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09/07/2010 | FRANCE | N°09LY02883

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 3ème chambre, 09 juillet 2010, 09LY02883


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon, le 18 décembre 2009, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0907010 en date du 24 novembre 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé, d'une part, l'arrêté du 23 novembre 2009, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. Ali A et, d'autre part, les décisions distinctes du même jour fixant le pays dont M. A a la nationalité comme destination de la rec

onduite et ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) de rejete...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon, le 18 décembre 2009, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0907010 en date du 24 novembre 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé, d'une part, l'arrêté du 23 novembre 2009, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. Ali A et, d'autre part, les décisions distinctes du même jour fixant le pays dont M. A a la nationalité comme destination de la reconduite et ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) de rejeter la demande de M. A tendant à l'annulation des décisions susmentionnées ;

Il soutient que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a jugé que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. A portait une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que M. A ne justifie pas d'une présence continue sur le territoire français depuis 1994 comme il le soutient, que sa vie maritale avec une ressortissante en situation régulière est récente et qu'il ne justifie pas d'une intégration particulière en France où il a fait l'objet de condamnation à des peines d'emprisonnement pour usage de faux documents et fraude à l'obtention de prestations sociales ; que la décision fixant le pays de destination ne viole pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, faute pour l'intéressé de démontrer qu'il encourt des risques personnels et directs dans son pays d'origine ; qu'enfin, M. A ne justifie pas de garanties suffisantes de représentation de sorte que la décision ordonnant son placement en rétention administrative est justifiée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel, le 8 mars 2010 et régularisée le 9 mars 2010, présenté pour M. Ali A, domicilié ... qui conclut au rejet de la requête ;

M. A demande :

1°) d'enjoindre au PREFET DU RHONE de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Il soutient que c'est à bon droit que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision de le reconduire à la frontière qui viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'au surplus, cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à ses conséquences sur sa vie privée et familiale ; que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas constitutifs d'une menace à l'ordre public ; que la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il serait en situation d'isolement et d'extrême précarité dans son pays d'origine ; qu'il dispose de garanties suffisantes de sorte que la mesure de placement en rétention administrative n'est pas justifiée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2010 :

- le rapport de M. Fontanelle, président ;

- les observations de Me Pillet

- et les conclusions de M.Reynoird, rapporteur public ;

- la parole ayant été donnée à nouveau à Me Pillet,

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité comorienne, entré irrégulièrement en France, selon ses dires en mars 1994, n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité à la date de la mesure d'éloignement, le 23 novembre 2009 ; qu'ainsi, il entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que, pour annuler la décision du 23 novembre 2009 par laquelle le PREFET DU RHONE a ordonné la reconduite à la frontière de M. A et les décisions subséquentes, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a retenu la violation, par la décision de reconduite à la frontière, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à la circonstance que M. A, dont la présence en France est établie à compter de 2006, déclare vivre en concubinage avec une compatriote titulaire d'une carte de résident ; que sont nés en France, en 2004 et 2007, deux enfants dont M. A participe à l'éducation ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que ce n'est qu'en 2006, date à laquelle la présence de M. A est établie, que l'intéressé a reconnu les deux derniers enfants de Mme Latoumi Saïd, compatriote en situation régulière, qui est, par ailleurs, mère de deux enfants français mineurs, nés aux Comores en 1996, qui vivent en France avec leur père ; qu'il n'est pas établi par les pièces du dossier, que la compagne de M. A, qui n'a pas la garde de ses enfants français, participerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de ces derniers ; que M. A qui a vécu l'essentiel de son existence dans son pays d'origine dans lequel il a nécessairement conservé des attaches, ne justifie pas d'une intégration particulière en France, dès lors qu'il a fait l'objet de condamnations notamment pour avoir fait usage de faux documents administratifs et avoir indûment perçu des prestations d'assurance sociale et une allocation de revenu minimum d'insertion ; que sa compagne n'exerce pas d'activité professionnelle et que rien ne fait obstacle à ce qu'il puisse repartir avec cette dernière et leurs deux enfants, dans le pays dont ils sont tous deux originaires ; que, compte tenu de ce qui précède, le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté de reconduite à la frontière du 29 décembre 2009 pour violation de l'article 8 de la convention européenne susvisée;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A, tant devant le Tribunal administratif que devant la Cour ;

