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12/07/2010 | FRANCE | N°09LY00385

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 12 juillet 2010, 09LY00385


Vu la requête, enregistrée le 23 février 2009, présentée pour Mme Martine A, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600772-0800909 du 19 décembre 2008 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté sa demande n° 0600772 tendant à la condamnation de la commune de Grenoble à lui verser une indemnité de 30 000 euros en réparation du pretium doloris et de 20 000 euros pour le préjudice moral subis du fait de la méconnaissance par la commune de ses obligations en matière d'hygiène et de sécurité du travail ;

2°) de condamner la commune de Grenoble à lui verser les sommes susdites ;

3°) à titre...

Vu la requête, enregistrée le 23 février 2009, présentée pour Mme Martine A, domiciliée ... ;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0600772-0800909 du 19 décembre 2008 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté sa demande n° 0600772 tendant à la condamnation de la commune de Grenoble à lui verser une indemnité de 30 000 euros en réparation du pretium doloris et de 20 000 euros pour le préjudice moral subis du fait de la méconnaissance par la commune de ses obligations en matière d'hygiène et de sécurité du travail ;

2°) de condamner la commune de Grenoble à lui verser les sommes susdites ;

3°) à titre subsidiaire d'ordonner une expertise médicale afin de chiffrer son préjudice ;

4°) de condamner la commune de Grenoble à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la commune a méconnu les dispositions du décret du 10 juin 1985 ;

- elle a commis une faute en ne la formant pas et ne l'informant pas sur les risques encourus à l'occasion de son activité professionnelle ;

- le recours, en 1986, à une monobrosse qui exposait la requérante à un risque nouveau, exigeait une formation appropriée ;

- à nouveau à l'occasion de son reclassement au service de la bibliothèque de Grenoble,

Mme A n'a pas reçu la formation et l'information appropriées ;

- la commune n'a pas procédé à l'adaptation de son poste de travail ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que les dispositions du code du travail n'étaient

pas applicables ;

- les préjudices sont imputables à l'activité professionnelle de Mme A ;

- la perception d'une rente ne fait pas obstacle à l'indemnisation, même sans faute ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 septembre 2009, présenté pour la commune de Grenoble, représentée par son maire en exercice, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 600 euros soit mise à la charge de Mme A en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la commune n'a commis aucune faute ;

- la formation prévue par l'article L. 231-3 II du code du travail n'est pas applicable aux

collectivités territoriales ;

- la mise en place de la monobrosse en 1990 ne nécessitait pas une formation spéciale ; son utilisation est limitée aux cinq congés scolaires, et était accompagnée des quelques conseils simples suffisants ;

- Mme A a reçu l'information et la formation nécessaires ;

- la commune a pris en considération l'état de santé de Mme A puisqu'elle a

été reclassée sur un poste plus adapté où elle a également reçu l'information adaptée aux exigences de sécurité ;

- le préjudice n'est pas lié au défaut de formation ou d'information, ni au défaut d'adaptation du poste, ni à une quelconque carence de la commune ;

- le préjudice n'est pas établi, et ne justifie pas une indemnisation supplémentaire à celle déjà perçue ;

- l'état de santé de Mme A est consolidé et aucune séquelle n'est observée concernant les canaux carpiens ;

- les douleurs ne sont pas la conséquence des maladies professionnelles ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 mars 2010, présenté pour Mme A, qui persiste dans ses conclusions et moyens ; elle soutient en outre que :

- les dispositions du titre 3 du livre 2 du code du travail relatives à l'hygiène et la sécurité au travail et notamment à la formation des travailleurs à cet égard sont applicables aux collectivités territoriales ;

- la monobrosse a été utilisée par les agents communaux à partir de 1986 ;

- la seule formation de Mme A date de 2001 ;

- le document Méthodes de nettoyage - formation date de 2006 ;

- le préjudice est établi car Mme A a dû engager un combat à l'encontre de la commune, endurer des souffrances et la restriction de ses gestes de la vie courante ;

