Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 23 octobre 2009, présentée pour M. Leonat A, domicilié ... ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0903013 en date du 22 mai 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 mai 2009, par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière, a fixé le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite et a ordonné son placement en rétention administrative ;
2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros à verser à son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Il soutient que la décision de reconduite à la frontière prise à son encontre porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que le préfet du Rhône n'a pas pris en considération l'intérêt supérieur de son enfant dès lors que sa décision prive son fils de la présence de son père ; que la décision de placement en rétention administrative n'est pas justifiée dès lors qu'il présente des garanties suffisantes de représentation ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu, enregistré le 15 avril 2010, le mémoire en défense déposé pour le préfet du Rhône tendant au rejet de la requête et à ce que M. A soit condamné à verser à l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que la requête est irrecevable pour défaut de motivation, qu'il n'y a pas eu violation des stipulations de l' article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni de celles de l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ; que les conditions de mise en rétention administrative étaient remplies ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2010 :
- le rapport de M. Fontanelle, président ;
- les observations de Me Guérault
- et les conclusions de M.Reynoird, rapporteur public ;
- la parole ayant été donné à nouveau à Me Guérault ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la Fin de non recevoir opposée contre le défendeur ;
Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité albanaise, a fait l'objet d'une décision de refus de délivrance de titre de séjour, assortie d'une obligation de quitter le territoire français, notifiée, le 23 juillet 2007 , devenue exécutoire le 22 novembre 2007, à la suite du rejet par le Tribunal administratif de la demande en annulation dont il était saisi ; que, par suite, M. A se trouvait, le 20 mai 2009, date de la décision attaquée, dans le cas où le préfet peut ordonner la reconduite d'un étranger à la frontière sur le fondement des dispositions précitées du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;
Considérant que M. A fait valoir qu'il est entré en France en 2005 pour rejoindre sa tante à laquelle il avait été confié par ses parents durant son enfance, que l'état de santé de celle-ci rend nécessaire sa présence à ses côtés, qu'il produit notamment un certificat médical établi le 21 septembre 2007, selon lequel elle doit bénéficier d'une aide quotidienne du fait de la polynévrite des membres inférieurs dont elle souffre et qui gêne sa marche, de la surveillance requise de son diabète et de son insuffisance respiratoire évoluée, que son époux ne peut, seul, lui apporter ; que, toutefois, les attestations de tiers produites, dépourvues de caractère probant, ne permettent pas d'établir que M. A aurait été élevé par sa tante durant son enfance , ni que celle-ci ne pourrait pas bénéficier d'un soutien suffisant de la part de son époux ou d'une assistance médico-sociale à laquelle son état de santé lui donnerait droit, de telle sorte que la présence de M. A et de son épouse, venue le rejoindre le 16 novembre 2005, serait indispensable ; que, par ailleurs, cette dernière est également en situation irrégulière et a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, devenue définitive et a vocation, par conséquent, à le rejoindre en Albanie pour établir la cellule familiale où il dispose de solides attaches familiales puisque sa fille mineure, née le 16 novembre 2002, et ses parents y résident ; que, si M. A produit une promesse d'embauche, datée du 30 mai 2007, pour démontrer sa volonté d'intégration en France, il a vécu l'essentiel de son existence dans son pays d'origine ; qu'enfin, il n'établit pas, par la seule production d'un certificat médical émanant du responsable du centre d'action médico-sociale précoce de Lyon en du 19 mars 2009, que les soins nécessités par l'état de santé de son fils ne pourraient être poursuivis en Albanie ; que compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de M. A en France et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté prononçant sa reconduite à la frontière n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, nonobstant la promesse d'embauche faite en mai 2007 et la volonté d'intégration dans la société française de l'intéressé, l'arrêté querellé n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
Considérant que M. A soutient que la décision de reconduite à la frontière prise à son encontre le séparera de son enfant, Sébastien, dès lors que ce dernier restera en France avec sa mère ; que, toutefois, celle-ci est elle-même en situation irrégulière et a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, devenue définitive, et n'a pas vocation à se maintenir sur le territoire français ; qu'ainsi, rien ne fait obstacle à ce que M. A reconstitue la cellule familiale en Albanie avec son épouse et leurs enfants, pas même la circonstance que le jeune Sébastien, né en France en 2002, ne connaîtrait pas l'Albanie ; que, dès lors, la décision de reconduite à la frontière ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 du la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant ;
Sur la décision de placement en rétention administrative :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la cour d'appel de Lyon a, par une décision du 25 mai 2009, substitué à la décision de mise en rétention de M. A en date du 20 mai 2009, une assignation à résidence ; que les conclusions de la demande de M. A tendant à l'annulation de cette décision, présentées à la Cour le 23 octobre 2009, étaient ainsi sans objet et sont, par conséquent irrecevables ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du préfet tendant à la condamnation de M. A à verser une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du préfet du Rhône tendant à la condamnation de M. A à verser une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Leonat A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Lu en audience publique, le 9 juillet 2010.
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N° 09LY02477
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