Vu sous le n° 08LY02904, le recours, enregistré le 29 décembre 2008, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES ;
Le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES demande à la Cour d'annuler le jugement n° 0701888 en date du 21 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du 30 août 2007 par lequel le préfet de la Haute-Loire a transféré des biens appartenant à la section de Freycenet à la commune de Lissac et a enjoint audit préfet de faire annuler auprès de la conservation des hypothèques la publication de cet arrêté dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;
Le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES soutient que :
- dès lors que la convocation adressée aux conseilleurs municipaux de la commune de Lissac pour la séance du 8 juin 2007 mentionnait dans l'ordre du jour sectionnaux Freycenet et comportait une mention manuscrite du maire faisant état de cette question qui avait déjà fait l'objet de discussions répétées lors des conseils municipaux des 8 décembre 2006 et 2 février 2007, les conseilleurs municipaux étaient suffisamment informés de l'ordre du jour ;
- dans la mesure où les biens de la section de Freycenet sont en déshérence et ne produisent aucun revenu, faute de pouvoir établir un état spécial, le budget communal a pris en charge pendant au moins 5 ans le paiement des impôts fonciers de la section : le certificat produit par la commune fait foi et le tribunal est allé au-delà des prescriptions de l'article L. 2411-12-1 du code général des collectivités territoriales en exigeant de la commune qu'elle produise la réalité de la notification des avis d'imposition ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en intervention, enregistré le 13 juillet 2009, présenté pour le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) du Grisou qui conclut à l'annulation du jugement, au rejet de la demande présentée le 29 octobre 2007 devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge solidaire des personnes physiques à l'origine de la demande, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Le GAEC du Grisou soutient que :
- la demande présentée par la Fédération des ayants droit de sections de commune de Haute-Loire (FASC) devant les premiers juges n'était pas recevable ;
- le moyen tiré de l'illégalité de la délibération du 8 juin 2007 est inopérant dès lors que l'arrêté préfectoral du 30 août 2007 n'est pas une mesure d'exécution de cette délibération ;
- la convocation adressée à l'ensemble des membres du conseil municipal était suffisamment précise quant à l'objet de l'ordre du jour ; elle n'avait pas à mentionner les nom et prénom du maire et les dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 ne lui sont pas applicables ;
- la commune de Lissac n'a commis aucun détournement de pouvoir ;
- le préfet de la Haute-Loire pouvait parfaitement procéder au transfert des biens de la section ;
- il ressort de l'attestation du comptable de la commune en date du 14 juin 2007 que les habitants de la section ne payent pas les impôts fonciers depuis 5 ans ; les conditions de l'article L. 2411-12-1 du code général des collectivités territoriales sont ainsi remplies et n'imposent pas au préfet de vérifier que la section aurait été mise à même de payer les impôts ;
- l'arrêté préfectoral n'est entaché d'aucune rétroactivité illégale ;
- la loi du 13 août 2004 qui n'avait pas à être notifiée aux demandeurs est entrée en vigueur le 1er janvier 2005 ;
- une section de commune n'a pas le statut de collectivité territoriale contrairement à ce que soutiennent les demandeurs ; ses biens sont aliénables ;
Vu le mémoire, enregistré le 19 mai 2010, présenté pour M. Jean D, demeurant ..., M. Alfred A, demeurant ..., M. Claudius A, demeurant ..., Mme Simone C, demeurant ..., Mme Emilie J, demeurant ..., M. Damien D, demeurant ..., M. Antoine I, demeurant ..., M. Alain E, demeurant ..., M. Roger G, demeurant ..., M. Alain H, demeurant ..., M. André H, demeurant ..., M. Jean-Luc F, demeurant ..., la section de Freycenet, dont le siège est ... et la Fédération des ayants droit de sections de commune de la Haute-Loire dont le siège est Laniac à Siaugues-Sainte-Marie (43300) qui concluent au rejet du recours et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- la délibération du conseil municipal du 8 juin 2007 est illégale dès lors que la convocation adressée à M. D ne comporte pas les nom et prénom du maire, qu'elle ne permet pas de comprendre que la discussion portera sur le transfert des biens de la section à la commune ; cette illégalité emporte celle de l'arrêté préfectoral ; en outre, dès lors que la commune s'est délibérément abstenue de gérer les biens de la section pour mettre en oeuvre le transfert des biens, la délibération du 8 juin 2007 est entachée de détournement de pouvoir ;
- les habitants de la section acquittaient au titre de leur imposition foncière les impôts de la section de Freycenet ; et il n'est pas établi que les impositions de la section aient fait l'objet d'une admission en non valeur prononcée par l'ordonnateur conformément aux dispositions de l'article 92 du décret du 29 décembre 1962 ;
- l'arrêté préfectoral est insuffisamment motivé ;
- il est entaché de rétroactivité illégale dans la mesure où il prend acte d'une situation antérieure à l'entrée en vigueur de la loi ;
- il n'est pas établi que la section a été destinataire des impositions qui auraient dû être mises à sa charge et a omis de les acquitter ;
- les dispositions de l'article L. 2411-12-1 du code général des collectivités territoriales sont incompatibles avec les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance en date du 7 mai 2010, par laquelle, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, le président de la troisième chambre de la Cour a fixé la clôture de l'instruction au 21 mai 2010 ;
Vu le mémoire, enregistré le 7 juin 2010, présenté pour le GAEC du Grisou ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 juin 2010 :
- le rapport de Mme Pelletier, premier conseiller ;
- les observations de M. D Jean, de M. I et de M. K président de la Fédération des ayants droit de section de commune de la Haute-Loire ;
- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée aux parties présentes ;