Vu la lettre, en date du 3 juin 2010, informant les parties que la Cour était susceptible de fonder sa décision sur un moyen soulevé d'office ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 juin 2010, présenté pour la commune de Grenoble qui persiste dans ses conclusions et moyens ; elle soutient, en outre, que la requérante ne justifie ni d'un préjudice moral ni d'un pretium doloris ; qu'en tout état de cause, l'évaluation des préjudices est exagérée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 juin 2010 :

- le rapport de M. Givord, président ;

- les observations de Me Le Ber, représentant la commune de Grenoble ;

- et les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

La parole ayant été donné au conseil de Mme A, arrivé pendant la lecture des conclusions et, de nouveau, à Me Le Ber pour la commune de Grenoble ;

Considérant que, par la présente requête, Mme A, agent territorial d'entretien de la commune de Grenoble, demande à la Cour d'annuler le jugement du 19 décembre 2008 du Tribunal administratif de Grenoble en tant que par ce jugement, il a rejeté sa demande tendant à ce que la commune soit condamnée à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation du pretium doloris et du préjudice moral résultant de diverses affections et de condamner la commune à lui verser la somme susmentionnée ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement :

Sur la responsabilité de la commune de Grenoble :

Considérant qu'en vertu des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les fonctionnaires civils de l'Etat qui se trouvent dans l'incapacité permanente de continuer leurs fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées en service peuvent être radiés des cadres par anticipation et ont droit au versement d'une rente viagère d'invalidité cumulable avec la pension rémunérant les services ; que les articles 30 et 31 du décret du 9 septembre 1965 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales prévoient, conformément aux prescriptions du II de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, des règles comparables au profit des agents tributaires de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales ;

Considérant que si l'allocation temporaire d'invalidité détermine forfaitairement la réparation à laquelle un fonctionnaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions, l'attribution de celle-ci ne fait cependant obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien incombait à celle-ci ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A a développé dans l'exercice de ses fonctions une tendinopathie de l'épaule droite et un syndrome bilatéral du canal carpien ; que ces trois pathologies ont été reconnues comme constituant des maladies professionnelles qui ont provoqué une invalidité permanente partielle évaluée, en 2009, à 8 % et, à ce titre, une allocation temporaire d'invalidité a été accordée à la requérante ;

Considérant que Mme A ne demande que l'indemnisation des souffrances physiques et de son préjudice moral résultant des pathologies susmentionnées ; que dès lors, la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Grenoble n'a pas retenu la responsabilité de la commune de Grenoble, sans qu'il soit nécessaire d'établir l'existence d'une faute commise par celle-ci ;

Sur le préjudice :

Considérant, en premier lieu, que la requérante n'établit pas l'existence d'un préjudice moral ; qu'en second lieu, il résulte de l'instruction et notamment des avis de la commission de réforme et des expertises ordonnées par celle-ci que Mme A a subi quatre opérations, et souffre de douleurs chroniques résultant de la tendinopathie de son épaule droite, traités par des antalgiques de classe II ; que, compte tenu notamment des autres affections non liées au service dont souffre l'intéressée, il sera fait une juste appréciation de ces préjudices et de la réparation due à Mme A en condamnant la commune de Grenoble à lui verser une somme de 7 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande en réparation qu'elle a formulée à l'encontre de la commune de Grenoble et à demander la condamnation de ladite commune à lui verser la somme de 7 000 euros ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Grenoble demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de Grenoble une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 0600772-0800909 en date du 19 décembre 2008 du Tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La commune de Grenoble est condamnée à verser à Mme A la somme de sept mille euros (7 000 euros).

Article 3 : La commune de Grenoble versera à Mme A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Martine A et à la commune de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2010, à laquelle siégeaient :

M. Givord, président-assesseur,

M. Seillet et Mme Pelletier, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2010.

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N° 09LY00385

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY00385
Date de la décision : 12/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GIVORD
Rapporteur ?: M. Pierre Yves GIVORD
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : GERMAIN-PHION

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-07-12;09ly00385 ?
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