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21/10/2010 | FRANCE | N°10LY00033

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 21 octobre 2010, 10LY00033


Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 11 janvier 2010 et régularisée le 13 janvier 2010, présentée pour M. Ivan A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902323, en date du 10 décembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de Saône-et-Loire, du 8 septembre 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel il ser

ait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligat...

Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 11 janvier 2010 et régularisée le 13 janvier 2010, présentée pour M. Ivan A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902323, en date du 10 décembre 2009, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de Saône-et-Loire, du 8 septembre 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel il serait reconduit à l'expiration de ce délai, à défaut pour lui d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1196 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Il soutient que le jugement est insuffisamment motivé et donc irrégulier ; que sa compagne et leurs cinq enfants résident sur le territoire français et que tous sont insérés socialement ; que les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent donc les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, compte tenu du contexte géopolitique, il ne pourrait retourner vivre ni en Serbie ni en Macédoine ; que les décisions susmentionnées sont donc, en outre, entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'enfin, en raison de son impossibilité d'être admis en Serbie ou en Macédoine qui a justifié le dépôt d'une demande d'admission au statut d'apatride en cours d'instruction, il aurait dû se voir délivrer un titre de séjour à titre exceptionnel, pour des raisons humanitaires ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 5 août 2010, présenté par le préfet de Saône-et-Loire, qui conclut au prononcé d'un non lieu à statuer sur la requête, consécutivement au statut de réfugié accordé au requérant ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 octobre 2010 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Ivan A, né en 1977 dans une commune de l'ex-Yougoslavie appartenant au territoire de l'actuelle République de Macédoine, se déclarant de nationalité serbe, est entré irrégulièrement pour la dernière fois en France à la date déclarée du 7 janvier 2009 ; qu'il a, le 24 février 2009, sollicité auprès du préfet de Saône-et-Loire son admission provisoire au séjour en tant que demandeur d'asile qui lui a été refusée sur le fondement du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par décision en date du 18 mars 2009, au motif qu'il avait déjà présenté plusieurs demandes d'asile sous des identités différentes ; que la demande d'asile de M.A A, examinée selon les modalités de la procédure prioritaire, a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 14 mai 2009 ; qu'il a introduit un recours en annulation de cette décision devant la Cour nationale du droit d'asile ; que, par courrier en date du 27 août 2009, il a sollicité de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides la reconnaissance du statut d'apatride ; que, par décisions en date du 8 septembre 2009, le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 et de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a désigné le pays à destination duquel il serait reconduit s'il n'obtempérait pas à cette obligation ; que, par jugement du 10 décembre 2009, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande tendant à l'annulation de ces trois décisions qui avait été présentée par M. A ; que ce dernier fait appel de ce jugement ;

Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées par le préfet de la Saône-et-Loire :

Considérant que si M. A a obtenu le statut de réfugié par décision du 5 juillet 2010 de la Cour nationale du droit d'asile, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il ait été mis en possession de la carte de résident prévue par les dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par conséquent, l'intervention de cette décision de la Cour nationale du droit d'asile n'a pas rendu sans objet le présent litige ; que, par suite, le préfet de la Saône-et-Loire n'est pas fondé à soutenir qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la requête de M. A ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, d'une part, que le moyen tiré de ce que le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation dans sa réponse aux moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que le préfet aurait insuffisamment pris en compte la situation du requérant manquent en fait ;

Considérant, d'autre part, que si le requérant soutient que le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation dans sa réponse au moyen tiré de la méconnaissance, par la décision de refus de délivrance de titre de séjour, des stipulations de l'article 3 de la convention susmentionnée en ce que les premiers juges ont occulté son argumentation relative à sa demande du statut d'apatride et à son impossibilité d'être reconduit en Serbie, ce moyen était inopérant à l'encontre du refus de titre de séjour et le Tribunal n'était, dès lors, pas tenu d'y répondre ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que M. A fait valoir qu'il réside sur le territoire français avec sa compagne et leurs cinq enfants et que sa famille et lui se sont insérés en France, pays dont ils parlent la langue, où les enfants sont scolarisés et où la famille entretient de nombreux liens sociaux et amicaux ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que sa compagne est elle aussi sous le coup d'une mesure d'éloignement et que le requérant n'apporte aucun élément de preuve de nature à démontrer la réalité de sa vie privée et familiale en France et de son insertion dans la société française, alors qu'il a résidé en Serbie entre 2006 et le 7 janvier 2009, date de sa dernière entrée déclarée sur le territoire français, et qu'il a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales en France ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; qu'elle n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui précède, et alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'implique que le demandeur du statut d'apatride soit admis provisoirement au séjour en France le temps nécessaire à l'examen de sa demande tendant à l'obtention de cette qualité, que le recours pendant devant la Cour nationale du droit d'asile ne présente, en l'espèce, pas de caractère suspensif, et que la circonstance alléguée mais au demeurant non établie par les pièces du dossier selon laquelle il ne serait admissible ni en Serbie ni en Macédoine est sans incidence sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour qui ne lui fait pas obligation, par elle-même, de retourner dans l'un ou l'autre de ces deux pays, que le préfet de Saône-et-Loire n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de M. A ;

Considérant, en troisième lieu, que, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. A a demandé la délivrance d'un titre de séjour en qualité de réfugié et non sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le préfet de Saône-et-Loire ne s'est pas prononcé sur ce dernier fondement dans l'arrêté litigieux ; qu'ainsi, M. A ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre du refus opposé, le 8 septembre 2009, à sa demande de titre de séjour ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu ces mêmes stipulations ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de M. A ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ivan A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 7 octobre 2010 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Fontanelle, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 octobre 2010.

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N° 10LY00033


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY00033
Date de la décision : 21/10/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : LUKEC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-10-21;10ly00033 ?
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