Considérant que le ministre de l'intérieur demande à la Cour d'annuler le jugement du 21 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté du 30 août 2007 par lequel le préfet de la Haute-Loire a prononcé le transfert des biens de la section de Freycenet à la commune de Lissac ;
Sur l'intérêt à agir de la Fédération des ayants droit de sections de commune de la Haute-Loire devant les premiers juges :
Considérant que si en vertu de l'article 2 de ses statuts, la fédération requérante peut représenter devant les juridictions les intérêts collectifs de ses adhérents, elle ne justifie pas d'un intérêt lui donnant qualité pour demander l'annulation de l'arrêté susvisé 30 août 2007 par lequel le préfet de la Haute-Loire a transféré des biens appartenant à la section de Freycenet à la commune de Lissac, arrêté qui ne préjudicie qu'aux droits de la section concernée ; que par suite, sa demande présentée au Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, et tendant à l'annulation de cet arrêté, était irrecevable ; que cette circonstance est sans influence sur la recevabilité des conclusions également présentées par les ayants droit de la section ;
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral en date du 30 août 2007 :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 2411-12-1 du code général des collectivités territoriales : Le transfert à la commune des biens, droits et obligations d'une section de communes est prononcé par le représentant de l'Etat dans le département sur demande du conseil municipal dans l'un des trois cas suivants : - lorsque depuis plus de cinq années consécutives, les impôts ont été payés sur le budget communal ou admis en non-valeur ; - lorsque les électeurs n'ont pas demandé la création d'une commission syndicale alors que les conditions pour une telle création, telles qu'elles sont définies aux articles L. 2411-3 et L. 2411-5, sont réunies ; - lorsque moins d'un tiers des électeurs a voté lors d'une consultation. ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont la section de commune peut utilement se prévaloir : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précitées ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ; que si une personne peut, en vertu de ces stipulations, être privée d'un droit patrimonial, c'est à la condition que soit respecté le juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit au respect des biens ;
Considérant que l'article L. 2411-1 du code général des collectivités territoriales dispose que Constitue une section de commune toute partie d'une commune possédant à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune. / La section de commune a la personnalité juridique. ;
Considérant que, pour prononcer, à la demande du conseil municipal de la commune de Lissac le transfert à cette commune des biens de la section de commune de Freycenet, le préfet de la Haute-Loire s'est fondé sur les dispositions précitées de l'article L. 2411-12-1 du code général des collectivités territoriales et la circonstance que la commune avait justifié du règlement sur le budget communal des impôts de cette section pendant plus de cinq années consécutives ;
Considérant que le transfert des biens, droits et obligations d'une section de commune à une commune a pour effet de priver celle-là de ses droits patrimoniaux sans son consentement ; que la procédure de transfert organisée par les dispositions précitées de l'article L. 2411-12-1 de ce code et mise en oeuvre par le préfet ne prévoit, à l'inverse des procédures distinctes organisées par les articles L. 2411-11 et 12, aucun mécanisme d'indemnisation de la section ou de ses ayants droit ; que cette absence de toute procédure d'indemnisation, alors même que cette procédure n'est pas réservée au cas où les biens seraient dépourvus de toute valeur et ne produiraient aucun revenu, et qui n'est justifiée par aucune circonstance exceptionnelle, ne peut être regardée que comme rompant le juste équilibre devant, en vertu de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, être ménagé entre les exigences de l'intérêt général et la sauvegarde du droit au respect des biens ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir que les dispositions de l'article L. 2411-12-1 sont incompatibles avec les stipulations de l'article 1er précité du protocole additionnel, et qu'en conséquence l'arrêté préfectoral contesté, pris sur le fondement de ces dispositions, est illégal ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté attaqué du 30 août 2007 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D et des autres ayants droit de la section, qui ne sont pas la partie perdante, la somme demandée par le GAEC du Grisou au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'affaire, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros demandée par M. D et les autres ayants droit de la section au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que la demande présentée à ce titre par la fédération des ayants droit de la section doit être rejetée ;
DECIDE :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES, est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. D et aux autres ayants droit de la section de commune de Freycenet en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions du GAEC du Grisou et de la Fédération des ayants droit de sections de commune de la Haute-Loire tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE L'OUTRE-MER ET DES COLLECTIVITES TERRITORIALES, au GAEC du Grisou, à M. Jean D, à M. Alfred A, à M. Claudius A, à Mme Simone C, à Mme Emilie J, à M. Damien D, à M. Antoine I, à M. Alain E, à M. Roger G, à M. Alain H, à M. André H, à M. Jean-Luc F, à la Section de Freycenet, à la Fédération des ayants droit de sections de commune de la Haute-Loire.
Copie en sera adressée à la commune de Lissac, au préfet de la Haute-Loire et au conservateur des hypothèques de la Haute-Loire.
Délibéré après l'audience du 29 juin 2010, à laquelle siégeaient :
M. Givord, président de formation de jugement,
M. Seillet, premier conseiller,
Mme Pelletier, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 juillet 2010.
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