle A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 21 octobre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Chanel, président de chambre,

M. Pourny, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 novembre 2010.

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N° 10LY00111


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY00111
Date de la décision : 04/11/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : DELBES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-11-04;10ly00111 ?
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