Sur l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. A, le 23 novembre 2009, est signé par M. René B, secrétaire général de la préfecture du Rhône, lequel avait régulièrement reçu délégation de signature du PREFET DU RHONE, par arrêté du 9 juin 2008, publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, l'autorisant à signer, notamment, les arrêtés de reconduite à la frontière ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. A soutient que l'arrêté attaqué serait insuffisamment motivé au regard de sa situation personnelle ; que, cependant, celui-ci comporte les éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de l'intéressé, sur lesquels il se fonde ; que cette motivation en fait de l'arrêté attaqué satisfait aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ;

Considérant, en troisième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment dans le cadre de l'examen des conclusions aux fins d'annulation, l'arrêté de reconduite à la frontière n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de M. A ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

Considérant, en premier lieu, que M. Stéphane C, sous-directeur des étrangers à la préfecture du Rhône a été investi d'une délégation de signature par arrêté du PREFET DU RHONE n°2009-4410 du 8 septembre 2009 et régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, aux fins de signer notamment les décisions fixant le pays de destination des reconduites à la frontière ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. A soutient que la décision fixant le pays de destination de la reconduite est insuffisamment motivée en fait ; que, toutefois, le PREFET DU RHONE, après avoir indiqué que l'intéressé est de nationalité comorienne et qu'il pourra être reconduit d'office à la frontière du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays où il établirait être légalement admissible, puis constaté que le requérant n'établissait pas être exposé à des peines ou des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans le pays de renvoi a suffisamment motivé sa décision en fait ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant, que si M. A soutient qu'en l'absence d'attaches familiales au Comores, il se retrouverait isolé et dans une situation de grande précarité en cas de retour dans son pays d'origine, circonstance qui serait assimilable à un traitement inhumain et dégradant au sens des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé a vécu l'essentiel de son existence aux Comores où il n'établit pas ne plus y disposer de liens ni d'attaches familiales ; qu'en tout état de cause, M. A qui n'établit pas la réalité des menaces et risques qui pèseraient sur sa personne en cas de retour dans son pays d'origine, n'est pas fondé à soutenir que la décision du PREFET DU RHONE du 23 novembre 2009 fixant les Comores comme pays de destination méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne susvisée;

Sur la décision ordonnant le placement de M. A en rétention administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Le placement en rétention d'un étranger dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire peut être ordonné lorsque cet étranger (...) 3° soit, faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris en application des articles L. 511-1 à L. 511-3 et édicté moins d'un an auparavant, ne peut immédiatement quitter le territoire français ; (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'il est constant que M. A a fait l'objet de condamnations notamment pour usage de faux documents administratifs et usurpation d'identité ; que dans ces conditions, le PREFET DU RHONE a pu légalement considérer que M. A ne justifiait pas de garanties suffisantes de représentation, et, eu égard à la nécessité de prendre les mesures qu'exigeait l'organisation matérielle du retour de l'intéressé dans son pays d'origine, prononcer la mesure de placement en rétention, alors même que M. A était détenteur d'un passeport et qu'il avait déclaré une adresse commune avec sa compagne ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DU RHONE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 23 novembre 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A, fixant le pays à destination duquel cette mesure de police serait exécutée et ordonnant le placement de l'intéressé en rétention administrative ;

Sur les conclusions de M. A aux fins d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces conclusions ne peuvent qu' être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0907010, en date du 26 novembre 2009, du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande de M. A tendant à l'annulation des décisions du 23 novembre 2009 du PREFET DU RHONE portant reconduite à la frontière et décidant le pays à destination duquel cette mesure de police serait exécutée et son placement en rétention administrative est rejetée.

Article 3 : Les autres conclusions de la requête sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ali A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au PREFET DU RHONE.

Lu en audience publique, le 9 juillet 2010.

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N° 09LY02883

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 09LY02883
Date de la décision : 09/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guy FONTANELLE
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : PILLET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-07-09;09ly02883 ?
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